Le Film sortira en Blu-Ray chez Criterion en Octobre 2016. Il est issu d'un nouveau transfert (4K) entièrement remastérisé. Le Blu-ray n'était jusqu'alors disponible qu'au Japon.
Il m'est arrivé de partager les avis de Dumbledore ou bien de ne pas les partager du tout. Me voici ici dans le second cas de figure. Certes L'arbre aux sabots a pour défaut une longueur sans doute excessive. Une durée de deux heures aurait été peut-être préférable. Mais à mon avis, L'arbre aux sabots est une superbe réussite cinématographique, qui ressuscite et renouvelle de brillante manière à la fin des années 1970, le drame d'obédience néo-réaliste. On pense bien sûr aux pêcheurs de La terre tremble (1948) en découvrant ces paysans lombards, et leur mode de vie rudimentaire. La reconstitution de la vie au sein d'une ferme lombarde fin du XIX° siècle est exemplaire. Mais c'est le traitement du sujet, avec l'emploi d'aspects picturaux éloignés du langage brut de décoffrage néo-réaliste des années 1950 qui constitue peut-être l'aspect le plus intéressant et le plus novateur de L'arbre aux sabots, encore aujourd'hui, trente cinq ans après sa réalisation.
Une grande sobriété formelle et de fond sont de mise tout au long de ce long-métrage. Les émotions des personnages sont contenues. On est loin de l’exubérance manifestée par Bertolucci dans 1900. Observons la mise en scène discrète de Ermanno Olmi (presque que des plans fixes) et très efficace (pour diffuser des idées). Pour opposer par exemple le groupe des paysans à celui des bourgeois, les uns assis dans une écurie, les autres autour d'un piano dans un salon confortable. Les valeurs portées par ces deux groupes sont dissemblables. La solidarité et la simplicité sont de mise chez les paysans, alors que chez les bourgeois c'est une relative hypocrisie autour des normes de bonne conduite qui est apparente (on voit un personnage consulter sa montre en écoutant le concert, par exemple). Mais le film a l'intelligence de ne pas forcer le trait, de ne pas stigmatiser les uns au profit des autres et de laisser en fin de compte le spectateur libre de formuler son propre jugement, sur les normes sociales ou comportementales de cette époque.
Les activités des paysans sont déroulées sur un mode quasi-documentaire avec force et détails. Mais Olmi filme aussi ces paysans comme s'ils étaient l'émanation naturelle de la terre italienne. Ces paysans ont le geste qu'il faut, au bon moment, dans le cadre de leur activité quotidienne, proche de la terre. Ils font preuve d'une belle efficacité pour égorger le cochon ou trancher la tête d'une oie. Ils semblent épouser les courbures du champ quand ils le labourent. La lumière du soleil semble caresser les frêles épaules des enfants de la ferme. Ces paysans sont plus vivants que leurs patrons plongés dans une forte neurasthénie, coupés du monde réel, ayant simplement à leur avantage la connaissance de la culture et des arts.
La composante sonore du film, très élaborée, est souvent utilisée à contre-emploi logique des images. Une musique d'orgue plaquée à des images de paysans vaquant ou se déplaçant dans les champs confère ainsi une certaine grandeur d'âme à ces paysans. Le choix de l'instrument n'est bien sûr pas anodin. Les prises de vue fixant les regards, gestes et attitudes des personnages, les intégrant dans une douce lumière naturelle leur confèrent par moments une dimension quasi-divinatoire. L'affiche du film, représentant une paysanne sous une allure proche de la Joconde est emblématique des idées véhiculées par Olmi : l'individu ordinaire, sans le sou ou presque, possède une grandeur d'âme, une dimension esthétique, et semble être l'incarnation de la Vérité universelle.
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