J'ai chopé ça sur la chaine ciné polar. C'est un Boisset mineur. Ca semble être pour le réalisateur un film pour se faire les dents. A ce moment là Boisset n'avait pas encore concocté Dupont Lajoie, Allons z'enfants, Un Taxi mauve, Le Saut de l'ange… Mais on sent les signes d'un talent naissant prendre forme. La mécanique est efficace. Une atmosphère de violence et d'inhumanité étouffe le spectateur continument. Cran d'arrêt c'est l'histoire d'un docteur (d'un ex docteur) qui sort de prison pour euthanasie qui trimballe son secret inavouable et essaye de s'intéresser à quelque chose pour ne pas sombrer. Dans ce rôle Cremer est impeccable. Payé pour s'occuper d'un jeune de vingt-deux ans issu d'une bonne famille qui a viré dans l'alcool (Renaud Verley) il ne tarde pas à tisser avec l'adolescent des rapports ambigus et trouble. Deux personnages en dérive qui finiront mutuellement par s'avouer leur passé. Un passé terrible. Euthanasie pour l'un. Et pour l'autre : suicide d'une aventure sentimentale, dont il se sent coupable. Voir Cremer foutre des tartes dans la gueule à ce jeune fils à papa, l'engueuler, le soulever avec force de colosse est assez distrayant. Les rapports qu'entretiennent les deux personnages Renaud Verley et Cremer sont assurément la meilleure chose du film. En fait, le film n'a pas besoin de grand chose pour avancer et être intéressant. Son ambiance, avec ses silences, ces personnages dans la dèch, assure plus que tout la réussite du film.

La première partie du film dans une grande maison Italienne, très bourgeoise est remarquable de tenue et de psychologie. La deuxième partie du film, virant au polar, s'avère beaucoup plus attendu. Le film se finit même par une poursuite automobile assez décevante et assez facile. Mais le film est actif, parfois violent et les interprètes principaux sont remarquables de désespoir, d'un ennui insurmontable.
Boisset renia Cran d'arrêt le considérant comme inachevé, affirmant que le producteur aurait exercé une censure sur certaines scènes tournées par le réalisateur. En effet c'est un film raté, mais qui malgré tout possède une rigueur, un sens de l'ordre une maitrise, qui malgré ses faiblesses, le rend quarante ans après, comme un film plaisant.
Inspiré d'un livre Italien et se déroulant en Italie, avec des personnages tout aussi Italien, on imagine que ce sujet là, aurait très bien pu être tourné directement par un réalisateur transalpin. Étrangement, de la réalisation, en passant par la musique, les interprètes et même les scénaristes Antoine Blondin et Francis Cosne, Cran d'arrêt reste un film bien de chez nous !

Et puis les plans tournés dans la ville de Milan sont magnifiques.