Ce conte social reste d'actualité. On pense à Un Fauteuil pour deux de John Landis,
qui repose finalement sur les mêmes ressorts ! Derrière Rothchild
se cache également une jolie réflexion, plus générale, sur l'acquis et l'inné : n'importe qui pourrait remplacer un grand patron si l'occasion lui en était donnée, les décisions n'étant plus remises en causes au-dessus de la "couche d'inversion".
Le tout forme une édition Clochards et cinéma de toute beauté. L'image des films est très bien restaurée et les dialogues sont tout à fait audibles.
L'idée n'est pas mauvaise de s'emparer de ce travers assez commun à l'humanité de se laisser impressionner par les apparences et, en l'espèce, d'accorder crédit, à tous les sens du terme, à un doux clochard qui se trouve porter le patronyme de Rothchild. Tenons pour rien que le cinéaste, le peu notoire Marco de Gastyne a habilement ôté un S du nom de la richissime famille, qui s'orthographie Rothschild (et qui, rappelons-le, commença réellement sa fortune en spéculant sur la défaite de Napoléon à Waterloo) et nous voyons bien que le sens l'emporte évidemment sur l'essence !
Rothchild est d'ailleurs sous-titré Un nom qui rapporte, ce qui ne peut pas ne pas faire penser à Un chien qui rapporte
réalisé l'année précédente par Jean Choux : dans les deux cas il s'agit d'abuser quelques dupes et de faire des sous avec des illusions. Ici, c’est Flip, un rastaquouère finaud (Pasquali) qui comprend le bénéfice qu'il peut tirer du nom du compagnon de misère (Harry Baur)
qu'il a rencontré à l'asile de nuit et qui, fort habilement, parvient, en s'appuyant sur la vanité des uns, la jobardise des autres, la cupidité de tous à le propulser à la tête d'une banque. Après des péripéties plutôt pataudes, le brave homme, bien moins lourdaud qu'on ne l'imaginait, déjoue plein d'embûches et connaîtra ce qu'on imagine être une vie très prospère.
Si ma note ne dépasse pas la moyenne, c'est que je trouve le film mal construit et sa distribution mal équilibrée. Autant la première partie, qui montre l'ascension sociale et financière du brave Rothchild et de son Méphisto sympathique est alerte, enjouée, inventive, amusante, autant la seconde, où le nouveau financier se débat dans les chausse-trapes tendues par le maléfique banquier Barsac (Pauley) est poussive, lourde, ennuyeuse. D'autant qu'elle est encombrée par une melliflue tentative de romance entre le vieil homme et sa jeune secrétaire Madeleine (Claudie Clèves) qui fait songer à la réplique de Prévert lancée par Renaud (Marcel Herrand)
au baron Hugues (Fernand Ledoux)
dans Les visiteurs du soir
: Ce qui est méprisable et qui prête à rire, c'est de quémander l'amour quand on a passé l'âge de plaire aux femmes.
Ironie affreuse de l'Histoire : je ne suis pas loin de penser qu'avoir interprété un Rothchild (même sans S) n'ait pas contribué à renforcer la légende de sa judéité, d'être déporté à Drancy, d'y perdre 50 kilos et de mourir quelques mois après sa libération, épuisé par les tortures subies. Glaçant, non ?
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