On peut dire, sans exagérer beaucoup, que c'était les débuts de Max Ophüls. Avant ce film, seul Liebelei fut reconnu par les critiques grâce surtout à la performance de Magda Schneider. Il se raconte dans les milieux autorisés, que Colette écrivit Divine directement pour le cinéma et pour Max Ophüls. Qu'il ne voulut pas en changer une ligne et que, de ce fait, l’inexpérience de la romancière pour un domaine qui n'était pas le sien s'en fit grandement ressentir. Et pourtant, un semblant de "patte", je veux parler de celle qui deviendra célèbre et reconnaissable entre mille plus tard, un semblant de patte Oph_uls, dis-je, hante cette historiette sympathique. D'abord, pour qui veut connaitre et entrer dans les coulisses, mêmes les plus interdites, d'un music-hall, ce film est un véritable dépliant. Un peu comme le fera Clouzot pour Quai des orfèvres. Avec la présence quasi-constante de Paul Azaïs en régisseur. Jamais bien loin, Paul Azaïs dans les coulisses du spectacle. Lui qui a tant fait pour le crépuscule de la vie des artistes qui ont mal tourné (si je puis dire)…La roue tourne (nos restos du cœur d'aujourd'hui) et il en a tellement pris conscience qu'il est devenu, en toute fin d'une très longue carrière, en 1956, le Coluche des comédiens sans grade et oubliés par une profession des plus ingrates.
Simone Berriau est un cas un peu à part dans le cinéma. Elle fut une chanteuse de talent (soprano reconnue) avant qu'un stupide accident vienne lui bousiller les cordes vocales. Elle eut une courte carrière cinématographique, avant que de se lancer dans le théâtre jusqu'à sa mort. Le septième art la verra donc passer très vite mais de façon assez remarquable. Max Ophüls ne s'y est pas trompé et lui offre d'abord le rôle de Divine dans le film éponyme. Elle n'est pas vilaine, et pas maladroite. Si peu maladroite qu'il l'a reprendra pour devenir Annette dans La Tendre ennemie l'année suivante. Georges Lacombe la repère à son tour et elle incarnera Lydia dans son petit bijou Derrière la façade. Encore quelques apparitions et le théâtre l'engloutira à tout jamais.
George Rigaud, le laitier tendrement épris de la belle Divine connaitra une carrière plus corsée. Grand voyageur, il se fera connaitre avec le 14 juillet de René Clair, auprès d'Annabella et retrouvera Max Ophuls à deux ou trois reprises mais c'est surtout en Espagne qu'il tiendra le haut de l'affiche pendant plusieurs années. Mais ils sont fort sympathique tous les deux dans cette aventure sans grandes surprises mais assez habilement menée par celui qui deviendra le réalisateur du Plaisir. Il sait jouer de la candeur et de l'ingénuité de cette petite provinciale qui n'a pas les moyens de ses rêves. Et les coulisses de ce music-hall un peu glauque, où elle pensait brûler les planches, vont être le théâtre maudit de ses espoirs déçus. Les non-dit, la timidité invalidante, la peur de l'échec, tous ces empêcheurs de réussir en rond sont astucieusement traités par Max Ophüls. Oui, on sent qu'il fera son chemin. Surtout quand il filme les femmes, qu'il semble beaucoup aimer, en tenues légères et grivoises. On les retrouvera plus tard ces plans auxquels il semble tenir, le coquin..
On court dans tous les sens, on se change en vitesse, on enchaine les plateaux, et on ourdit, on manigance et on se jalouse. La ronde du the show must go on bien parisien, avec une troupe de trognes (chères aux cinéphiles) qui n'ont fait que ça toute leur vie ! Et le regard du cinéaste est là, précis, ne perdant pas une miette de cette valse folle.
Bon, il faut bien une petite embrouille trafic/complot/drogue où on profitera de l'innocence de la Divine, mais ce n'est que prétexte (un peu lourdingue par ailleurs) à faire rouler de peur ses jolis yeux. Et pour qu' un laitier en vienne à bout, fallait-il que ça ne soit qu'un prétexte. Je crois d'ailleurs que c'est la première fois que je vois l’héroïne d'un film, enfin délivréz des méchants de service, s'enfuir dans un camion de laitier juste avant le générique de fin. Le dernier laitier "sauveur" dont je me souvienne c'était Jean-Pierre Aumont dans Drôle de drame mais lui était à pied…
Un gentil petit film, sans malédiction, comme on dit dans les maisons de retraite. Et déjà l'empreinte d'un futur grand. Projeté ce dimanche soir, au Cinéma de minuit.
Il faudrait vraiment que je regarde plus souvent les programmes de cinéma pour pouvoir y repérer des films de ce genre, que vous nous signalez opportunément, Tamatoa, mais, hélas trop tard pour qu'on puisse les découvrir !
Grand admirateur de Max Ophuls, je regrette bien de n'y pouvoir regarder ce Divine dont vous nous dites tout l'intérêt, même si ce n'est évidemment pas du niveau des trois chefs-d'œuvre La ronde, Le plaisir et Madame de…
Ah ! J'ai naturellement écrit Max Ophuls et non Ophüls, que DVDToile s'obstine à orthographier avec un tréma – l'Umlaut germanique – que le grand réalisateur, né Max Openheim, refusait de porter puisqu'il donnait une coloration germanique à son patronyme, alors qu'il était naturalisé français et fier de faire partie de nos compatriotes.
Tout ce qui est édité de lui en DVD en France porte heureusement la graphie française. Outre les trois œuvres précitées rassemblées dans un magnifique coffret avec Lola Montes, il y a Sans lendemain, De Mayerling à Sarajevo, Caught, Les désemparés…)
Tout ce qui est édité ? Non… pas tout à fait : la magnifique Lettre d'une inconnue supporte encore la mauvaise orthographe…. Il est vrai que les Étasuniens l'avaient appelé Opuls…
Que DVDToile s'aligne vite sur la volonté du grand artiste, maintes fois rappelée par son fils Marcel…
Et signalez nous les bons films avant qu'ils passent, s'il vous plaît !!!
Pour ne rien vous cacher, ami Impétueux, je vous avais déjà lu quelque part, râlant impétueusement contre ce tréma récalcitrant sur le patronyme du cinéaste. J'ai appris, comme vous, son refus de porter cet espèce de chapeau plus tyrolien que béret basque. Mais je vais vous faire un aveu : si j'ai écris Ophüls, c'est pour une raison un peu bébête : sans ce tréma, la petite photo du cinéaste n'apparait pas… Vous me direz que je pourrais corriger en suivant, mais entre mes fautes d’orthographe, ma syntaxe des plus originales que je rectifie, corrige, recommence, redresse, retouche, transforme, pour la bonne tenue de mes avis… je finis par me foutre complètement du Tréma de Monsieur Ophuls. Mais je suis sur que la haute direction va nous arranger ça. Et d'ailleurs, à propos des petites photos apparaissant à l'énoncé des patronymes, j'ai remarqué que beaucoup n'y avaient pas droit. Dernièrement, Alexandre Rignault, pourtant pas le dernier venu dans l'histoire du cinéma, demeura invisible à l'évocation de son nom.
Pour ce qui est de vous prévenir bien avant la diffusion des films, je dois à la vérité d'avouer que j'ai saisi cette Divine au vol, par le plus grand des hasards. C'est depuis mes… latrines que j'entendis le générique fameux et la voix de Monsieur Brion. Mais désormais, promis, je serais votre Catherine Langeais. Et je vous annonce de suite que dimanche prochain, vous aurez droit, aux alentours de minuit trente, à La chaleur du sein de Jean Boyer avec Arletty, Michel Simon, Pierre Larquey…
Espérons en effet que les Supérieurs inconnus de DVD Toile se laisseront fléchir et respecteront la volonté du Maître…
Ah ! Merci de m'annoncer La chaleur du sein… Mais hélas, outre que le produit est paru en DVD, je vous préviens amicalement que c'est une daube infâme. Je me permets de vous inciter à lire ce que j'en ai écrit naguère…. Cela étant, votre point de vue sur l'irrésistible rengaine Ah les p'tits cochons (si mignons avec leur queue en tire-bouchons) ne sera sûrement pas dépourvu de sel…
Divine est enfin sorti en DVD, chez René Chateau Video.
Je ne conseille à personne d'acquérir le DVD de Divine qui souffre d'une double imposture.
La première est l'édition par le margoulin René Château, qui est au dessous de tout, une des pires qui se puisse, encore inférieure à celle de Un revenant (l'admirable film de Christian-Jaque) qui était pourtant épouvantable. Je sais bien que Divine date de 1935 et qu'il ne faut pas être trop exigeant ; mais je m'insurge contre les indications qui figurent sur le boîtier : Image et son restaurés, avec l'hypocrite bandeau oblique : quelques imperfections dues à l'épreuve du temps. Tu parles ! C'est à un point tel que le son est parfois difficilement audible et que l'intrigue devient incompréhensible sur le moment ; je me suis repassé quatre fois certaines séquences, et rien n'y a fait (je sais bien que je suis un poussah égrotant, à la limite du gâtisme, mais à la limite seulement…). Se peut-il que la version passée récemment au Cinéma de minuit soit de meilleure qualité ? La deuxième imposture tient à la scénariste et dialoguiste, dont c'est la première intervention directe au cinéma, ce qui est présenté comme un argument de vente formidable : c'est Colette, dont le nom assurait au film une aura sulfureuse… Je me demande pourquoi cette styliste au verbe dru, à la belle qualité de langue, mais dont le sens du récit est limité, bénéficie encore aujourd'hui de l'indulgence des lecteurs (quatre tomes en Pléiade, tout de même) : sans doute est-ce dû à son statut de femme libre, divorcée, libre-penseuse, bisexuelle et aux thèmes gentiment libertins de ses intrigues. Toujours est-il que celle de Divine est à la fois insignifiante et bâclée (la fin, avec son retournement invraisemblable, est d'une indigence comme j'en aie rarement vue). Quant aux dialogues, il n'y a rien à en sauver, ni un mot, ni une image, ni une fulgurance ; je m'étais fait déjà la même observation en voyant Lac aux dames, adaptation du roman de Vicky Baum par Marc Allégret, également dialoguée par la Dame du Palais-Royal. Qu'est ce qui reste à Divine, alors ? Max Ophuls évidemment. Bien sûr il ne faut pas s'attendre à trouver là la qualité extrême des films postérieurs, Lettre d'une inconnue, ou les trois chefs-d’œuvre, La Ronde, Le Plaisir et Madame de, ou même de Sans lendemain ; mais il y a déjà cet extraordinaire sens du maniement de la caméra, de la captation du mouvement, de la frénésie… Et c'est particulièrement adapté à un film qui se passe, pour une grande partie, dans les coulisses et les escaliers d'un music-hall, avec les courses précipitées des girls de la revue, des machinistes, du régisseur, du cataclysmique directeur (l'excellent Marcel Vallée). Les autres acteurs sont assez convenables : Simone Berriau parvient difficilement à faire croire qu'elle est issue de la campagne profonde (aux premières images, elle manie la charrue, tirée par un percheron), mais elle est belle. Comme est vénéneuse Gina Manès et cafarde Jeanne Fusier-Gir. Chez les hommes, on se dit que Philippe Hériat, qui joue le sale type, a bien mieux fait de se tourner vers l'écriture (où il connut l'immense succès de La famille Boussardel et siégea à l'Académie Goncourt) ; Gabriello n'a pas à se forcer pour être gluant ; George Rigaud et Paul Azaïs, étoiles de troisième importance, ont une bonne tête…Bref, hors pour qui souhaite disposer de la totalité de l’œuvre du grand Ophuls, voilà une emplette dont on peut aisément se passer.
Il me semble bien que le Cinéma de Minuit a utilisé le master René Chateau (j'ai pris le film en cours de route, je ne suis donc pas sûr à 100%, mais Patrick Brion diffuse fréquemment des masters René Chateau). Certains passages du films étaient au-delà de l'épuisement. Par ailleurs, on voyait bien que les mecs qui avaient travaillé à l'encodage y étaient allés à la truelle avec le réducteur de bruit (cela permet de gommer un tas de pétouilles à la va-vite, mais ça a l'inconvénient d'appauvrir la texture de l'image – le noir & blanc a l'air d'être étalé à la spatule de platrier – et cela va jusqu'à entraîner des effets de postérisation). Une catastrophe.
Postérisation = transition discontinue d'un niveau de gris (ou de couleur) à l'autre, avec des dégradés par paliers.
En vous lisant, Impétueux, je m'aperçois que ma critique est, à très peu de choses près, la même que la votre et je pense avoir eu la main lourde pour la notation. Mon 4/6 est un peu exagéré. Je redescendrais volontiers à 3/6.
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