Gregg Araki fait partie de ces réalisateurs dont je n'avais jamais entendu parler jusqu'à être tombé par hasard sur Kaboom, Teen Movie libidineux teinté de surnaturel dont l'esthétique soignée et le rythme déjanté ne m'avait pas laissé indifférent (la fin en queue de poisson est extraordinaire). Je suis alors passé à Nowhere, une de ses premières réalisations tout aussi frappante de par son aspect stylisé, nous plongeant dans un Los Angeles à la jeunesse décadente, excessive et blasée, un univers drogué digne des œuvres de Bret Easton Ellis.

En dégotant ce Mysterious Skin, je m'attendais à une comédie un brin fantastique, idéale pour décompresser un dimanche à la veille bien arrosée, hélas, ou heureusement, je me trompais. Adaptation du livre éponyme de Scott Heim, Mysterious Skin traite d'un sujet sensible, la pédophilie, d'une manière si originale que sa vision n'en est jamais pesante. La façon d'aborder la sexualité torturée des personnages, notamment celle de Neil, interprété par le jeune et remarquable Joseph Gordon-Levitt, peut choquer par sa crudité, et ce que l'on pourrait qualifier d'impudeur, en considérant l'essence tragique et malsaine du récit, devient élégance et sensibilité grâce à la réalisation talentueuse de Gregg Araki.

Difficile de retranscrire l'effet que procure cette histoire, la profondeur psychologique des personnages, la justesse de ton, le récit nous prend à la gorge pour ne plus nous lâcher jusqu'à ce que la vérité éclate pour le personnage de Brian. La scène finale est une des plus émouvantes qu'il m'ait été donnée de voir dans ma filmo.

Alors oui, le sujet controversé ne donne pas forcément envie de s'y attarder et j'avoue que je ne me serais pas penché dessus en sachant de quoi il retournait exactement, surtout un dimanche soir. Mais je pense que Mysterious Skin n'a pas la notoriété qu'il mérite et devrait figurer parmi les films majeurs de ces dix dernières années.