Capable de se couler avec aisance dans l'univers du néoréalisme (Le Voleur de bicyclette) ou dans celui du mélodrame populaire (La Fille des marais)
, collaboratrice régulière tant de l'homme de gauche Luchino Visconti
que de l'homme de droite Franco Zeffirelli,
cheville ouvrière tant du "cinéma d'auteur" (Antonioni,
Zurlini,
Rosi)
que de la comédie à l'italienne (nombreux films de Mario Monicelli
et Luigi Comencini)
, Suso Cecchi d'Amico
était vraiment la scénariste idéale, une versatile éminence grise sans qui rien n'eût été possible et qui se riait de la division des discours entre la "grande culture" auctoriale et le cinéma populaire (elle a aussi tâté du peplum, du film d'amour…). Le nombre de titres marquants dans sa filmographie me laisse pantois. Voici Miracle à Milan
et voici Salvatore Giuliano
; voici Le Pigeon
et voici Le Guépard
(dont les réalisateurs respectifs n'étaient pas à inviter au même cocktail, nous rappellent Fruttero et Lucentini dans La Prédominance du crétin). Et voici encore Vivre en paix
et Les Aventures de Pinocchio,
Été violent
et Jésus de Nazareth,
voici Senso
et Casanova, un adolescent à Venise,
voici bien sûr Le Voleur de bicyclette
et Les Yeux noirs,
Femmes entre elles
et La Mégère apprivoisée,
Vacances romaines
et Parenti serpenti,
Rocco et ses frères
et Best of Enemies…
Et voici un giallo en bonne et due forme (Le Diable dans la tête de Sergio Sollima,
1972), un p'tit Derek Jarman
en passant (Caravaggio)
, et pourquoi pas un film français pour aller par là-dessus (Les Mots pour le dire).
Suso Cecchi d'Amico a connu la clandestinité et la Résistance avec son mari pendant la Seconde Guerre mondiale. Dans l'après-guerre elle a gagné des tas de prix pour le meilleur scénario en Italie et ailleurs, par exemple pour Vivre en paix,
È primavera,
Les Nuits blanches
et combien d'autres. Encore en l'an 2000 elle en remportait un pour une minisérie coécrite avec Monicelli
et le tandem Benvenuti-De Bernardi. Sa dernière participation à un scénario fut en 2006 pour Le Rose del deserto
de Monicelli. Elle aimait à répéter que les films sont faits d'abord d'images et d'actions et non de mots.
Cette indestructible, dont la carrière a traversé sept décennies, vient de nous quitter à l'âge de 96 ans.
Il est difficile de passer après Arca1943, qui a (presque) tout dit. Comme Arca, je salue cette professionnelle talentueuse, et que l'on imagine aussi avoir été persévérante, et perfectionniste. Je retiendrais la perfection de nombre de ses scénarios (Profession : magliari, Salvatore Giuliano,
les films de Visconti, Eté violent,
etc…). Des scénarios extrêmement élaborés et des personnages aux personnalités ultra-développées. Enormément de thèmes abordés, de très fines modulations pour les développer. Un souffle narratif évident : on accroche aux histoires d'un bout en bout. Elle aura su aussi certainement adapter ces histoires aux styles des metteurs en scène avec lesquels elle a travaillé. Donc, un passage sur Terre formidable !
« …et des personnages aux personnalités ultra-développées.»
Voilà certes la chose essentielle que j'avais oublié de dire. S'il y a un "fil" commun qu'on peut voir courir de Visconti à Monicelli, d'Antonioni à Comencini en passant par Zampa et Zeffirelli et probablement aussi Sollima (mais je n'ai pas vu Le Diable dans la tête), c'est que tout en s'adaptant toujours à l'univers du film et de son réalisateur, madame Cecchi d'Amico – avec d'autres collègues scénaristes italiens aujourd'hui disparus – maîtrisait un art suprême du personnage. Et ça, c'est une chose qu'aucune technique d'écriture, aucune érudition ne peut acheter : il faut bien connaître le coeur humain et puis voilà.
Ses scénarios ont pour particularité de s'appuyer sur un nombre important de personnages, lesquels agissent au sein d'un environnement politique et social décrit avec une grande précision.
Tiens, j'ai déniché cette bande-annonce…
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