Un bien joli film qui, une fois de plus chez Ken Russell, est la biographie d'un artiste. Mais à l'inverse de Malher, Tchaïkovski ou Lizst cet artiste est un sculpteur. Et un sculpteur inconnu du grand public, Henri Gaudier.

Le cinéaste se penche surtout sur la passion aussi platonique qu'orageuse entre le jeune artiste d'à peine vingt ans et Sophie, poétesse d'origine polonaise déjà quadragénaire. Le couple doit affronter les réticences de la famille du jeune homme face à cette idylle, la pauvreté et l'incompréhension des tiers face à leur avant-gardisme dans leurs domaines respectifs. Le couple sera ensuite fragilisé par leurs divergences d'ordre sexuel. Puis la première guerre mondiale viendra faucher le destin d'Henri (23 ans).

La reconstitution du début du vingtième siècle est superbe. C'est le futur cinéaste Derek Jarman qui s'est occupé des décors. Le cinéaste est constamment inspiré. Les images sont belles, fortes, notamment la plongée reproduite sur l'affiche originale anglaise du film. Pas de fantasmagorie douteuse ici mais un style en accord avec son sujet, un étonnant duel sentimental entre un jeune homme épris d'absolu et une vieille fille sans charme apparent qui refusera toujours de lui donner son corps.

On peut toutefois ne pas accrocher à une direction d'acteurs hystérique. Le film est sans cesse ponctué de vociférations diverses et variées. L'absence de moments calmes et nuancés, tels que le cinéaste en met en scène dans Love, se fait cruellement ressentir. Les acteurs sont quand même parfaitement choisis, en premier lieu le couple principal, incarné par deux acteurs méconnus. Mention spéciale à Helen Mirren, sensuelle et piquante dans le rôle d'une féministe qui sert aussi de modèle à Gaudier.

En somme c'est un beau film. Réhabiliter les bonnes oeuvres de Russell s'impose, â commencer par rééditer ce film plutôt que Gothic et Le repaire du ver blanc.