Forum - La Femme du dimanche - Carlo Fruttero, 1926-2012
Accueil
Forum : La Femme du dimanche

Sujet : Carlo Fruttero, 1926-2012


De Arca1943, le 16 janvier 2012 à 23:10
Note du film : 4/6

Amusant et stimulant de se dire que les deux plus redoutables tandems satiriques de l'Italie d'après-guerre étaient des amis de longue date, qui se sont fréquentés assidument au long du dernier demi siècle. Fruttero et Lucentini, de Turin et de droite, pères de la dévastatrice Trilogie du crétin et lauréats du prestigieux prix de journalisme Ennio-Flaiano pour leur vibrant éloge de Ronald Reagan à la fin de son second mandat) ; Age et Scarpelli, de Rome et de gauche et pères de la dévastatrice comédie à l'italienne (l'un des deux était même au PCI mais bizarrement, je ne me souviens jamais lequel).

Malgré la distance culturelle et idéologique qui séparait nos quatre décapants compères – tous pourfendeurs à leur manière de cet "esprit de sérieux" qu'ils identifiaient volontiers au fascisme(*) – il eût été vraiment trop bête que de tels amis ne se croisent pas pour au moins un film. Si cette Femme du dimanche fort agréable n'est pas pour autant un chef-d'oeuvre, je crois que c'est dû au fait que la critique de moeurs de F et L partait plus d'un angle moral, malgré ses côtés sociaux ; et celle de A et S plus d'un angle social, malgré ses côtés moraux. Ils ont voulu croire – par amitié, justement ? – à leur pleine compatibilité, alors qu'il subsiste en réalité un écart certain entre les deux regards (qui étaient quatre !). D'où l'adaptation en demi-teintes, un tantinet superficielle quoique si bien mitonnée par Luigi Comencini et idéalement photographiée par Luciano Tovoli. Et la ritournelle à suspense de Ennio Morricone, que je fredonne encore en écrivant ces lignes. Et surtout, je tiens ici le VHS du film dans son excellente version française, distribué au Québec avant l'arrivée du "domestic market" qui, au fond, revient à un boycott sournois de l'étranger.

Marcello Mastroianni était le casting idéal pour l'inspecteur Santamaria. Jean-Louis Trintignant est parfait en dandy homosexuel dont le petit ami s'improvise détective. Jacqueline Bisset leur tient fort plaisamment compagnie.

Pourquoi cet éloge aujourd'hui ? Eh bien, parce que le dernier de nos quatre mousquetaires de la plaisanterie piquante vient de nous quitter.

Écrivain, journaliste, traducteur, co-directeur (avec Lucentini bien sûr) de la revue de science-fiction Urania, Carlo Fruttero vient de mourir à Castiglione della Pescaia (Toscane). Il avait 85 ans.

(*) Tout comme je ne me rappelle jamais lequel d'Agenore Incrocci ou de Furio Scarpelli a fait la Seconde Guerre mondiale dans les "co-belligérants", de même je ne me rappelle jamais lequel de Franco Lucentini ou Carlo Fruttero a été arrêté en 1942 par le régime fasciste pour "activités subversives"…


Répondre

De verdun, le 6 novembre 2016 à 20:58
Note du film : 4/6

Le mélange de polar et d'humour est plaisant, l'arme du crime étant un phallus en pierre !! Mastroianni est au sommet de sa forme. Les extérieurs turinois méritent le coup d’œil.La musique d'Ennio Morricone évoque irrésistiblement celle de Enquête sur un citoyen au-dessus de tout soupçon.

Mais hélas c'est beaucoup trop long, Jean-Louis Trintignant et Jacqueline Bisset sont mal utilisés. On a le sentiment d'avoir déjà vu dans le même genre, celui des polars italiens débouchant sur la satire sociale, nombre d’œuvres beaucoup plus abouties, ainsi Le fouineur, Au nom du peuple italien, Meurtre à l'italienne ou Le commissaire du même Comencini.

L'un des moins bons Comencini. Il m'a tout de même donné envie de lire Lucentini et Fruttero: c'est déjà ça !!


Répondre

De Impétueux, le 13 décembre 2019 à 14:35
Note du film : 3/6

Et voilà que je me suis cru quelquefois dans un giallo, filles dénudées et sang à la une en moins et non pas chez le grand Luigi Comencini ! Que s'est-il passé ? Sans doute exigences alimentaires et pesanteurs des productions internationales, peut-être désir du réalisateur de tourner quelque chose qui n'était pas dans sa manière, quelque chose d'innovant et possiblement même pari plutôt nigaud de réussir l'adaptation d'un roman de Carlo Fruttero et Franco Lucentini écrite par le premier nommé et par Agenore Incrocci, c'est-à-dire par le mariage de l'eau et du feu, comme aime à le dire notre grand spécialiste du cinéma italien, Arca1943..

Ce n'est pas que le film manque de qualité ou soit agaçant à regarder. Loin de là. On prend même plaisir, en spectateur omniscient à suivre les déroulements de l'enquête du commissaire Salvatore Santamaria (Marcello Mastroianni), chargé de découvrir qui est l'assassin du minable, tripatouilleur, érotomane architecte Garrone (Claudio Gora), massacré à l'aide d'un massif, gigantesque phallus de pierre. Comme la femme aux chats (Miriam Karlin) d'Orange mécanique d'ailleurs ; curieux rapprochement.

Donc Garrone a été assassiné ; et tout le film va courir derrière l'enquête jusqu'à la résolution finale, qui n'est surprenante que pour ceux qui ignorent, ou font mine d'ignorer que le genre (littéraire ou cinématographique) veut que ce soit la personne la moins soupçonnable en apparence qui soit la coupable. On passe donc consciencieusement en revue tous ceux qui auraient eu quelque envie ou quelque intérêt de se débarrasser du vieux cochon. Et ce qui n'est pas désagréable, ce qui est même bien habile c'est que les intrigues s'entrecroisent, se superposent, se relient les unes aux autres et que l'on est constamment dans l'interrogation. Mais cette complexité relative n'est pas sans défaut : les séquences s'enchaînent avec une trop grande répétitivité et on passe trop vite de l'un à l'autre des protagonistes comme dans un film de série de Mario Bava : ce n'est tout de même pas ce qu'on peut attendre de Luigi Comencini.

Tout cela évolue donc autour de Turin, admirablement photographiée et rendue presque séduisante. La capitale du Piémont n'est pas si souvent représentée au cinéma qu'on n'ait pas à se féliciter de la découvrir ainsi, un peu massive, souvent austère, mais parée des demeures patriciennes admirables qui la surplombent. Demeures qui seront la clef de l'énigme au demeurant. Petit monde opulent de la jet-set piémontaise ; Anna-Carla Dosio (Jacqueline Bisset, absolument sublime) qui s'ennuie auprès d'un mari industriel qui la trompe copieusement ; son ami et confident Massimo Campi (Jean-Louis Trintignant), issu d'une famille aristocratique devenu homosexuel parce que les femmes généralement l'exaspèrent ; son médiocre amant Lello Riviera (Aldo Reggiani) sensible, complexé, victime-née.

Et le drôle de monde qui surgit dès que l'on ouvre un peu le couvercle ou dès qu'on soulève le toit des maisons et qu'on peut constater que la réalité de sage apparence n'est pas exactement identique à l'idée qu'on s'en fait.

On voit bien assez vite que Comencini se soucie de l'intrigue autant que de son premier minestrone : ça court dans tous les sens, ça se manque ou se rattrape miraculeusement, les destins se croisent, les coïncidences les plus improbables surgissent, la police parvient inopinément à trouver la pièce à conviction ou l'indice qui manquait. Comme dit plus haut, l'identité de l'assassin de l'architecte libidineux Garrone (qui entretemps a également zigouillé le pauvre Lello, qui s'était courageusement dispensé pour essayer d'innocenter son amant Massimo/Trintignant, fortement suspecté du meurtre) est révélée à la fin et on aime à dire, comme le commissaire Bourrel (Raymond Souplex) dans Les cinq dernières minutes, Bon Dieu, mais c'est bien sûr !.

Mais on attendait tout de même autre chose du réalisateur de L'incompris, de L'argent de la vieille, du Grand embouteillage


Répondre

De vincentp, le 15 décembre 2019 à 18:43
Note du film : 6/6


La femme du dimanche croise de façon originale et habile une enquête policière et une chronique sociale, employant le style du cinéma italien du milieu des années 1970, période des "années de plomb". Comme Chronique d'un homicide (1972), La femme du dimanche décrit une société chaotique et fiévreuse, marquée par la remise en question de schémas de pensée établis, sans projet de société consensuel. Les domestiques sardes, renvoyés par leur patronne (Jacqueline Bisset) se rebellent contre celle-ci, l'accusant d'un très improbable homicide commis avec un phallus géant. Le chaos est porté par la mise en scène dynamique de Comencini, passant d'un personnage à l'autre dans une logique erratique (comme sur le marché aux puces). Le scénario de Agenore Incrocci et Scarpelli appuie cet aspect, mélangeant aspects dramatiques et humour caustique, dans un savant désordre. La musique de Ennio Morricone, changeante selon les moments, conforte cette dimension.

Le récit se déroule à Turin, cité industrielle, dont on aperçoit les décors historiques, les lieux bourgeois et populaires. La photographie de Luciano Tovoli représente une cité verdoyante et ensoleillée, marquée par une végétation foisonnante, une douceur de vivre alignée avec les éléments du cosmos. Cet aspect, par contraste, renforce la noirceur d'une intrigue qui décline les codes du "Giallo", genre cinématographique marqué des personnages en mouvements, confrontés à des situations insolites. La femme du dimanche constitue une déclinaison politique du film fondateur du genre : L'oiseau au plumage de cristal (1970). Le trio d'acteurs principaux de La femme du dimanche est excellent, avec un Marcello Mastroianni impressionnant dans le rôle pivot de l'enquêteur perspicace et sans illusion. Voilà une oeuvre ultra-réussie, distrayante et poussant à réfléchir sur des sujets de société, des comportements et des psychologies toujours d'actualité.


Répondre

De verdun, le 14 janvier 2020 à 21:43
Note du film : 4/6

J'ai revu La femme du dimanche et je passe ma note de 3/6 à 4/6.

C'est un "giallo" atypique qui se pare de nombreuses qualités. Les acteurs sont bons, y compris Jacqueline Bisset et Jean-Louis Trintignant malgré leur doublage en italien. La réalisation est irréprochable et la photo de Luciano Tovoli est excellente. La ville de Turin est très bien filmée et bien utilisée par le récit. L'étude sociale a une certaine épaisseur: ainsi l'opposition entre le commissaire Marcello Mastroianni et le milieu de grands bourgeois dans lequel il enquête est bien rendue. Enfin, difficile de m'enlever la musique de Morricone de la tête, même si elle ressemble à certaines de ses compositions antérieures : quel compositeur hors du commun !

Néanmoins, j'ai toujours un peu de mal à adhérer pleinement au film. D'une part, il faut aimer ce rythme nonchalant, assez étrange pour un "giallo". D'autre part, il y a une certaine distance voire une froideur dans le ton choisi, alors qu'on attendrait soit de l'empathie, comme souvent dans le cinéma de Comencini, soit de la férocité comme chez Risi ou d'autres cinéastes italiens de la grande époque.

On peut apprécier le ton faussement tranquille de La femme du dimanche mais de mon point de vue, c'est une oeuvre qui aurait pu dégager plus d'efficacité et plus de force.


Répondre

De vincentp, le 14 janvier 2020 à 22:08
Note du film : 6/6

C'est aussi le ton employé pour Le commissaire (1962), que je viens de revoir et pour lequel j'émets un avis en forte hausse. Deux comédies grinçantes, sur une société établie, avec un certain nombre de personnages relativement âgés, qui modèlent leur environnement. Mastroianni remplace Sordi, dans le rôle d'un enquêteur atypique. Mêmes scénaristes, même réalisateur…


Répondre

Installez Firefox
Accueil - Version bas débit

Page générée en 0.0091 s. - 5 requêtes effectuées

Si vous souhaitez compléter ou corriger cette page, vous pouvez nous contacter