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Forum : L'Homme de Londres

Sujet : Quai des brumes..


De Tamatoa, le 6 juillet 2012 à 18:34
Note du film : 3/6

En parcourant l'œuvre intense de Simenon, une évidence s'impose : le Belge n'est pas gai. Autant le Français Maurice Leblanc constella sa littérature de personnages ambitieux, arrogants et fantasques, autant le papa de Maigret ne nous offrit que Des gens sans importance, d'une simplicité dépouillée, aux caractères prosaiques et rudimentaires. Des gens qui, pour une grande majorité, nous ressemblent dans leur vie banale et leur quelconque destin. Et l'auteur ne prit même pas la peine de les faire parler comme l'aurait fait Michel Audiard par exemple. Et quand, pour une adaptation cinématographique, ce fut le cas, il m'a toujours semblé que les personnages parlaient à cloche-pieds. C'est à se demander si ces nombreux livres étaient réellement adaptables au cinéma. Pourtant si. Et une autre évidence s'impose : Nous nous sentons toujours plus près des personnages de Simenon, tellement plus vrais, plus proches de nous, que de ceux de Maurice Leblanc. Il n'y a pas d' Aventuriers chez Georges Simenon. Et même Jules Maigret qui rendit célèbre l'écrivain, était loin d'en être un..

Et cet Homme de Londres en est le navrant et triste témoignage. Navrant, non pas par la réalisation d'un Henri Decoin qui, même si pas vraiment inspiré, (il faut vouloir adapter ce genre de bouquin !) a su donner à ce film l'épaisseur de la désespérance voulue par l'auteur, mais par l'attitude de cet homme qui vit constamment sans une once d'ambition dans la tête et avec une humilité qui ferait peur aux Misérables. Il mène un combat pathétique, tiraillé par l'appât du gain inattendu et un hédonisme qui le taraude cruellement. Pourtant, malgré le côté pauvre type, looser invétéré, Fernand Ledoux est éclatant de vérité. Quel autre acteur, à part peut-être Michel Simon aurait pu donner à ce larbin de la vie, cet asservi de la morale, autant de corps, d'épaisseur, de vérité ? Au milieu d'une constante brume opaque, qui empêchent les hommes de voir plus loin que le bord du quai et qui réduit d'autant leurs ambitions, le drame se joue lentement, mollement. La grisaille épaisse est comme un immense mur devant des existences résignées. Les Portes de la nuit résonnent sous leurs pas..

Un cheminot est mis soudain en face d'une tentation terrible : il a trouvé une valise contenant trois millions et il se l'approprie. Cette valise a été l'occasion d'un crime… Le cheminot pris dans l'engrenage va, à son tour, tuer un homme à cause du secret qu'il détient. Ses yeux s'ouvrent et, courageusement, il va se livrer à la police pour payer sa dette. (DvdToile).

La nonchalance des protagonistes de cette histoire lourde, gluante d'hésitations, de morale indigeste et d'héroisme à deux sous, fait que ce film ressemble à ces gros pardessus que Maigret portait, même en été, avant l'orage. Elle nous dérange cette paresse morale et nous souffrons de cette carapace qui nous est infligée. Nous aimerions posseder une gomme magique qui estomperait ce brouillard du décor et de la tête de tous ces opprimés de la vie. Même l' excentrique Jules Berry semble très, trop enduit de cette brume visqueuse. Elle le rend mou. Sa "superbe" grelote. L'Homme de Londres , c'est Goupi mains rouges au bord de la tamise. Les secrets ne se balladent plus dans les chemins de campagne au pas des chevaux, mais sur les quais glacials au son des cornes de brume.

C'est fou ce que nous, "honnêtes gens", en voulons à ce cheminot qui ne profitera pas d'une bonne fortune, tout ça parce qu'il est justement "honnête", lui qui ne demandait jamais rien à la vie. Cette vie qui, de toute façon, faisait la sourde oreille depuis sa plus tendre enfance puisque la résignation fut de mise de suite. Cette providentielle manne lui aurait pourtant permis de fuir ces brumes entêtées. Héléna Manson, sa Julie de femme, tout en espoirs déçus, aurait bien aimer savoir à quoi ressemblait le soleil. Il n'en sera rien. Le brouillard a gagné.

Henri Decoin a bien rendu l'atmosphère du roman. Ce n'est pas son meilleur film. Peut-être aurait' il du prendre sur lui d'ensoleiller, juste un peu plus, à peine, le fond et la forme. Il est à parier que Béla Tarr, qui en 2007 a fait le remake de cet Homme de Londres sous le titre A Londoni férfi, a su "éclaicir" le tout pour une clientèle plus jeune. Henri Decoin a fait au plus juste. Mais décidement, Simenon n'est pas gai..


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