Le 26 Mai 1966, Jacques Rivette a la bonne, la très bonne idée, dans le cadre de son documentaire sur l'oeuvre de Jean Renoir,
de réunir dans un petit restaurant des environs de Paris, Renoir, le patron et Michel Simon.
Et ça, c'est ce qu'on appelle du pur bonheur ! Ces deux géants ne s'étaient pas vus depuis dix ans. Retrouvailles des plus chaleureuses. Immense respect mutuel entre les deux hommes. Dans une grande première moitié du document, Michel Simon
et Renoir
évoquent le film La chienne.
Mille anecdotes sur le film nous sont dévoilées. Pierre Braunberger
qui interrompt le tournage : "- On arrête tout ! Vous faites de la merde !-". Il changea d'avis pour notre plus grand bonheur… Le regard mouillé de
Renoir
quand il s'adresse à Michel Simon
: "- Michel…Michel…Ce que vous avez fait de ce film… prodigieux. Vous avez été prodigieux… -". Des révélations sur Janie Marese,
La chienne
qui appelait son cul Arthur, car cet Arthur là lui rapportait beaucoup… Immenses éclats de rire entre les deux hommes ! Puis la conversation, sans temps morts, part un peu dans tous les sens au hasard des souvenirs des deux complices. Et Dieu sait s'ils ont vécu ! Les moments d'émotion vraie succèdent aux fous-rires irrépressibles ! On boit du petit lait… Et tout cela sans aucune mise en scène stricte de la part de Rivette. Claps, caméras qui s'affolent un peu. Les deux acteurs qui demandent si ça tourne ? de temps en temps …A la bonne franquette. Rivette
est attentif aux dires et aux besoins de ses deux ainés. Acceptant la moquerie de son illustre maitre : Pas facile de filmer, pas vrai Rivette ?.
Michel Simon : Vous vous rendez compte, Jean, certains s'imaginent que nous sommes des espèces de génie..
Jean Renoir : Alors que nous n'avons été que des cons ayant quelques idées !
Michel Simon : Oh oui..On a été Cons ! Et c'était bien…
Jean Renoir : Vous imaginez des génies faire ce que nous avons fait ? Allons donc ! Il fallait être très cons pour oser..
…et Michel Simon, très ému, étreint Renoir
!
Et puis nous apprenons que l'âme n'est ni dans le cœur, ni dans le cerveau : Michel Simon nous affirme que nous avons notre âme à fleur de peau. Et que c'est pour ça que nous nous serrons la main.. Renoir
nous affirme que le cinéma se meurt de trop de moyens…Il n'y a plus assez d'ombres au cinéma…les ombres ont disparu.. Et ça parle acteurs, putes, chansons, temps passé, amis partis, nostalgie, rêves inavoués, vérité, connerie humaine, beauté des choses ! Ces deux monstres magnifiques taillent le bout de gras avec le ciel. Mais qu'ils sont beaux ! Vrais ! Comme j'aurais voulu être à cette table des Dieux ! Quel moment superbe ! Entendre dans la bouche de Michel Simon
:
Un jour, en 1927, j'ai donné 20 francs à un clochard. Je lui dis : Que vas-tu en faire? Il me répond : Je vais me saouler la gueule ! C'est merveilleux ! Il aurait pu prétendre qu'avec ces 20 francs, il allait reprendre l'Alsace et la Lorraine… Toute ma vie, j'ai entendu des cons m'affirmer qu'ils allaient reprendre l'Alsace et la Lorraine ! Aujourd'hui, avec tous ces cons, on ne sait même plus à qui elles appartiennent… à Dieu, peut-être... Quel bonheur ! Comme quand il avoue avoir raté sa carrière pour n'avoir jamais su si il devait faire rire ou pleurer..
Puis il évoque Guitry : Vous savez qu'il était très timide et très malheureux de n'être pas populaire ?
Merveilleux moment, vu chez un ami sur une très vieille cassette VHS. Si ce n'est déjà fait, il faut absolument que ce document soit édité en DVD ! Absolument ! Le contraire relèverait de l'indécence la plus pure !
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