Voilà un petit film intéressant, qui ne restera sûrement pas dans l'histoire du cinéma, mais se laisse regarder avec beaucoup de plaisir et entraîne assez souvent des petits agréables frémissements jubilatoires devant l'intelligence des situations, la qualité des dialogues, le jeu des acteurs, principaux et secondaires…

Elle apprend, au moment où le film commence, que son amant vient de l'abandonner ce qui la perturbe au point de la faire recommencer à fumer. Mais elle n'a plus de cigarettes et elle part à la recherche d'un tabac, dans l'après-midi endormie d'un dimanche breton automnal. On se doute bien que c'est là une gageure qui l'a fait s'éloigner graduellement de son restaurant.

Et puis les péripéties, les ennuis, les rencontres s'enchaînent jusqu'à la transporter très loin de l'Ouest, vers Blagnac, près de Toulouse, où elle récupère son petit-fils, vers Annecy, où elle retrouve ses anciennes concurrentes de l'élection de Miss France, vers la Bresse enfin, où vit le grand-père paternel du gamin, qu'elle ne connaît pas, compte tenu de l'état catastrophique – inexistant, en fait – des relations familiales.

Road movie à la recette éprouvée ? Pas simplement. Bien sûr les hasards heureux et malheureux ont la vie belle, les personnages pittoresques arrivent à point donné, les coïncidences fastes se font la courte échelle et le happy end est trop convenu pour être honnête : c'est un peu la loi du genre.

Mais il y a de la fraîcheur, de l'inventivité, une façon de filmer souple, fluide, intelligente, accueillante, une façon de regarder les protagonistes avec tendresse, gentillesse et le moins possible de mièvrerie, une façon sympathique de mettre le spectateur dans la poche au point que, même si on n'est pas dupe, on marche avec plaisir.

J'ai vu Elle s'en va il y a trois jours et déjà le souvenir s'en envole un peu ; mais ce n'est pas grave : un bon moment facile et tendre, c'est toujours ça de pris !

On dit que la scène, parait-il entièrement improvisée, chez le papy qui se roule une cigarette est absolument magnifique. L'avez vous ressenti comme celà ? Vraiment improvisée ?

Oui, c'est très bien et ça rend un son de vérité incontestable : Bettie a erré des heures dans la campagne à la recherche d'un débit de tabac. Les villages sont déserts, ou presque. Elle s'adresse à un vieillard qui prend l'air sur le pas de sa porte. Il n'a plus de cigarettes, mais devant le désarroi de Bettie, il l'invite à entrer chez lui : il va tenter d'en rouler une, alors qu'il en a perdu l'habitude et qu'il a les doigts gourds.

Pendant qu'il s'escrime, il y a un dialogue très simple et très véridique qui s'établit un peu. C'est un très joli moment de cinéma…

J'ajoute un joli moment : celui où la mère de Bettie, lors d'un déjeuner, fredonne et fait reprendre autour d'elle, un des plus beaux trésors de la chanson française : Combien je regrette de Pierre-Jean de Béranger, qui date de 1820 (déjà !).

Vous ne connaissez pas ? mais si… Noël-Noël le chante dans La famille Duraton de Christian Stengel ; mais surtout, surtout dans La maison Tellier, le deuxième et plus beau segment du Plaisir de Max Ophuls, c'est la ritournelle de Rosa (Danielle Darrieux) qui cueille dans les champs bleuets, coquelicots et volubilis…

Une chanson qui traverse les siècles…

On ne dirait pas mais vous avez un coeur de midinette !

''Combien je regrette
Mon bras si dodu
Ma jambe bien faite
Et le temps perdu …''

Hum, hum, Tamatoa, je crains que vous ne connaissiez pas complètement les paroles de cette romance libertine, très dix-huitièmiste dans son esprit…

Voyez le deuxième couplet :

''Quoi ! maman vous n'étiez pas sage !
— Non , vraiment ; et de mes appas
Seule à quinze ans j'appris l'usage,
Car la nuit je ne dormais pas.
Combien je regrette
Mon bras si dodu,
Ma jambe bien faite,
Et le temps perdu !''

Elle y est excellente, tour à tour ahurie, paumée, exaspérée, délicieuse, triste, perdue, charmante, séduisante, crispante : à près de 40 ans d'écart, on retrouve, amortie, la péronnelle agaçante du Sauvage de Jean-Paul Rappeneau, qui est sans doute un de ses meilleurs rôles. Elle est royale et rieuse.

J'aimerais avoir votre avis, Impétueux, qui êtes l'auteur de ces lignes : Ne trouvez vous pas un peu indécent que les médias sous toutes leurs formes nous saôulent aujourd'hui, 22/10/2013, sur le fait que Catherine Deneuve fête (?) ses 70 ans ? Je pose la question en pensant que la belle actrice n'a peut-être pas envie qu'on lui rappelle son âge avec cette espèce de rage imbécile !

Hum…. Je pense qu'elle pourrait parfaitement fredonner la romance de Béranger dont nous avons glosé ici…

L'éclat de sa beauté ne disparaît pas ; et que les médias soient des goujats ne vous étonne pas, j'espère ?

Je suis très fier de voir ma maman Andrée Denarie dans ce film, qui mérite le détour, une très belle histoire malgré les coupures de certaines scènes qui auraient donnés plus de plaisir sur la route de Bettie « La sublime Catherine de Neuve ».