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Violent sans complaisance


De Impétueux, le 15 mars à 18:11
Note du film : 2/6

Qu'est-ce qui a bien pu pousser John Kennedy, puis Lyndon Johnson, puis Richard Nixon à partir s'engluer dans le bourbier de l'Asie du Sud-Est, sinon la manie étasunienne, catastrophique et permanente, d'aller se mêler de ce qui ne les regarde pas, manie qui leur fait mettre le feu avec constance aux quatre coins du monde et qui nous vaut l'état de guerre presque permanent que nous subissons en nous soumettant à leurs ukases. Faisant semblant de vouloir arranger les choses – qui se règleraient tranquillement sans eux dans des conflits limités – ils les rendent naturellement bien pire qu'elles n'étaient auparavant.

Ainsi sont-ils adeptes de la théorie des dominos selon quoi le basculement d'un État dans le mauvais camp, réellement ou fallacieusement entrain forcément le basculement des États circonvoisins. Idiote appréciation : lorsqu'un pays est un peu intelligent et surtout qu'il a derrière lui une forte dimension diplomatique, il utilise la stratégie des échecs, ce qui est infiniment plus intelligent. La Grande-Bretagne est l'exemple même de ceci et la France l'était jusqu'à ce que les quatre derniers Présidents de la République enterrent les puissantes traditions du Quai d'Orsay. À partir du moment où l'Inde, en 1947, la Chine et l'Indonésie en 1949, la Corée du Nord en 1954 devenaient indépendantes, l'Occident aurait dû comprendre qu'il fallait se tirer de ce capharnaüm sanguinolent.

Platoon décrit le merdier dans toute sa splendeur. Oliver Stone ayant lui-même combattu au Vietnam, je ne doute pas de la véracité des scènes, sans doute plus fidèles à la réalité que ne le sont Apocalypse Now, Voyage au bout de l'enfer ou Full métal Jacket. Mais de même que Fabrice Del Dongo ne comprend rien à la bataille de Waterloo qui se déroule sous ses yeux (dans La chartreuse de Parme, pour les incultes) le spectateur qui n'a nulle prévention contre le réalisateur (qu'il connaît à peine, n'ayant vu que le médiocre Snowden) décroche très rapidement.

Et puis quel ennui, ce film tellement célébré qui semble ne survivre que grâce à son thème musical, le fameux Adagio de Barber et quelques mesures de Georges Delerue. De ce film très célèbre et apprécié par des tas de gens, que peut-on conserver ? Des physionomies toutes semblables de soldats, maculées de sang, épuisées par la fatigue, entachées par l'usage intensif de toute les drogues que la sympathique Asie met à disposition de nos Occidentaux ?

Au fait je défie qui que ce soit de reconnaître, au fil des séquences, la nature des mecs qui apparaissent sur l'écran, leurs identités, leurs personnalités : ils se ressemblent tous, à quelques iotas près et c'est vraiment une des plus belles nullités cinématographiques qui se puisse cela. À part les figures principales, le sergent-chef Bob Barnes (Tom Berenger) et le sergent Elias Grodinque (Willem Dafoe) si l'on veut. Comme les deux acteurs principaux et se détestent jusqu'à se tuer (si j'ai bien compris, ce qui n'est pas certain) et qu'ils sont avant tout des chefs de bande, on saisit mal les jeux d'adhésion ou les changements d'allégeance qui se produisent. Par exemple j'ai confondu jusqu'à la fin le médiocre lieutenant Wolf (Mark Moses) et le narrateur du film le soldat Chris Taylor (Charlie Sheen) qui se ressemblent beaucoup et sont aussi inconsistants l'un que l'autre.

Au mieux, il y a une manière de filmer des prises de vues sous la pluie battante, sous la végétation envahissante, dans la boue tiède de l'Indochine ; ce n'est tout de même pas du niveau des nombreux films qui présentent, offrent et explorent la péninsule au regard de l'Occident. Il me semble que La 317è section, avec des moyens bien inférieurs offrait beaucoup mieux. Il est vrai que c'était encore un peu l'Indochine française et que Pierre Schœndœrffer avait aussi combattu sous ces tropiques.


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De Steve Mcqueen, le 15 novembre 2007 à 08:04
Note du film : 6/6

Après le choc que j'ai subi en regardant "Salvador", j'ai regardé Platoon dans la foulée, et comme il n'y a pas encore de message sur DVDTOILE je laisse mon avis. Pour Stone la guerre est une laide et il na va pas par quatre chemin pour nous le montrer. Contrairement à Apocalypse Now ( où le Vietnam n'est à mon avis qu'un contexte pour un voyage au bout de la folie) et Deer Hunter ( film qui enregistre les séquelles de la guerre sur une petite comunauté), Stone colle aux basques d'un simple fantassin : le film commence au Vietnam avec l'arrivée des recrues idéalistes, et se clôt au Vietnam, par un plan sur le visage décomposé de Chris . Entre les deux, on a droit à un film dur, réaliste, d'une extrême violence tout en évitant le piège de la complaisance.

Le film a pour principal protagoniste Chris, un jeune homme de bonne famille, engagé volontaire et comptant bien servir son pays au mieux. Au cours du film Chris va abandonner toutes ses illusions. Mais Chris n'existe que parce qu'il est confronté à deux hommes: Elias, un baroudeur dont l'expérience n' a pas annihilé la sensibilité et Barnes, une machine de guerre froide et impitoyable, au visage parcouru de cicatrices, ravagé de tics et perpétuellement sous l'effet des drogues. Barnes/ Elias s'affrontent violemment sous les yeux de Chris, tour à tour séduit par Elias et fasciné par Barnes.

Mais Barnes/Elias sont les deux faces d'une même réalité, qui seraient sûrement amis dans le civil. Simplement la guerre fait ressortir les pulsions autodestructices de Barnes, tandis qu'Elias conserve son instinct de survie. A la fin Elias devient un martyre, une figure quasiment christique: / abattu de 2 balles en pleine poitrine, il tente de rejoindre les hélico dans un geste désespéré, filmé au ralenti sous le regard terrifié de ses amis, avant de tomber sous les balles du vietcong. Barnes, lui, va au bout de sa logique meurtrière : grièvement blessé au cours d'un combat de trop, il reçoit la mort des mains de Chris comme une délivrance. Chris, lui, en quelques mois, aura perdu toutes ses illusions. C'est un homme brisé, qui a assisté à la lutte à mort de deux hommes qu'il admire : comme le clame l'affiche, "la première victime de la guerre est l'innocence"

Mais Stone montre surtout que lorsque l'homme est en guerre contre l'autre, il est avant tout en guerre contre lui-même : les vietcongs sont simplement une menace, qui font ressortir les pulsions du soldat américain . Dans "Platoon", la violence est psychologique avant d'être physique,comme le montre la séquence traumatisante de la mise à sac du village vietnamien par les GI's : ce comportement inommable n'est que le résultat du désoeuvrement, de la haine de soi camouflée derrière l'alibi de la vengeance.

Car Stone évite tout manichéisme : Chris, qui joue le rôle de l'identifiant pour le spectateur, cède à ses pulsions lors de l'attaque du village, en faisant "danser" un jeune viet sous ses balles. Le spectateur peut-il encore s'identifier à Chris lors de cette séquence ? Stone met le spectateur mal à l'aise, il le bouscule dans ses certitudes. De même il humanise Barnes, en enregistrant son regards dégouté à la mort d'un de ses hommes.

Stone a fait le Vietnam, et comme d'habitude il réalise un film viscéral, filmé avec ses tripes. Il ne démontre rien, simplement il donne à voir comment la guerre transforme l'homme en machine froide et meurtrière. Sheen comme Berenger (impressionante masse corporelle, remarquable charisme) trouvent là leur meilleur rôle. Ce serait également la cas de Dafoe, s'il n'était pas également excellent dans la plupart de ses rôles.

Il n'a pas de fil dircteur dans le film, simplement une suite de séquences qui s'enrichissent l'une l'autre. C'est du très grand cinéma américain, adulte, intelligent sans oublier d'être spectaculaire.


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