San Francisco réalisé en 1936 par W.S. Van Dyke, produit par la MGM, bénéficiant d’un très gros budget pour l’époque, relate quelques instants de la vie sociale et humaine que l'on rencontre dans un quartier de San Francisco avant, pendant et après le tremblement de terre de 1906, particulièrement destructeur pour la cité californienne. Au cœur de ce récit, l’affrontement de deux visions antagonistes du monde. La vision, populaire et populiste emmenée par Clark Gable, gérant de cabaret et caïd du monde nocturne, personnage filou et charmeur mais aussi sympathique. Et la vision de l’aristocrate parvenu, guindé, peu scrupuleux, en charge de l‘opéra mondain local. Au centre de cette rivalité, menée à la fois cordialement et férocement par les deux camps, se situent la jeune chanteuse innocente et talentueuse interprétée par Jeanette MacDonald, et le prélat d’origine irlandaise (Spencer Tracy).

San Francisco bat progressivement en brèche les conventions de forme et de fond du cinéma hollywoodien des années 1930. La composante musicale de cette œuvre, omniprésente et très élaborée, exalte la joie de vivre collective et l’allant créatif de la jeunesse ; des danseurs noirs virevoltent au sein du cabaret. Les auteurs de San Francisco portent un regard ironique sur leurs personnages par des plans rapprochés, quasi-caricaturaux. En quelques instants, la mise en scène, les trucages et le montage des scènes du tremblement de terre, pulvérisent toutes conventions. Le spectateur fait corps aux côtés du héros, confronté à la brutalité de l’événement et à ses conséquences. Une autre vision du monde, basée sur la foi en l'homme, est esquissée. Le duo Clark Gable – Spencer Tracy, allié à des plans de foule, lui confère une dimension organique, concluant de façon magistrale cette œuvre artistique.