Note: 4,5
C'est un beau conte romain, plein d'humour bon enfant et de fantaisie, qui s'adressait de toute évidence – et s'adresse toujours – aux petits comme aux grands. Grosso modo, c'est l'histoire de fantômes romains (certains vieux de plusieurs siècles, d'autres plus récents) qui entreprennent de déjouer une manœuvre immobilière véreuse dans la Rome de 1961, manœuvre visant le palazzo qu'ils hantent. Sandra Milo est une noyée qui se rejette dans le Tibre tous les soirs, ce pourquoi elle éternue de temps en temps. Marcello Mastroianni
est un aïeul libertin du maître des lieux, qui passe tout le film à cloche-pied car il a perdu une chaussure lorsqu'un mari trompé l'a occis, dans le temps, quelque part au XVIIIe siècle. L'inconnu mais excellent Tino Buazzelli est un prieur que sa gourmandise a tué. Et ils vont bientôt accueillir un petit nouveau, car…
Il faut dire que si le propriétaire de cette immense demeure patrimoniale (Eduardo De Filippo) est de vieille noblesse romaine, il n'a plus un sou; et c'est son obstination à faire toujours réparer le chauffe-eau plutôt qu'à en acheter un neuf qui le perdra. Boum ! Après quoi notre vieux prince romain aperçoit enfin, à son "réveil" si on peut l'appeler ainsi, les fantômes dont il avait toujours soupçonné la présence dans sa demeure. Mais voilà qu'après son décès, arrive son gandin de fils (Marcello Mastroianni)
au bras d'une intrigante, Eileen (Belinda Lee)
, laquelle veut forcer la vente du palazzo. Nos sympathiques trépassés vont alors quérir l'aide d'un irascible peintre de la Renaissance, contemporain obscur du Caravage, qui hante un ensemble résidentiel non loin de là (ça, c'est Vittorio Gassman
!)
Tous les comédiens sont à leur meilleur. Les quelques trucages sont charmants à défaut d'être numériques – par exemple dans les scènes où le Mastroianni vivant côtoie le Mastroianni spectre, mais la plupart du temps, il n'y en a pas: avec une coordination parfaite, vivants et morts se côtoient à l'écran, les uns ne pouvant apercevoir les autres. Il suffit d'utiliser des éclairages particuliers, de maquillages ad hoc, de quelques transparences et le tour est joué.
Vous dire que c'est bien fait serait en dessous de la vérité: à l'évidence, le fameux PietrangeliBref dans son genre, c'est très bon. Je ne me suis pas ennuyé une seconde, et s'il y avait une VF, je le testerais sans crainte sur des enfants (les jeunes enfants se foutent de la technique ou de l'âge des films, ils veulent de la magie).
Cela dit, je suis plein de regrets, pour des raisons qui n'ont rien voir avec le film lui-même. Je me sens juste frustré que le seul film d'Antonio Pietrangeli enfin disponible en France sur DVD, bien qu'excellent, soit si atypique de son œuvre.
Outre le drame social Adua et ses compagnes (avec Simone Signoret
et Emmanuelle Riva)
, ce pourquoi Pietrangeli est connu, ce qui a fait sa légende, ce sont ses très amères et mélancoliques comédies à l'italienne centrées sur des personnages féminins, tournées en glorieux noir et blanc, dans la première moitié des années soixante. Dans ce genre aussi puissant qu'inégal, il faut savoir faire le tri. Ce qui donne trois films: La fille de Parme
avec Catherine Spaak
et Nino Manfredi
(1963), Annonces matrimoniales
(1964
) avec Sandra Milo
et François Périer
et bien sûr son chef-d’œuvre Je la connaissais bien
(1965), avec une extraordinaire Stefania Sandrelli
entourée de toute une brochette d'interprètes masculins (Brialy,
Manfredi,
Tognazzi,
Nero
…) Ce dernier film, je l'ai ici sur un DVD en italien seulement, et j'ai été renversé par ce que j'ai vu.
Voilà, je me disais que tant qu'à avoir un seul Pietrangeli sur DVD français, j'aurais bien aimé que ce soit un de ces trois-là. Ou les trois, bien sûr, dans un magnifique coffret !
Il n'y a pas de saute de rythme ni de faiblesse, ça virevolte, tourbillonne, c'est plein de goût et de fantaisie. Les acteurs ne se prennent pas au sérieux et se sont d'évidence bien amusés de tourner dans ce conte rose et gris. Si Vittorio Gassman en Caparra, fresquiste méconnu (!!!) est sans doute un soupçon trop démonstratif, Marcello Mastroianni,
dans le double rôle du galant Reginaldo, coureur de jolies femmes du 18ème siècle et héritier saisi par le charme du palais (charme au sens magique d'enchantement) est parfait. Comme l'est Eduardo De Filippo,
charmant vieil aristocrate dans la dèche, gai et grognon comme il le faut. Et Tino Buazzelli, saint moine trop gourmand.
Il y a quelque chose de très civilisé dans les nuances rouges et dorées de la photographie du film, de profondément romain ; on sait que là-bas même la poussière, même les ruines, ont quelque chose d'élégant, de raffiné, de subtil. Enchaînement des siècles et des traditions, continuité de la beauté, toute cette sorte de choses…
Vraiment agréable découverte. Comme celui d'Arca, mon 4 est un 4+…
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