Incontestablement, l'une des grandes réussites du studio Warner des années trente. I Am a Fugitive from a Chain Gang, réalisé par Mervyn Leroy en 1932, inspiré d'une histoire réelle, fit connaitre auprès du grand-public la réalité du bagne des états du sud des Etats-Unis, et précipita peut-être leur fermeture. Mais ce film intègre ce sujet au sein d'une thématique assez large, s'intéressant aux formes que peut (ou que doit) revêtir le rêve américain de réussite sociale. Celle-ci est montrée comme possible quand elle est encadrée par un cadre juridique solide et précis, respectant des principes comme la présomption d'innocence, le droit à la défense, et le respect des engagements judiciaires. Possible également quand elle s'appuie sur une instruction minimale des personnes en charge de responsabilités professionnelles. Ces deux aspects combinés sont montrés comme étant les moteurs de l'ascenseur social… Reste alors simplement à l'individu ordinaire, issu d'un milieu modeste, à mouiller la chemise pour pouvoir emprunter cet ascenseur… et accéder à une aspiration légitime : bénéficier des bienfaits du confort matériel, fonder un foyer familial heureux et paisible.

Si la thématique est large et ambitieuse, et sans doute intemporelle, son traitement cinématographique est très réussi. Le récit est très solidement construit, et les idées soumises à notre imaginaire de spectateur s'enchainent parfaitement. Ce récit nous tient en haleine, par un rythme soutenu et des plans courts. Mais il y a également des trouvailles visuelles et sonores de mise en scène comme cette alternance de plans hors et sous l'eau, le contraste entre ceux-ci étant souligné par la composante sonore (aboiements des chiens). Cette séquence très réussie a aussi le mérite de casser le déroulé un peu monolithique de l'évasion. L'interprétation de Paul Muni, capable de transcrire un large panel d'émotions est enfin remarquable, de bout en bout. Comme la photographie en noir et blanc de Sol Polito.