Un jeune homme qui sillonne les routes désertes du Texas prend en auto-stop un homme, John Ryder, qui se révèle être un psychopathe. A partir de ce canevas tout simple, Robert Harmon construit un suspense haletant, alternant éclairs de violence et ambiance quasi-fantastique. En effet on ne sait rien de Ryder, interprété avec une délectable ambigüité par l'excellent Rutger Hauer : il est une métaphore du mal, du Mal absolu, qui s'acharne sans raison sur un individu lambda.

Ryder apparaît à intervalle régulier, harcèle le héros, sans que l'on sache rien de ses motivations. Il n'a pas d'identité (peut-être circule-t-il sous un pseudonyme ?), pas d'antécédent judiciaire, finalement il n'"existe" pas… C'est une abstraction, un Ange de la Mort qui arpente l'asphalte en quête d'une proie. C'est une figure allégorique, et Rutger Hauer, avec sa crinière blonde et son regard torve, interprète à merveille cette abstraction…

Le réalisateur Robert Harmon exploite avec maestria toute une série de situations paroxystiques, d'une course-poursuite nerveuse sur une route qui s'étend à perte de vue (avec le vrombissement d'un hélicoptère, le crissement des pneus sur l'asphalte, les détonations assourdissantes des fusils à pompes) en passant par l'interrogatoire de Ryder, suintant d'un malaise palpable, sans oublier un "finale" implacable et finalement inéluctable.

Il en résulte le constat d'une Amérique profonde malade de l'intérieur, peuplée de policiers obtus, parsemée de motels glauques et gangrenée par une violence endémique.

Sous un soleil de plomb, dans un entrelacs d'autoroutes solitaires, deux hommes se livrent une lutte à mort, une lutte dont la motivation a depuis longtemps été oubliée, une lutte primaire, viscérale…

Un film à voir, à revoir…