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De bastien, le 20 mai 2004 à 13:30

SPOILERS

Depuis son premier film "Freedom" en 1982, Scott Hicks a galéré comme ce pouvait être fréquemment le cas dans la production australienne, s'essayant à la réalisation de clips, de téléfilms, de gros documentaires pour Discovery Channel ou un film pour enfant. "Shine" est un projet qui était en gestation depuis des années chez le réalisateur, un biopic de David Elfgott, pianiste prodige qui péta violemment un cable après avoir achevé la numéro 3 de Rachmaninov, morceau extrèmement difficile à maîtriser.

Pour Hicks, sur le plan thématique, le film permet de retrouver les thèmes essentiels développés plus tards dans ses deux films américains qui suivront. Il est aussi le moyen de révéler deux acteurs extraordianires Geoffrey Rush et Noah Taylor.

La relation au père est l'élément moteur. C'est par lui que David a appris, c'est par lui qu'il est devenu fou, c'est sans lui qu'il devra vivre. Les héros du réalisateur sont toujours guidés par le souvenir de la figure paternelle . "Shine" est le plus fort sur cette corde. Peter Helfgott (Armin Mueller Stahl) et sa famille sont des rescapés des camps de concentration. D'origines polonaises et installés en Australie, Peter a conduit ses proches dans une logique d'enfermements autour de la cellule familliale: il faut survivre et il faut gagner mais en restant dans ce cadre. Il est étonnant de voir que Hicks traite plus le sujet du camps de concentration et de l'enfermement dans ce film que dans "La Neige tombait sur les Cèdres". Peter fait subir le traumatisme à la nouvelle génération, la maison est couverte d'un barbelé et de planches "voilà ce qu'il se passe quand on s'approche trops des barreaux"). Lorsque son fils le quitte, Peter brule tout ce qui le concerne dans un feu qui résonne brutalement. Une des scènes les plus bizarres de "Shine", c'est celle ou le père pénètre dans la salle de bain lorsque son fils est dans la baignoire: ralentis au moment ou il défait son paignoire, un David à nue et réduit à l'état de bête (il a déféqué dans la baignoire) va se faire frapper. Image du tortionnaire.

Par rapport au père il faut trouver un mentor de complément: ils sont deux ici. Un "bon" mentor, Mme Pritchard, et un moins bon, joué par John Gieguld en caricature du prof de musique anglais obsédé par la maitrise( "on ne doit pas tous sacrifier à l'éomotion, équilibre et mesure"). Amusant de voir que les mentors sont toujours joués chez le réal par de grandes figures: Gieguld, Von Sydow, Hopkins. Hicks est attaché à cette figure: il a rencontré un jour un prof d'université en cheveux long qui lui a fait totalement changer de voix… C'est ce qui ressort dans ses films.

Cloisonné ainsi, David sera privé d'enfance, pas pret à afronter l'extérieur… Finalement, il va vivre une enfance à revers et au final trouver une forme d'harmonie. Il aura eu une vie et une existence comme tout un chacun, mais pas dans le mème montage qu'un autre. D'ou aussi la construction éclaté du film et que comme souvent chez Hicks, c'est au milieu du film que l'on retrouve le climax, ici la représentation de Rachmaninov, ou le héros devient un corps mutant, avec dislocation du physique et de l'esprit. Au milieu de sa vie, Helfgot va atteindre son apothéose pour ne plus jamais la retrouver. Il l'a atteinte trops vite. La scène fait autant penser à la représentation de chant dans "La double vie de Véronique" qu'à celle de la Tarawa, llettre dans "La Neige tombait sur les Cèdres".

Pour nous raconter son histoire, Hicks se met à la place de la destructuration de son héros et nous allons nous retrouver dans son expérience atypique. Le générique du film est sans doute ce qu'il y a de plus emblématique de son art et de sa musicalité. Le visage de Geoffrey Rush y prend trois formes différentes, rythmés par des plans de pluies qui dégouline le long des vitres ou des capots de voirures, des lunettes… La photo, la lumière et la superbe musique de David Hirshfelder rythme ces plans de flash forwards que le spectateur saisit et comprendra par la suite. Une métaphore des lettres du scrabble pour faire un mot apparait en arrière fond récitée par Rush dans sa logorrhée incroyable… tout est là, comme l'histoire des gouttes de pluies de Mme Pritchard, qui n'est autre que celle du film. Une vie qui se raconte par atomes dispersées, mais une vie quand mème.

En plein milieu peut alors surgir des moments de vies qui ne sont pas forcément là ou on les attends. Lorsque david rencontre une jeune Russe qui l'aborde sur son talent sans que se vive un flirt adolescent, ça pince le coeur… jusqu'à la fin ou le héros atteint une légerté rare, on se sent flotter. Comme tout film de Scott, il s'agit de se libérer d'une obsession, et David à sa manière y est quand mème parvenu dans ce récit raconté avec mystère, pudeur et amour. Si ce n'est pas le film le plus impressionnant du réalisateur, il a une fraicheur que les autres n'ont peut-être pas comme lui.


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