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Sujet : Il n'y a pas de quoi rire...


De fretyl, le 25 mai 2010 à 23:10
Note du film : 5/6

En deux parties Au bon beurre dure trois heures. Téléfilm diffusé dans les années 80, réalisé par Édouard Molinaro avec une pléiade d'excellents acteurs : Roger Hanin, Andréa Ferreol, Claude Brosset, Dora Doll, Christine Pascal… Ceux qui l'ont vu ne l'ont généralement pas oublié.

Dans Au bon beurre, on rit ; alors qu'en fait il n'y a vraiment pas de quoi.

Le film raconte l'ascension d'un petit couple de crémiers particulièrement cyniques et immondes (les Poissonard) Roger Hanin et Andréa Ferreol. Ne reculant devant aucune saloperie pour essayer de tirer profit de l'occupation allemande. Pétainiste au départ, allant même à Vichy apporter des œufs au Maréchal, puis Gaulliste… A la Libération, bien sûr…
Le sinistre couple n'écarte sous l'occupation aucune infamie, se transformant en une véritable caricature des Français sous l'occupation.
Andréa Ferreol gentille à la caisse avec les clients, se rêvant bourgeoise et qui la nuit par méchanceté et parce-que ça la démange envoie une lettre de dénonciation à la Kommandatur, pour dénoncer sa voisine, qui cache son fils évadé d'un camp de prisonniers allemand.
Le couple Poissonard, se ruant sur l'adolescente qu'ils ont embauchée et qu'ils exploitent, parce qu'elle a mangé un bout de fromage, alors qu'au même moment ils s'empiffrent dans la cuisine.
Marché noir, trafic, ils vont même jusqu'à tirer profit d'un Juif dont la famille a été déporté et dont ils se servent à la libération pour accréditer l'idée, selon laquelle ils ont toujours été de bons Français.
Et le pire : un brave Allemand avec qui ils sont devenu ami et que Roger Hanin envoie tout droit au peloton d'exécution à la fin de la guerre, lorsque celui-ci se réfugie chez celui qu'il croit être son ami.
Je ne peux pas non plus, faire la liste de toutes les immondices dont ils sont capables…

Pendant trois heures, on gravit inlassablement dans le cynisme, dans l'humour noir, dans le rire jaune.
Contrairement à Gerard Jugnot avec Monsieur Batignole, Édouard Molinaro ne trouve aucune excuse, ni aucune rédemption a ces salauds.
Ils finissent la guerre millionnaires, encore plus prétentieux ; alors que le résistant en face de chez eux, ne connait aucune gloire.
Un fabuleux portrait de gens exécrables, à qui on aimerait bien casser la gueule. Un portrait d'une France, qui a certainement dû exister.

Une comédie, qui pourrait aussi bien être un drame.

Roger Hanin parfois lourd est ici parfait et Andrea Ferreol est sans doute dans son meilleur rôle.


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De le Sage, le 26 mai 2010 à 01:51

Dans Au bon beurre, on rit

Ah bon ??

Un portrait d'une France, qui a certainement dû exister.

Au sortir de la guerre, à la seule Préfecture de la Gironde, ont été recensées près de trois millions de dénonciations…


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De Impétueux, le 28 mai 2010 à 11:02
Note du film : 5/6

3 millions de lettres de dénonciation pour la seule Gironde, écrivez-vous, Lesage ?

Ça me semble beaucoup pour un département qui ne devait pas atteindre, en 1940, un million d'habitants (et une France à 40 millions…)…

Le terrible, c'est que, si de tels malheurs qu'une Occupation survenait aujourd'hui, il faudrait sûrement multiplier les chiffres par trois ou quatre…


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De Le sage, le 29 mai 2010 à 23:31

3 millions de lettres de dénonciation pour la seule Gironde, écrivez-vous, Lesage ? Ça me semble beaucoup ….

Non, non, Monsieur..Et je vous sais bien mieux placé que moi pour vérifier et confirmer ce chiffre. Je l'ai lu X fois et, très curieusement, tous les accès à cette information sont aujourd'hui Inaccessibles. Surtout sur internet. Mais je pense qu'il est encore (et heureusement) possible à tous de se procurer les livres de Jean Dutourd, pour ne parler que de lui.


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De Impétueux, le 24 septembre 2017 à 17:31
Note du film : 5/6

Au bon beurre est l'exemple même de ce qu'était et de ce que pourrait être une télévision de qualité : le choix d'un réalisateur solide, Édouard Molinaro, sans doute dépourvu de grand talent, mais capable d'adaptations de bon niveau ; des acteurs de premier plan, Roger Hanin et Andréa Ferréol et une kyrielle de seconds rôles capables de donner de l'épaisseur à un film : Paul Guers, Dora Doll, Claude Brosset, Monique Mélinand et beaucoup d'autres ; un roman idéalement découpé pour retenir constamment l'attention ; une période historique certes continuellement explorée et commentée mais considérée là principalement sous l'angle original du marché noir et de la crapulerie dénonciatrice ; une conclusion amère et juste, le triomphe immoral des profiteurs ; une adaptation très fidèle de l'œuvre d'un excellent romancier, Jean Dutourd, qui connaît aujourd'hui son purgatoire littéraire, dont je serais toutefois bien étonné qu'il ne ressorte pas dans quelques années ou décennies, tant sa verve narquoise et son œil ironique sont délicieux.

En tout cas son style d'écriture et son sens de la dérision se sont particulièrement bien prêtés à la transcription télévisée. Et on peut d'ailleurs beaucoup regretter que sa veine n'ait guère été explorée ni exploitée par le cinéma ou la télévision ; il est vrai que fervent gaulliste et fervent monarchiste, il n'entrait pas dans les lucarnes étroites du politiquement correct. (Au fait, il fait une toute petite apparition muette (un caméo), en acheteur ironique à béret basque dans le téléfilm).

Molinaro a disposé de beaux moyens matériels pour adapter le roman et surtout d'un minimum de temps : un peu plus de 3 heures, en deux épisodes diffusés en deux jours consécutifs lors de la première diffusion, ce qui permet de donner un récit à peu près intact et d'en respecter le rythme ; autant qu'il m'en souvienne, il n'a pas eu à faire l'impasse sur des épisodes importants, ce qui permet de conserver une agréable cohérence. Il a eu surtout le mérite de respecter l'acidité du récit de Dutourd, ce qui ne serait peut-être pas possible dans notre vertueux aujourd'hui.

Je m'explique : le roman a été publié en septembre 1952, c'est-à-dire à un moment très proche du déroulement des événements relatés, un moment où toutes les manigances, les vacheries, les veuleries, les médiocrités racontées étaient encore bien présentes à la mémoire des lecteurs ; je sais bien que celle-ci a tendance à oublier les petites crapoteries qu'on a commises et à valoriser ses minuscules courageuses réactions pour en faire des actes de résistance, mais enfin on ne peut tout de même pas raconter n'importe quoi, ni faire mine d'oublier qu'on a acclamé le maréchal Pétain en avril 44 avant d'aller applaudir le général de Gaulle au mois d'août et cela avec le même enthousiasme.

D'où l'efficacité du téléfilm qui montre avec un sourire triste mais détaché la réalité des années noires : tout simplement la nécessité de trouver à bouffer chaque jour, de ruser avec les tickets d'alimentation, de se faire quelquefois plaisir en achetant dix fois son prix une douzaine d'œufs ou une livre de beurre. Tristes vicissitudes de nos ventres !

Hanin joue plutôt sobrement et Andréa Férréol est gluante et ignoble à souhait ; abjects ? oui, évidemment, mais comment ne pas noter non plus leur complicité amoureuse et leur ardeur au travail ? Comment ne pas voir qu'à de rares exceptions près, ils sont entourés de bonnes gens qui, s'ils étaient crémiers à leur place agiraient à peu près pareillement ?

Et puis j'aime toujours revoir le beau visage triste et déjà suicidaire de Christine Pascal, la petite bonne exploitée…


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