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Les assassins sont parmi nous !


De Impétueux, le 7 avril 2019 à 21:02
Note du film : 5/6

Le premier film parlant de Fritz Lang commence, de fait, à toute allure et introduit d'emblée le spectateur dans le récit : des enfants qui, dans la cour d'un immeuble ouvrier, chantent une comptine affreuse. Le méchant tueur vient à son heure, il fera de toi un hachis !. Rien de plus délicat pour l'enfant ainsi sorti de la ronde. On sent rôder l'inquiétude des mamans. Puis un gros plan sur une affiche : 10.000 marks sont offerts à celui qui donnera un renseignement sur le tueur qui sévit en ville et qui a déjà assassiné plusieurs petites filles. La maman qui se ronge les sangs en sentant passer les minutes et ne voit pas son enfant revenir déjeuner ne supporte plus l'attente.

On sait qu'elle a bien raison parce que, se profilant sur l'affiche, on a vu un passant, qui siffle Dans le palais du roi de la montagne, (extrait du Peer Gynt d'Edvard Grieg) proposer à la petite Elsie Berckmann (Inge Landgut) un ballon de baudruche et l'entraîner dans un terrain vague. La mère d'Elsie (Ellen Widmann) est passée de l'inquiétude à l'angoisse puis à la terreur. La baudruche envolée s'est prise dans des fils électriques, le ballon d'Elsie roule hors d'un buisson. Voilà. Tout est dit.

Elsie a été la huitième victime du tueur. Rien d'étonnant que la psychose s'empare des habitants de Berlin, que les soupçons pleuvent dès qu'on voit un adulte parler à un enfant, que les autorités s'exaspèrent devant l'incapacité de la police à mettre la main sur le criminel. Police qui multiplie les arrestations et les rafles dans les milieux interlopes ce qui, à la longue, dérange notablement le petit commerce de la truanderie. Un outsider nous gâche les affaires ! s'exclame Schränker (Gustaf Gründgens), le patron de la pègre locale. D'où la décision de mettre la main sur l'empêcheur des voyouteries habituelles et de mobiliser le réseau des mendiants pour pister le tueur.

Toute la partie qui voit les efforts parallèles de la police et du milieu pour pister Hans Beckert (Peter Lorre), M le maudit dont on ne saura finalement rien, ni d'où il vient, ni de quoi il vit, me semble un peu faible, mettant un peu trop facilement en opposition les méthodes employées par les deux groupes de chasseurs qui finissent par aboutir à sa découverte puis à sa capture par les malfrats. Cela dit, il faut dire néanmoins beaucoup de bien de la façon de filmer de Fritz Lang qui saisit dans un jeu de plongées et de diagonales spectaculaires toute l'émoi de la traque dans la froideur austère des rues.

Et le film retrouve vraiment le souffle glaçant de ses débuts lorsque Hans Beckert/M est jeté devant le tribunal populaire de la pègre réunie qui hurle à la mort. Images très impressionnantes de cette vaste cave voûtée et des visages hostiles qui l'accueillent. Puis les questions, qui rendent un son étonnamment moderne alors que le film date de 1931. M exige qu'on le remette à la police, beugle que la pègre n'a pas le droit de le juger, moins encore de le condamner à la mort que tous réclament. Te remettre à la justice pour qu'on te considère irresponsable, qu'on te cajole dans une maison de santé ! Et tu t'échapperas ou il y aura une amnistie et tu zigouilleras encore des fillettes ! Non, on va te mettre hors d'état de nuire !. Et après le plaidoyer humaniste d'un truand qui a été institué avocat d'office et défend l'assassin avec un réel courage, c'est le criminel lui-même qui râle : Je porte en moi cette malédiction, cette brûlure, ce supplice… Et je cours entouré des fantômes des mères, des enfants…

Ah, certes, vaste débat, que Lang ne tranche pas puisque la police, opportunément survenue juste avant le lynchage remet Hans Beckert à une Cour d'assises dont on ne sait quel verdict elle prononcera puisque le cinéaste conclu sur la seule image des magistrats. Et cela même si on peut rappeler que Peter Kürten, le véritable Vampire de Düsseldorf qui a inspiré le personnage de M, fut condamné à mort et guillotiné en juillet 1931 après 9 assassinats. Et sa dernière phrase sur l'échafaud fut, paraît-il Dites-moi, quand ma tête aura été coupée, pourrai-je toujours entendre, au moins un instant, le bruit de mon sang jaillissant de mon cou ? Ce serait le dernier des plaisirs. Oui, certes, folie, monstruosité, anomalie psychiatrique… qui peut en douter ? N'empêche que qu'est-ce qu'on fait, aujourd'hui où on ne guillotine plus ? Réclusion à vie, dans une réelle perpétuité ? Ou libération accompagnée d'une castration chimique autoritaire, qui est une vraie mutilation ? Tout le monde n'a pas le triste courage de l'adjudant-chef Pierre Chanal, le tueur de Mourmelon, qui s'est suicidé au moment où s'ouvrait son procès…


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De fretyl, le 18 septembre 2007 à 16:07
Note du film : Chef-d'Oeuvre

Les cinéastes s'étant cramponnés avec une telle hargne à décrire les pulsions les plus basse chez les hommes sont rares, Fritz Lang en ait certainement le plus représentatif.
Son cinéma a continuellement puisé son inspiration soit dans les grands drames sociaux du vingtième siècle, soit dans la violence de la société, les deux sujets étant par ailleurs confondants ou interchangeables.
M le maudit est construit à partir de ces deux critères, Lang nous montre en premier lieu une Allemagne affamée qui a peur (au sens propre) avant de démonter les rouages d'une misère croissante qui aboutit inévitablement à la violence ou à la haine.
Dans son film la violence et la haine envahissent les protagonistes au même moment ou l'Allemagne croyait trouver en Adolf Hitler un juste leader.
Il y a dans M le maudit une démarche évidente à la Zola, le film est sans concession un film analytique, sur une période malsaine, mais plus grave sur le changement de comportements des foules face à l'insécurité. Le lynchage final (et idiot) confirme explicitement ces données et en quelques minutes, Lang juge ceux qui se voudraient juges.
Le film défend une justice républicaine, des hommes éduqués et des prisons propres.

Techniquement le film est magistral, noir et blanc que l'on dit poisseux, sert encore plus à rendre le film sombre et déstabilisant un peu comme dans Voici le temps des assassins de Duvivier forçant ainsi sur les ombres de l'assassin.
Le genre de noir et blanc qui permettait à une œuvre de prendre en quelques plans l'imagination du spectateur et à rendre une ville, un personnage, une atmosphère encore plus étrange.
Chose que l'on ne retrouve que difficilement dans les films actuel en couleur.
Le film contient une force tragique rare, chaque personnage semble être salaud à tel point que l'assassin (Peter Lorre magnifique) donne l'image d'une victime faible devenu inhumain par le monde qui l'entoure.
On retrouve à la fin de L'homme qui en savait trop la même frayeur lorsque le même Peter Lorre est encerclé par la police.
Parfait dans le rôle, il incarne à merveille un cas pathologique dément s'inspirant bien évidemment du cas de folie du Vampire de Dusseldorf.

Le premier titre Les assassins sont parmis nous déplut au parti National-Socialiste qui voyait là un pointage douteux.
Lang se sentant menacé changea son titre et à la prise de pouvoir d'Hitler quitta l'Allemagne.
Avec Le docteur Mabuse celui-ci avait déjà dit y avoir attaqué indirectement les Nazis.
Aux États-Unis Lang ne sera pas plus positif, la plupart de ses films se situeront encore autour des mêmes problèmes, on retrouvera le thème du lynchage dans Fury avec Spencer Tracy ainsi que ce regard desoeuvrant porté non pas sur les hommes, mais beaucoup plus sur les citoyens de chaque pays.


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