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Critique


De bastien, le 20 mai 2004 à 13:30
Note du film : 6/6

SPOILERS

« Cœurs Perdus en Atlantide » est sans doute l’un des films les plus limpide quand à l’analyse du réalisateur, dans la mesure ou contrairement à ses deux œuvres précédentes, la construction narrative s’avère beaucoup plus épuré. A la multitude de flash-back et de points de vues se substitue ici un seul long segment nous remmenant vers le passé… Mais profitant de ce rythme plus posé, le réalisateur a choisi de « spliter »par la composition plus que par le montage, usant par là même totalement des possibilités offertes par le format cinémascope. Une fois de plus, l’idée de la mosaïque s’impose au spectateur, même si ici elle s’apparente plus littéralement au kaléidoscope.

                

Chez Scott Hicks, la séquence générique est essentielle, et définit une clé à suivre quand à la perception du film. Cette grosse boule qui démultiplie une photo de manière kaléidoscopique sera donc à l’image de ce que l’on verra, un évènement aux frontières du paranormal difficile à saisir. Rarement les jeux de miroirs auront été aussi importants chez le cinéaste. A un point de vue dans le cadre répond une ouverture vers plusieurs autres. Comme si le film, le focus de ce que l’on voit, était perpétuellement scruté.

Le personnage de Ted Brautigan cherche à échapper à une menace vague, et la composition de chaque plan, dans cet optique, trouve toute sa pertinence, influe sur le spectateur… Brautigan ne semble jamais à l’abri, terré mais à l’affût continuel d’une menace présente partout, l’arrivée de ces hommes de l’ombre qui peuvent circuler plus facilement dans ce monde de l’étrange que eux connaissent bien.

Le plan emblématique à ce niveau est celui des deux silhouettes noires émergeant de l’extrémité d’un tunnel, du fond du plan, au détour des jeux d’enfants de Carol et Bobby. Ce plan est aussi l’une des métaphores du film, sa cruauté, c’est un contrechamp de celui de « La neige tombait sur les Cèdres » ou Ismahel se retournait pour revoir deux silhouettes, lui et Hatsue enfant jouant sur une plage. Contrechamp plus simple aussi d’un plan du début du film, ou Bobby adulte se retourne appelé par le souvenir, et se retrouve de l’autre côté de ce tunnel, à regarder son enfance.

De l’autre bout de ce tunnel, il y a le monde adulte. Les hommes de l’ombre sont des sentinelles entre ce monde des adultes et celui de l’enfance… Expression des peurs, comme celle du « boogeyman ». Brautigan, qui leur a échappé un temps, vient se réfugier dans le monde de Bobby, et lui permet pendant cette brève rencontre deux chose : lui faire profiter pleinement de ces moments magiques de cette période de sa vie, mais aussi le préparer à sa fin immédiate. Le don de se projeter vers le futur, c’est un peu le fantasme et la peur absolue, la meilleur hypothèse de fantastique chez Hicks.

L’intrigue ne se vit que sous cette abstraction, mais en mettant pleinement à l’image les expériences extrasensorielles comme quelque chose de simple et insaisissable, la mise en scène rassure beaucoup moins le spectateur qui peut ressortir du film en se posant des questions sur toute ces choses. Avec le sentiment que l’irréel est tout proche de nous. Certains spectateurs ont perçus cela comme un manque d’explication et quelque chose de frustrant. 

Cela vient aussi du fait que le cinéma de Hicks est un monde de l’entre-deux. Sur le DVD du film, Anthony Hopkins emploie la métaphore pour le jeu d’acteur de l’eau où baignent les photographies en développement, avant de se révéler. La même chose vaut pour le cinéma du réalisateur. Il explore des voies peu empruntés par d’autres. Seul quelques rares films le rejoignent de temps à autres, « Kundun » de Scorsese ou « A.I» de Spielberg par exemple. Le réel est un no man’s land (couleur froide et bleutée, ruines, dans « hearts in Atlantis », perpétuelle neige dans « Snow falling on cedars ») qu’on ne peut définir comme le présent. Le passé est quelque chose de fascinant qui tient prisonnier, c’est aussi un parallèle à l’expérience cinéphilique : une scène originelle comme un amour d’enfance tient de l’obsessionnel. Le monde des images est aussi celui de la mémoire. On ne peut vivre sans elles. « Cœurs perdus en Atlantide » parlera à tous ceux qui sont hantés par un sentiment de pertes et de quelque chose à retrouver, comme il évoque l’enfance comme cette cité de l’Atlantide, qui n’a pour destin que d’être engloutie. C’est un cinéma qui flotte, un rêve éveillé qui parle au subconscient mais pas du « présent » qui ne s’esquisse qu’à la fin. Comme une délivrance, mais toujours ambiguë. Si le cinéma de Hicks est si beau, c’est parce qu’il fait partie de ceux qui expriment ce que l’on ressent, se concentre sur la perception du spectateur, dépassant, ce que l'on voit simplement dans l'immédiat..


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De dumbledore

Adapter Stephen King est tout à la fois tentant et apeurant. Tentant car King, formé par la culture cinématographique, écrit avec un style quasi-scénaristique (Ça en est un exemple), et construit ses histoires en séquences presque cinématographiques (visuelles et peu psychologiques). Peur, car neuf fois sur dix, l'adaptation ne fonctionne pas, pour la simple raison que King va plus loin que l'écriture cinématographique. Il sait faire appel au non-dit (et non-vu) pour les moments clés de ses livres et là réside sa force. Il suffit de s'amuser à raconter une histoire de King pour se rendre compte que le terrifiant, le captivant est ailleurs !

Du coup, King est sans doute l'auteur le plus adapté et le moins bien adapté. Peu ont réussi à faire un bon film tout en restant fidèle au livre: Taylor Hackford (Dolores Claiborne), Frank Darabont (Les Évadés, La ligne verte), Rob Reiner (Stand by Me, Misery)… et Scott Hicks avec Coeurs perdus en Atlantide.

Aidé par un très bon scénariste, William Goldman qui a sélectionné seulement deux histoires du livre et rajouté pas mal de choses de son propre univers, Scott Hicks signe un film ressemblant à bien des égards à Shine. On retrouve le même sens de la lenteur, sans être pour autant long, le même intérêt pour un personnage âgé ayant "son avenir derrière lui". Dans Shine, il s'agissait d'un schizophrène ayant eu son moment de grâce dans son adolescent, grâce qu'il n'arrive plus à retrouver. Ici, il s'agit d'un homme qui sent le poids de la vieillesse, et qui est écrasé par la nostalgie de son enfance…

La nostalgie de cette enfance mythique, de cette Atlantide est montrée non pas avec un romantisme, mais avec une dureté assez redoutable, notamment dans l'utilisation de cette narration en flash back. Si bien qu'on ne sort pas du film en ayant une pensée gratifiante pour sa propre enfance, mais avec un pincement au coeur à l'idée que le temps fuit, et que oui, le passé est bien loin car le passé n'est plus atteignable…

Ceux qui peuvent adhérer à cette problématique de l'enfance trouveront sans doute du plaisir et de l'émotion dans ce film. Les autres risquent de s'agacer à cet univers tout de même un peu trop hollywoodien (dans la lumière, les décors, le casting) et trouveront le film niais et ennuyeux…

En bref : Une bonne adaptation du livre de King.


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