Voilà une belle découverte permise par la collection Mocky sortie en dvd.
Il y a pas grand chose à jeter: peut-être un début un peu daté avec Mocky d'ailleurs excellent du début à la fin, en blouson noir qui demande du fric à droite et à gauche; on voit trop peu Paul Meurisse dans le rôle d'un docteur plus nuancé que le méchant Pierre Brasseur. Certains regretteront également une vision assez datée de l'univers psychiatrique.
Mais pour le reste c'est un an avant les mythiques Yeux sans visage une très grande réussite. Le casting est parfait, avec une mention spéciale pour Aznavour qui campe un dépressif des plus convaincants. La photo de Eugene Schuftan est déjà superbe. La tonalité se fait réaliste mais des envolées lyriques marquent comme l'apparition de Edith Scob lors de la messe… Le récit tragique est bien mené, fidèle à la verve d'Hervé Bazin, le romancier de la révolte contre les parents.
Ce film moderne annonce Shock Corridor ou Vol au-dessus d'un nid de coucou avec ce personnage de fou pas vraiment fou plongé dans la folie. Finalement les films ayant pour cadre un hôpital psychiatrique sont assez rares. Et puis les questions thérapeutiques posées ici restent au centre des débats: faut-il aider à la réinsertion des aliénés ou adopter envers eux une attitude assez dure ? That is the question !
Que voilà du bon, très bon cinéma…Avec la patte indélébile de Franju. Franju avec toute sa magie et son mystère. Un problème vieux de tous temps abordé par le biais d'une rancune familiale. Jean-pierre Mocky, à mille lieues de ce qu'il deviendra des années plus tard, paumé comme Le Juif errant, en butte avec son Jean Galland de père, vieil aristocrate qui ne plaisante pas avec la morale. Et dans ce milieu, la morale, on la soigne chez les dingues…
J'ai aimé voir Mocky se balader dans un sous bois, au clair de lune, avec une musique enchanteresse, ensorceleuse au dessus de lui. Comme j'ai adoré le voir, déambulant lentement la nuit, entre les malades endormis, tel un Belphégor blanc. J'ai eu un frisson à la vue de ce fou (?) se caressant la joue avec l'aile de cette colombe qu'il tenait dans la main… Nous n'aurions pas été chez Franju si quelques colombes ne s'étaient pas manifestées. La ronde enfantine, imposée aux malades, pour apprendre à vivre ensemble, m'a profondément émue. "-Ils tournent parce que le monde et tout le monde tourne…-" soupirera Aznavour parfait, oui, dans ce rôle d'épileptique. Et quand il se balancera au bout de sa corde, en envol pour un ailleurs plus ensoleillé, on ne trouvera sur lui que la photo d'un immense voilier en partance vers les îles… Et ce soir là, les colombes se tairont dans leur volière. Alors Eugen Schüfftan, le directeur de la photo, nous offrira un plan magnifique où la nuit descend sur l'asile sans faire de bruit. Comme une nuit en deuil… Puis la beauté d'Anouk Aimée viendra redonner sa lumière au jour. L'aimante qui ne peut pas grand chose pour celui qu'elle aime. Dépassée qu'elle est par toute cette administration bizarre. Alors, elle vient. Juste belle..
Et c'est dans cet onirisme continu que Franju va aborder le délicat problème de l'internement et de la survie des malades en milieu psychiatrique. Le sujet est traité assez sommairement. Les différentes "écoles" se chagrinent entres elles, et c'est toujours d'actualité. Les malades sont-ils soignés ou les garde-t-on pour se livrer à des… examens (évitons le mot "expériences") qui feraient progresser la médecine ? Pierre Brasseur est assez troublant en la matière. On ne devine pas vraiment ses intentions. Paul Meurisse, la deuxième "école", est beaucoup plus tranchant. Les malades, eux, vivent leurs délires, loin de ces querelles de clochers. Et Mocky, aussi fou que je suis vierge, ne pensera qu'à une chose : S'évader. Encore et toujours. Et on note une chose curieuse, c'est que chaque fois qu'il est repris, Franju nous offre de longues séquences sur les hauts murs qui entourent l'asile. Et on ne peut s'empêcher de penser à l'énorme ballon blanc qui vient chercher Patrick McGoohan, le prisonnier chaque fois qu'il s'évade. Ici, c'est le gris de la pierre qui n'en finit plus d'être haute, qui vient reprendre son homme…
Ce film est proche du chef-d'œuvre. Que lui manque-t-il pour accéder à cette consécration ? D'abord une fin plus magique, comme celle des Yeux sans visage. Un rôle plus fouillé pour Brasseur qui reste trop vague dans ses desseins. Il manque de volonté et semble ne pas faire assez cas de ces exclus qui l'entourent. Cette minutie, il l'aura retrouvée, un an plus tard, s'évertuant à reconstruire le visage de sa fille. Et puis, Franju n'a pas laissé le temps à Aznavour de s'exprimer plus encore. C'est dommage. le petit homme avait beaucoup de choses à nous apprendre… Mais c'est un très beau film ! Quant à la musique, si elle tambourine un peu trop yéyé au début, elle revêt vite sa robe de chambre velours et Jarre accompagne ces bannis de la pensée "normale" comme la chanson douce de nos mamans accompagnait notre sommeil..
C'est grand. C'est lyrique. C'est beau. C'est Franju…
Vous avez raison, ce film est poignant. Et c'est un plaisir de regarder Anouk Aimée qui est comme vous le dites, d'une très grande beauté. Un film peu diffusé à connaître. Le bon vieux temps du cinéma français.
J'avais oublié de remercier l'ami Frétyl qui d'une part, sur le fil des Insomniaques m'a permis de savourer le monologue de Mocky mais qui surtout m'a fait entendre par la voix du même Mocky des révélations sur le film La tête contre les murs dont j'ai eu l'honneur de vous entretenir. Mocky raconte qu'au départ, c'est lui qui devait réaliser. Et il a laissé sa place à Franju dont personne voulait entendre parler au cinéma. C'est donc grâce à Mocky, qui le parraina, que Franju, après moults courts métrages, accéda au grand écran et pu nous offrir judex ou les yeux sans visage. Il évoque, également, le fait que tous les acteurs du film La tête contre les murs prirent des risques et acceptèrent de jouer en participation. Chose que l'on ne voit plus guère de nos jours. Alors ? Pas si pourri que ça ce Mocky…
Et qu'est ce que ça aurait été si ça avait été Mocky qui l'avait réalisé ? Déjà que le film de Franju semble déjà largement influencé par les indignations de son scénariste interprète. La tète contre les murs aurait parait-il été précurseur de Vol au dessus d'un nid de coucou. Le film prend des positions assez crédible mais au lieu d'entamer un film politique sur le cas des asiles d'aliénés dans les années 50 sur lesquels il y'aurait en effet beaucoup à dire… Le film de Franju, intéressant sur de nombreux points se perd entre l'esprit anarchiste de Mocky, de sensibleries mièvres, de personnages retords… Ca se perd souvent en longueur.
Même si le personnage incarné par Mocky y est victime d'une monstrueuse injustice et d'un abus… On se moque un peu de son sort et j'avoue avoir du mal à m'attacher à ce personnage. Le seul enjeu du film aurait dû être l'affrontement entre la vision de la psychiatrie autoritaire par le gluant, cynique (Pierre Brasseur) et son confrère ( Paul Meurisse) partisan d'une psychiatrie plus humaine, plus ouverte… L'interprétation des deux acteurs reste le pilier du film. Dans sa globalité le fond y est caricatural, ca traine souvent en longueur et l'on n'a pas besoin de Mocky pour savoir que des scandales liés à ces instituts se produisent même encore aujourd'hui !
On y sent trop souvent la naïveté de Mocky, son manque de finesse, de profondeur…
Le drame des films à thèse, c'est qu'ils sont le plus souvent guindés, corsetés, prisonniers de la position qu'ils défendent ; et La tête contre les murs souffre énormément de ce défaut : le manque de finesse. On sent que c'est le primate Jean-Pierre Mocky qui a écrit l'adaptation du roman d'Hervé Bazin avec son habituelle rugosité obtuse. Que ne s'est-il réservé à son rôle d'acteur où il était plutôt moins mauvais, avec sa belle gueule, que dans celui de réalisateur d'esbroufe et de grandiloquence ridicule ?
Je ne sais pas comment le subtil Georges Franju à qui toutes les qualités du film doivent être créditées, a pu supporter de tourner un scénario aussi mal fichu, aussi mal rythmé, aussi peu crédible. Il apporte en tout cas son sens de l'image belle, poétique, onirique, subtile, de ces atmosphères forestières, embrumées, nocturnes. Grâce à Dieu, il trouvera deux ans plus tard, grâce à Boileau et Narcejac le substrat du chef-d'œuvre Les yeux sans visage. Mais là il ne peut que courir après les errements souvent niais qui l'obligent à présenter un film désarticulé. Comment comprendre que François Gérane (Jean Pierre Mocky), jeune homme bringueur, joueur, désinvolte soit, après une algarade avec son père, important avocat (Jean Galland), sévèrement interné dans la maison de santé – l'asile de fous, plutôt – du docteur Varmont/Brasseur et y demeure claustré ? Au milieu de vrais cinglés dont la panoplie est assez spectaculaire et d'où émerge seulement le tendre Heurtevent (Charles Aznavour) ? On sait bien que l'asile de fous est un intéressant terroir pour le cinéma : Shock corridor de Samuel Fuller (1963) ou de Vol au-dessus d'un nid de coucou de Milos Forman (1975), voire la fin de La symphonie pathétique de Ken Russell (1971) montrent les étranges comportements de gens qui ont quitté le monde de la réalité pour se réfugier dans de drôles de rêveries.Le film est très beau, très bien réalisé, mais tellement, tellement niais et mélodramatique dans son propos ! Quel dommage…
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