4,8/6. Il est ici question du rôle des médias dans l'accomplissement du devoir de maintien de l'ordre par la police hong-kongaise. Un thème plutôt bien traité par Johnnie To mais les problèmes sociaux ou politiques ne sont visiblement pas trop sa tasse de thé. C'est la forme de Breaking news qui retient avant tout l'attention. Par exemple, ces déplacements des protagonistes dans tous les sens et à toute vitesse, effet multiples de mise en scène – split-écran, ralentis, mouvements de caméras spectaculaires – à l'appui. De véritables ballets, chorégraphiés avec un talent certain de mise en scène et de photographie (et avec l'emploi d'une musique inquiétante et omniprésente) dans les différents recoins d'un immeuble de grande dimension. Parfois, des instants semblent un peu en dessous en terme de qualité cinématographique : par exemple, lorsque les protagonistes s'accordent quelques instants de repos. Et puis, cela repart de plus belle…

Autre point fort de ce film : le descriptif des rapports humains, échappant lors de brefs instants à des aspects convenus, à des conventions sociales, pour se redéfinir brutalement et complètement, avec une forte sollicitation de l'imaginaire du spectateur pour en comprendre les tenants et aboutissants (la fin du film est particulièrement réussie en la matière). Des truands et des policiers sympathisent par exemple lors de très brefs instants rythmant leur longue et musclée confrontation, se découvrant des points communs… Des séquences elliptiques, ou sans explication claire, exercent la fonction de trous noirs placés au milieu d'une galaxie d'étoiles, accélérant le facteur temps et redéfinissant les-dits rapports humains. Très curieuse -et très talentueuse- vision de cinéaste (To arrive à traduire sa vision du monde au travers de sa pellicule) !

Breaking news est sans doute un peu inégal, passant en quelques secondes du très moyen à l'excellentissime, mais il contient de nombreux moments très intéressants sur le fond et la forme et est à découvrir.

Johnnie To était présent ce week-end à Paris dans le cadre de l'excellent et dynamique festival "Paris Cinema" (90 films hong-kongais sont diffusés en une semaine, malheureusement pour moi à des horaires un peu difficiles).

Ce soir une master-class était organisée en l'honneur de To, au forum des images (séance de questions/réponses entre To et un journaliste de Studio-cinelive, avec un interprète). Il y a été question pendant deux heures du parcours du cinéaste et de ses méthodes de travail. J'ai trouvé que les spectateurs ont posé en fin de séance de bonnes questions (sur ses scénarios, sa musique, et même très curieusement sur l'éventualité d'un projet avec… Alain Delon). Pas de doute : à Paris, il y a des spectateurs cultivés et qui connaissent bien le cinéma !

Arrivant à me saisir (après quelques pirouettes à la Michelle Yeoh) du micro, j'ai posé la question suivante à To : "Il me semble qu'il y a beaucoup de non-dits ironiques dans vos films. Par exemple, dans Breaking news, l'inspecteur (Nick Cheung) et l'inspectrice de police (Kelly Chen) passent leur temps à se disputer, par talkie-walkie interposé. Mais à la fin du film, on les voit assis côte à côte, comme un couple. Est-ce votre vision du monde ou est-ce que c'est un moyen de faire réagir le spectateur ?"

To m'a répondu ceci :"au début du film, ils ne se connaissent pas ; ils apprennent à se connaître, et leurs relations évoluent".

Voilà des propos concis d'une grande sagesse orientale !

Et bravo à Johnnie To pour son brillant parcours d'autodidacte, et sa volonté actuelle de développer et d'encadrer la nouvelle vague cinématographique hong-kongaise (dite "fresh wave"), malgré un contexte économique un peu difficile.