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Critique


De DelaNuit, le 26 février 2017 à 18:47
Note du film : 6/6

Ce dimanche soir 26/02 sur Arté puis en streaming, Rebecca, chef d’œuvre gothique d’Alfred Hitchcock d’après le roman fameux de Daphné du Maurier

L’argument de départ est assez simple : sur la Côte d’Azur, une jeune fille timide mais charmante (Joan Fontaine, la sœur rivale d’Olivia de Havilland) tombe amoureuse d’un homme riche et mystérieux : Maximilien de Winters (alias Laurence Olivier). Elle l’épouse et arrive en sa compagnie dans sa demeure située à l’ouest de l’Angleterre : la gothique propriété de Manderley. Là, elle découvre l’omniprésence de la précédente Madame de Winters, Rebecca, si belle, sophistiquée, cultivée, intelligente, dont le tableau trône toujours en bonne place. Rebecca, dont tout le monde était admiratif et amoureux semble-t-il, mais dont la mort pourrait bien cacher quelque mystérieux secret…

A partir de là, Hitchcock nous promène d’une problématique à une autre pour la jeune héroïne a priori si fragile : comment se faire accepter par les domestiques et les amis de la si charismatique Rebecca ? Comment faire face aux malveillances et au mépris, gagner en assurance ? Comment comprendre un époux à la personnalité plus alambiquée que prévue ? Quelles sont les intentions de celui-ci ? Ne cacherait-il pas un lourd secret ? Serions-nous dans une moderne version du mythe de Barbe Bleue ?

Outre l’atmosphère gothique du lieu, au romantisme vénéneux magnifié par le noir et blanc, on pourrait se trouver dans une banale histoire de difficiles relations de couple ou de trio amoureux entre les nouveaux époux et le souvenir d’une morte inoubliable… Sauf que le maître du suspense nous entraîne sur un terrain imprévu, avec la présence d’une quatrième personne encore plus ambiguë que les autres : la gouvernante Mrs Denvers. Tel un sombre esprit voué au lieu, celle-ci glisse silencieusement dans les corridors et, en vestale dévouée, veille scrupuleusement sur la chambre, les affaires intimes et le souvenir de sa maîtresse, à laquelle elle était visiblement extrêmement attachée… Quelles sont donc ses intentions, ses secrets, ses sentiments à l’égard de la nouvelle venue ?

Pour rendre le film plus politiquement correct, Hitchcock a édulcoré le personnage interprété par Laurence Olivier mais a largement compensé cette démarche en focalisant progressivement l’intérêt sur la méphitique Mrs Denvers, pour le plaisir masochiste des cinéphiles qui lui ont fait une place de choix au panthéon des figures les plus ténébreuses et maudites du cinéma.

Judith Anderson, l’actrice australienne qui l’incarne, à la présence et au physique si particuliers, connaîtra une belle carrière hollywoodienne de personnages sulfureux : terrifiante Lady Macbeth, nourrice fielleuse de Moïse et Ramsès dans Les dix commandements, hautaine reine Hérodiade livrant sa propre fille à la concupiscence de son époux et réclamant la tête de Jean-Baptiste dans Salomé, belle-mère pénible d'Elizabeth Taylor dans La chatte sur un toit brûlant, tante amatrice de gigolos et rivale de Gene Tierney dans Laura

Finalement anoblie par la reine d’Angleterre, après avoir été la Vestale gardienne du souvenir de Rebecca, elle termina sa carrière cinématographique en grande prêtresse de Vulcain, trônant, hiératique dans les brumes rouges du mont Céleïa pour présider au rituel de réincarnation de Mr Spock dans Star Trek III !

Dame Judith Anderson, malgré un physique ingrat, vole donc la vedette à Laurence Olivier, Joan Fontaine et même George Sanders dans ce rôle mythique, jusqu’au « climax » final et flamboyant où la grande prêtresse s’offre en holocauste pour rejoindre à jamais sa maîtresse et divinité perdue ! Le tout porté par l’inoubliable musique de Franz Waxman, qui servit notamment en son temps de générique de ciné-club…

Quant à Joan Fontaine, elle se retrouva aux prises avec un autre époux aux intentions hermétiques dans Soupçons du même Hitchcock, et connut une nouvelle rivale Rebecca en Elizabeth Taylor cette fois-ci dans le médiéval Ivanhoé de la MGM !


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De kim, le 31 mai 2006 à 00:45

Eh comment, ça nous intéresse!

La sainte nitouche en question frappera fort une seconde fois avec Sir Alfred pour Soupçons, décrochant au passage l'Oscar, qui la récompensait par la même occasion pour Rebecca.

Rebecca est donc le prénom de la première madame de Winter, alors que celui de la seconde nous est inconnu! Encore une subtilité d'Alfred, qui renforce le sentiment d'infériorité de Joan Fontaine.

Le film aborde un sujet délicat à traiter au temps du code Hayes : l'homosexualité féminine,car il laisse sous-entendre un sentiment amoureux de madame d'Anvers vis à vis de Rebecca. La manipulation est également à l'honneur, lorsque la gouvernante incite l'héroïne à la défenestration, scène grandiose de perversion, frôlant le sado-masochisme. Il est vrai que la tâche est d'autant plus aisée que cette seconde épouse semble vulnérable et maladroite et dont la timidité est presque maladive.

Ce fut un rôle en or pour Joan Fontaine, qui suscita bien des convoitises, notamment de la part de Viven Leigh, qui voyait là le moyen de tourner avec son époux. Le choix de Joan Fontaine fut déconseillé car elle était surnommée "la femme de bois", en raison de sa froideur, mais peut-être est-ce la raison majeure qui plut à Hitchcock!




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