De crainte de mécontenter les Seigneurs du pétrole, on n'a pas remplacé l'ennemi russe par l'ennemi musulman ; on est donc revenu aux vieilles recettes qui avaient fait la fortune du SPECTRE : des organisations avides de pouvoir et d'argent ; d'ailleurs là, on est certain qu'on ne manquera jamais de gens à détester.
On élabore donc un salmigondis immangeable, dont la philosophie (si on peut dire) est infantile et dont les complications sont infernales : pour comprendre exactement l'intrigue de Quantum of solace, il faudrait continuellement faire des pauses dans la lecture du DVD et prendre des notes comme on le ferait dans un ouvrage de métaphysique : aucun cerveau normalement constitué (c'est-à-dire un peu frotté aux Humanités) ne peut sinon saisir les péripéties virevoltantes, incongrues, absurdes et malheureusement souvent ennuyeuses de ces nouvelles aventures du tueur 007, materné comme un enfant immature par M, le chef du MI6, l'agence de renseignement britannique qui, depuis quelques épisodes est une femme (Judi Dench), d'ailleurs, et on ne voit pas pourquoi même si on n'a rien contre. Ce gloubi-glouba est filmé avec tous les tics systémiques du cinéma d'action de notre siècle : on voit que les films sont préparés pour les salles de multiplexes de banlieue où il faut un montage hyper-violent, des images hurlantes, des explosions continuelles, un cinéma pour consommateurs de bassines de pop-corn, de drogues diverses et de gaz hilarant. Les acteurs sont tous, naturellement, en dessous du niveau. Si Daniel Craig a deux sous de dignité, il doit être un peu gêné d'être placé dans le même wagon que Sean Connery (ou même Roger Moore) ; Mathieu Amalric qui possède, de fait, une bonne gueule de méchant, est sans épine et sans saveur. Les filles sont aussi lisses et insignifiantes que toutes les James Bond girls (à de rares exceptions près), mais que pourrait-on leur demander d'autre ?Cette nullité ne m'empêchera pas de regarder la suite de la franchise : j'ai une sorte de triste volupté (on appelait ça jadis la délectation morose) à contempler les décadences. Un de ces quatre je me repasserai Bons baisers de Russie ; quel bonheur en perspective !
« …qui se repaissent, encore et encore de l'oeuvre pourtant pas bien épaisse de Sir Fleming. »
Justement, il faudrait peut-être que, préalablement aux films, la franchise James Bond se trouve un écrivain capable de reprendre le flambeau des mains de Ian Fleming. Un virtuose du pastiche qui aurait en même temps sa propre griffe. Boileau-Narcejac n'ont-ils pas réussi un pastiche magnifique des aventures d'Arsène Lupin avec Le Secret d'Eunerville ? C'est faisable, ce genre d'opération littéraire. L'écrivain pourrait produire des romans de James Bond à un rythme, disons, de un par an, voire un aux six mois si le marché répond bien. Et ensuite, les producteurs pourraient puiser à leur gré dans ces oeuvres d'imagination pour nourrir leur série cinématographique. Le but de la manoeuvre serait que les histoires qu'on nous raconte présentement dans les films de James Bond s'améliorent pour la peine, car si je m'accommode très bien de Daniel Craig en James Bond, en revanche la seule (et bien mince) raison d'être de la série, c'est l'imagination, or de ce côté-là, c'est plutôt faiblard.
Page générée en 0.0094 s. - 6 requêtes effectuées
Si vous souhaitez compléter ou corriger cette page, vous pouvez nous contacter