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Forum : Les Rois maudits

Sujet : Somptueux


De Impétueux, le 10 mars 2015 à 19:51
Note du film : 6/6

Plus de 1500 pages dans l'édition Omnibus ; plus de dix heures de télévision découpées en six épisodes diffusés entre décembre 1972 et janvier 1973. Du lourd, du solide, de l'abondant. Je ne connais pourtant personne qui ayant commencé à tourner les pages du Roi de fer, premier volume de la série, se soit arrêté en route ; et je ne crois pas que beaucoup de téléspectateurs, aux temps anciens où la petite lucarne avait des ambitions, aient décroché de l'histoire fastueuse adaptée du roman de Maurice Druon par Marcel Jullian, mise en images par Claude Barma.

C'est touffu, pourtant, et c'est dense, et c'est ancien. Même en 1972, où l'on était considérablement moins ignare qu'aujourd'hui, ces histoires qui se passent au début du tragique 14ème siècle paraissaient bien anciennes. La succession de Philippe IV le Bel, les intrigues de cour, les querelles dynastiques, les destinées des États, tout cela pouvait paraître bien singulier et lointain. À l’inverse, il est vrai que la malédiction des Templiers, les orgies de la Tour de Nesle, l'homosexualité du roi Édouard II d'Angleterre donnaient une touche assez excitante à cette période de l'Histoire de France.

N'empêche que ça a dû être drôlement difficile de condenser une myriade d'aventures, dont quelques unes sont inventées ou reprennent des légendes mystificatrices et un exposé très honnête et très intelligent des grands enjeux et des grandes orientations qui ont conduit à la Guerre de Cent ans mais surtout, et au delà, à présenter la constitution de l'État moderne.

Le parti a été pris, à juste titre, de ne pas dépenser de sous dans des séquences de foule ou de bataille et de concentrer les moyens, importants mais nullement démesurés, sur la richesse de l'interprétation. Dès lors, les scènes sont stylisées, épurées, dénudées, les décors ne sont qu'un simple fond et les personnages s'adressent aux spectateurs ou alors une voix off (celle de Jean Desailly) intervient dès qu'il s'agit d'expliquer un point un peu complexe ou de resituer l'action dans le contexte.

Cette apparente théâtralisation donne, en fait, beaucoup de rythme à la série : elle permet les ellipses narratives, va au plus juste et au plus concis de l'intrigue, montre les caractères dans leur nudité. Et, pour autant, elle ne cache rien des replis de ces récits de bruit et de fureur, assassinats, empoisonnements, étranglements, jeux tragiques du pouvoir et de la trahison.

Philippe le Bel, à qui Georges Marchal prête sa parfaite stature, est un des plus grands Rois de notre France, qui en compta beaucoup. Si l'esprit national est sans doute né avec son arrière-arrière grand père Philippe Auguste et la victoire de Bouvines en 1214, c'est sous son règne que se sont établies les fondations de l'État moderne et que, avec l'aide des grands serviteurs de la Couronne, Nogaret, Marigny, Châtillon, les féodalités ont commencé à être pliées et soumises. Tout cela n'est naturellement pas allé sans une certaine vigueur dans l'action. Et puis ces temps étaient rudes…

Une figure superbe et catastrophique domine Les rois maudits : celle de Jean Piat, immense acteur de théâtre qui s'incorpore le rôle de Robert d'Artois jouisseur, buveur, ripailleur, coureur de jupons et d'aventures dont, pour notre plus grand malheur les tentatives pour récupérer la province d'Artois, dont il a été frustré, conduiront à la Guerre entre France et Angleterre. Mais toute la distribution, qui s’appuie sur de fortes personnalités issues de la Comédie française est remarquable. En premier lieu Louis Seigner, papelard, subtil, redoutable banquier siennois, Geneviève Casile, glacialement belle reine Isabelle délaissée par son mari sodomite et devenue la cruauté même, Hélène Duc, hautaine Mahaut, tante et ennemie jurée de son neveu Robert. Et quelques autres, qui ne sont pas des moindres : Catherine Rouvel, sataniste empoisonneuse, Muriel Baptiste, la reine débauchée de la tour de Nesle, Henri Virlojeux, subtil pape Jean XXII…

La télévision française d'aujourd'hui donne à voir des adaptations, peut-être de qualité, de l'histoire des Borgia ou des Tudor, amples elles aussi de crimes, de sang et de sexe. Qu'est-ce qui l'empêcherait de montrer aux spectateurs décérébrés du siècle la naissance de notre pays ?

On peut bien dire que le poignard et le poison étaient monnaie courante sous nos Capétiens. Mais regardez leur œuvre : c'est la France.


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De droudrou, le 11 mars 2015 à 22:45
Note du film : 6/6

Merci pour votre intervention : moi qui avais l'intention de revoir la série – du coup je me suis replongé dans cette Histoire qui n'a rien perdu de sa force narrative !


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De verdun, le 12 mars 2015 à 01:38

Votre avis me conforte dans mon envie de découvrir cette série mythique. D'autant plus que j'ai revu récemment Le chevalier de Maison-rouge du même Barma, qui m'a semblé absolument remarquable.


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De droudrou, le 6 avril 2015 à 11:54
Note du film : 6/6

C’est grâce à l’intervention d’Impétueux que je me suis replongé sans aucun regret dans la vision de la série et que j’ai pu enfin en découvrir le dernier épisode que, pour de multiples raisons, je n’avais jamais vu.

Peut-être un regret avec le mot fin ne pas revoir à l’écran la malédiction proférée sur le bûcher par Jacques de Molay qui aurait clos la série démontrant son cours implacable sur les personnages de cette Histoire.

Après vision un seul mot vient à l’esprit qualité – qualité de la réalisation, qualité des dialogues, qualité de l’interprétation, qualité de la force narrative et qualité des décors stylisés à l’extrême – désormais la mémoire figera les traits des personnages de cette Histoire de France et d’Angleterre à ceux des interprètes de cette magnifique série

Pour moi un authentique chef d’œuvre qui franchit allègrement les dimensions du petit écran et dont je souhaiterai une réédition en bluray.


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