Voici un énorme coffret composé de quatre DVD thématiques – 12h40 en tout – plus un disque de suppléments qui comprend notamment La section Anderson de Pierre Schœndœrffer, Oscar du documentaire en 1968, sur quoi je reviendrai sur un autre fil.
12 heures 40, ça se regarde en plusieurs soirées, bien sûr, mais il vaut la peine de ne pas trop segmenter dans le temps chaque disque, consacré à quatre thèmes, et dont les reportages, choisis par Michèle Cotta sont présentés dans leur ordre chronologique de diffusion, ce qui n'est pas sans importance.
Cinq colonnes à la une fut une émission unique, qui n'a duré, finalement, qu'une petite dizaine d'années, de 1959 à 1968, mais qui demeure mythique grâce à la variété des sujets abordés, l'approfondissement, quelquefois rude, imposé par les journalistes aux spectateurs, ou l'idéale durée des reportages, jamais expédiés à la va-vite, mais jamais non plus pesants ou interminables. C'était un modèle de rigueur et d'exigence, à une époque où le parc des téléviseurs atteignait en France, son premier million, où l'on sentait d'ailleurs confusément que ce qu'on appelait alors l'étrange lucarne allait prendre une place immense dans la vie de chacun.Quatre thèmes, donc, quatre DVD :
L'attention qu'on portera aux quatre DVD varie évidemment en fonction de l'intérêt que l'on porte aux sujets abordés et aux personnages évoqués.
J'admets bien volontiers que je n'ai pas beaucoup accroché au disque consacré à l'Amérique, à ses démêlés avec son président assassiné, ses minorités et sa folie vietnamienne (dont le bourbier fait furieusement songer, toutes choses égales par ailleurs, à certain enlisement en Afghanistan et en Irak aujourd'hui), même si certains reportages, notamment celui sur Harlem présentent des images très étonnantes, quelquefois belles comme tout, ou très cocasses (le défilé de mannequins, les prêches évangélistes).Dans le disque consacré aux stars, je n'ai pas été très surpris de revoir des images qui font le miel de beaucoup des rétrospectives qu'on voit et revoit quotidiennement, surfant sur la mode de la nostalgie ; quelle que soit l'admiration que je porte à Brassens ou à Bécaud, j'ai déjà eu mon soûl de reportages sur ces grands interprètes ; et par ailleurs les hystériques yeux écarquillés d'Edith Piaf m'ont toujours autant agacé que les cheveux soigneusement gominés d'Enrico Macias.
Et, sans doute par sensibilité personnelle et goût de cette histoire, j'ai trouvé le disque sur les événements d'Algérie et leurs conséquences le plus passionnant : entre le premier et le dernier des six reportages (d'un quart d'heure chacun, en moyenne), de 1959 à 1961, il n'y a que deux ans : et pourtant le ton change, comme l'opinion publique a changé au cours de ces années cruciales. De l'évidence de la présence française à l'évidence du départ, il y a tout le drame. Les chics garçons qui rétablissent l'ordre, comme les baptise le reporter sont à peine différents des factieux soulevés du putsch d'avril 61. Quelle misère !
Car comment ne pas souscrire à ce propos qui n'est pas que de comptoir, d'un brave type d'un faubourg populaire, Nos ancêtres les Gaulois, qu'ils s'appellent Hernandez, Pappalardo ou Mohammed…. Le beau rêve de 1958 va s'achever dans le sang et la fureur, la folie incendiaire de l'OAS, les massacres des Européens d'Oran en juillet 62, le départ vers la métropole d'une foule incrédule qui sait qu'elle ne reverra jamais son pays…
Long message à proportion de l'exceptionnelle longueur du coffret commenté. Mais aussi de son exceptionnel intérêt.
A propos de Cinq colonnes à la une, j'ai souvenir que mon père me racontait que le fameux bandeau qui annonçait les sujets de l'émission était visible sur le fronton d'une gare ? oû d'un autre édifice Parisien ? C'est ça ? Il me semble bien qu'il évoquait cette émission.
Il y avait jadis, sur certains immeubles situés autour de lieux de passage considérables – j'ai le souvenir de la gare Saint Lazare – des sortes de bandeaux lumineux animés comparables à ceux qui lançaient les génériques de sujets de Cinq colonnes à la une ; aux temps calmes où n'existait pas encore France-Info et la tyrannie de l'information immédiate, des tas de nouvelles étaient ainsi annoncées au populo qui rentrait dans sa banlieue (on ne se rend pas compte ce qu'était l'information radiodiffusée en ces moments : un journal à 13 heures, un à 19 heures et entretemps rien du tout).
Est-ce que ce génie de l'information qu'était Pierre Lazareff a eu la roublarde idée de s'appuyer sur ça pour présenter ainsi, une fois par mois, les sujets de l'émission ? Je ne me le rappelle pas, mais c'est fort possible…
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