Au fond, The Shield commence à perdre de l'altitude avec la cinquième saison, selon moi plus rocambolesque – Kavanagh qui menace d'envoyer Lem dans la même prison qu'Antwone ! – et aussi trop centrée sur le duel Kavanagh-MacKay. Les autres enquêtes sont plus maigres qu'à l'accoutumée et l'histoire de certains personnages secondaires est laissée en plan. Et on descend encore d'un cran au cours de la sixième saison, brouillonne et gardant la tête hors de l'eau surtout grâce à la performance impressionnante de Franka Potente dans le rôle de la sage et modeste fille à son papa immigrant – pas de maquillage, pas de coiffure, pas de toilettes élégantes – qui doit, tout simplement, faire fonctionner l'entreprise paternelle et préserver ses bonnes vieilles valeurs. Et enfin, arrive la septième et dernière saison, qui au fond aurait dû être la cinquième et dernière. Voilà qu'on arrive au bout de cette histoire tordue : les derniers masques tombent, certaines confessions sont faites, Vic MacKay et Shane Vendrell achèvent de révéler leur vraie nature. Quelle tragédie, quand même. Si les méchants sont punis, c'est par des voies auxquelles on ne s'attend pas nécessairement. L'excellent finale est à la fois très frustrant et très satisfaisant, frustrant parce que (partie censurée), satisfaisant parce que (partie censurée). Si The Shield avait duré cinq saisons comme The Wire, les deux séries seraient ex-aequo dans mon coeur.

Je constate avec amusement que cette série produite par Sony Pictures a démarré en 2002, la même année que The Wire chez HBO. Eh bien, voilà ce qu'on appelle de la compétition au sommet ! Ce sont en tout cas les deux meilleures séries policières que j'ai vues depuis longtemps. Le ton n'est pas exactement le même – par exemple The Wire nous montre volontiers les criminels entre eux, tandis que The Shield reste à peu près exclusivement du point de vue des flics – mais les recoupements sont nombreux et certains portraits de criminels – Antwone dans The Shield et Marlo dans The Wire – offrent des ressemblances qui font froid dans le dos. C'est notamment le travail magnifique et complexe sur les personnages, jusque dans les plus menus rôles, qui confère leur force de frappe à l'une comme à l'autre séries. Dans leur ensemble, The Shield comme The Wire offrent un même inquiétant constat de confusion morale, tout en inspirant une sorte d'empathie désenchantée mais élémentaire pour les flics de base, obligés de se coltiner à coeur de jour la turpitude humaine dans ce qu'elle a de plus navrant.

The Shield a pour atout suprême le personnage central très fort de Michael Chiklis, The Wire a pour suprême atout une plausibilité qui fait peur !

Si j'ai adoré Glenn Close dans la quatrième saison, j'ai tout de même des réserves sur la mission que semble s'être donnée Forest Whitaker dans la cinquième de remplacer Charles Laughton au firmament des pachidermes. Mais bon, je n'en suis qu'au quatrième épisode…