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De DelaNuit, le 13 décembre 2017 à 13:49
Note du film : 4/6

Ce Taras Bulba est sans doute la version la plus célèbre du fameux roman de Gogol. Il bénéficie d’une mise en scène de J. Lee Thompson (tout auréolé du succès des Canons de Navarone) qui fait la part belle aux mouvements de foule des cavaliers cosaques zaporogues (« hommes libres ») galopant à travers la steppe, prêts à en découdre avec les turcs ou les polonais. On n’imagine pas en regardant le film qu’il a été tourné dans la pampa argentine en lieu et place de l’Asie centrale, d’autant que la musique de Franz Waxman apporte des couleurs mélodiques et rythmées propices à créer l’atmosphère voulue.

Le décor de Kiev fait un peu carton-pâte mais les remparts de Doubno sont plus réalistes, à croire que les décorateurs se sont accommodés de bâtiments existants. Les cosaques sont tels qu’on les imagine : barbares, têtus, brutaux, ripailleurs, chanteurs, danseurs, querelleurs… et Yul Brynner à leur tête est tout à fait crédible dans le rôle-titre. Ses origines exotiques (officiellement russes et mongoles), déjà mises à profit dans Anastasia, Les frères Karamazov ou Le roi et moi, conviennent à merveille. On a même la chance de l’entendre par deux fois chanter de sa belle voix grave (dont une version en anglais de Kalinka !) On ne doute pas que Taras Bulba en personne se tienne devant nous. Dans le rôle de son fils plus tourmenté, le jeune premier Tony Curtis – pourtant habitué des superproductions épiques historiques avec Spartacus et Les vikings – me parait plus fade. Il faut dire qu’il passe les deux tiers du film sous le charme slave de la belle Christine Kaufmann (rescapée des Derniers jours de Pompei).

Tout cela est ample, on ne s’ennuie pas et on pardonne au passage quelques anachronismes ou facilités de scénario. La légèreté du début fait place vers la fin à une tonalité plus sombre. Je reste toutefois un peu sur ma faim, l’histoire d’amour impossible, la contradiction entre les élans du cœur et la fidélité au clan, la confrontation finale entre le père et le fils rebelle par amour se trouvant à mon avis trop vite réglée de façon expéditive. Dommage, les profondeurs tourmentées de l’âme humaine si présentes dans la littérature russe demeurent superficiellement abordées et s’effacent derrière le grand spectacle. Peut-être est-ce d’ailleurs le vrai sujet du film, c’est-à-dire l’expression de la nature cosaque, prompte à régler tout conflit, y compris intérieur ou familial, d’un coup de sabre ou de pistolet sans se préoccuper d’introspection !

Un film imparfait donc, mais non sans charme, qui fait d’autant plus regretter de ne pouvoir se mettre sous la dent d’autres interprétations mémorables de Yul Brynner, acteur félin au jeu très moderne, hélas indisponibles en vidéo tels Les frères Karamazov de Richard Brooks ou Les boucaniers d’Anthony Quinn, chefs d’œuvre du cinéma dont l’indisponibilité est bien décevante.

Parmi les bonus, l’interview de Noël Simsolo, célèbre historien du cinéma, m’a particulièrement laissé sur ma faim : s’il nous cite telle une vivante encyclopédie les précédentes adaptations du roman ou les détails filmographiques du réalisateur et des interprètes, son analyse du sujet et du film en lui-même se limite à exprimer de façon un peu condescendante que tel était le genre de film qu’Hollywood estimait alors convenir aux spectateurs. Et donc ? Messieurs les éditeurs, c’est une bonne chose de faire intervenir des experts du cinéma sur les films, mais autant être sûr qu’ils ont quelque chose à en dire (et qu’ils l’ont vu ou revu récemment ?)… ou qu’ils ne méprisent pas l’œuvre en question !


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