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Forum : Mon père est ingénieur

Sujet : Mauvais scénario=médiocre film


De Impétueux, le 12 juin 2013 à 21:45
Note du film : 3/6

J'imagine que pour Robert Guédiguian et son complice Jean-Louis Milési c'est à chaque fois le même casse-tête : puisque le parti-pris consiste à réaliser une histoire autour de Marseille et de ses mutations, de choisir ses personnages parmi le petit peuple de l'Estaque et des cités, tout amer de la décadence du port (à laquelle ses amis du PCF et de la CGT ont tout de même largement contribué !) et de conserver un même petit groupe d'acteurs au registre toujours identique (et excellent), il faut beaucoup d'imagination pour inventer des scénarios.

Il est fort possible, d'ailleurs, que c'est ce qui pouvait être ressenti comme une routine qui a poussé Guédiguian, après Mon père est ingénieur à changer complètement de pied, avec Le promeneur du Champ de Mars, consacré aux derniers mois de vie de François Mitterrand, puis d'aller chercher du côté de ses propres origines paternelles avec Le voyage en Arménie et L'armée du Crime (consacré au Groupe Manouchian, lors de la Résistance). À signaler, ce qui est amusant, que la musique de Mon père est ingénieur est signée par un compositeur nommé Arto Tunçboyaciyan, dont la sonorité du nom dit assez l'origine, et qu'elle est absolument remarquable.

Et de fait, il y a de la pesanteur et de la redite dans Mon père est ingénieur, qui ressasse les habituelles tristesses du réalisateur sans beaucoup de distance ou d'humour et qui caricature chacun dans son rôle, de façon trop figée et rigide pour que le film puisse bénéficier de l'habituelle chaleur humaine de Guédiguian. Oui, c'est cela : c'est sec, c'est froid, c'est une épure, une démonstration, un croquis, habile si l'on veut, mais dénué de toute chair. Et en plus c'est plein de cabrioles anecdotiques, d'ellipses qui se voudraient habiles ou symboliques mais qui ne sont plutôt pataudes et didactiques. Le titre même du film est tiré par les cheveux : tous deux issus de familles communistes Jérémie (Jean-Pierre Darroussin) et Natacha (Ariane Ascaride) ont appris le russe à l'école (et Natacha a été ainsi nommée par révérence au pays des lendemains qui chantent). Et Jérémie ne parvenait pas à bien prononcer la phrase-exemple Mon père est ingénieur qui, si j'ai bien saisi, est dans la langue de Pouchkine quelque chose comme My taylor is rich dans celle de David Beckham. On voit l'artifice.

Deux gamins qui, de toute leur enfance, se sont promis l'un à l'autre, malgré la différence de leurs espérances et de leurs vocations, que la vie a séparé, qui vont se retrouver dix ans après leur rupture et essayer de s'aimer. Et tout cela dans un pathos melliflu sur la beauté des métissages, les droits imprescriptibles des enfants qui s'aiment, la nécessité des luttes sociales et toutes fariboles du même métal.

Dieu sait si, avec Guédiguian, je suis bon public et si je regarde avec tendresse ses sursauts ouvrieristes et ses professions de foi à poings levés ; mais il y a tout de même des limites, qui sont ici dépassées. À quoi bon alors filmer si parfaitement bien la désolation des ports abandonnés, les darses vides, les ponts élévateurs, les docks misérables, les grues, les pylônes, les hangars, les conteneurs, le ciment qui s'effrite… Encore faut-il qu'il y ait là dedans un bout d'histoire qui fasse s'illuminer, sans illusion, les yeux des amoureux…


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