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Forum : Le Sang du damné

Sujet : Très beau film noir jazzé et stylisé


De Arca1943, le 12 avril 2010 à 01:48
Note du film : 5/6

Hideo Gosha a pleinement réussi sa première excursion hors du chambara (film de sabre) avec ce "noir" à l'intrigue bien ficelée. Chauffard ayant sur la conscience la mort d'un père et de son jeune fils, Oida à sa sortie de prison est désormais un paria qui n'a plus rien à perdre. Il accepte donc un "contrat" pour le compte de son compagnon de cellule Sengoku, qui doit être libéré plus tard. Une fois dehors toutefois, Oida est moins intéressé à tuer quiconque qu'à comprendre pourquoi on l'a chargé de cette funeste besogne. Mais s'il veut comprendre, il doit se hâter : car d'autres tueurs sont sur les talons de ses cibles désignées. Dans son étrange parcours, Oida se retrouve avec sur les bras Tomoe, la fillette d'un des trois hommes…

Le noir et blanc somptueux et nuancé de Tadaki Sakai est un gros atout du film, tout comme le jazz syncopé et ironique de Masaru Sato. Voilà un film qui aime bien l'obscurité et les contre-jours, en phase avec le côté expressionniste du traitement. Le jeu des acteurs est au diapason : très expressif, très dramatique. Tatsuya Nakadai est idéal en ange déchu au charisme mélancolique et Mikijiro Hira excelle dans le rôle du douteux Sengoku. Une solide galerie de tronches de soutien donne relief et vie aux poursuivis comme aux poursuivants. Et la petite Tomoe est vraiment à ravir.

Plusieurs agonies réussies nous rappellent que le Japon n'est pas seulement le pays du savoir-vivre mais du savoir-mourir. Les décors et repérages aussi sont frappants. Je n'ai pas bien saisi dans quelle ville ça se passe, mais semble-t-il qu'on y trouvait en 1965 une abondance de terrains vagues, cimetières de voitures, kermesses à l'abandon, vieux quais en perdition, bars miteux, poste électrique au voltage inquiétant. La séquence de la station d'épuration en particulier est un morceau d'anthologie, avec ce décor industriel où les personnages semblent continuellement en danger.

Il paraît que Tatsuya Nakadai voulait être boxeur avant de se lancer dans l'art du jeu : eh bien, ça se voit au cours d'une scène de pugilat où il cogne sur le méchant de tout son cœur. Mais qu'il frappe dur, dites donc ! Un vrai marteau-piqueur.

Tout cela se tient très bien, tant du point de vue de ce qui est raconté que de la façon de le raconter, et s'achemine vers une conclusion tragique qui boucle intelligemment la boucle. On sent ici et là la volonté des auteurs d'évoquer un Japon "du bas de l'échelle", peu reluisant et peuplé d'une faune de laissés pour compte : un ex-policier que l'amour a perdu, un boxeur qui s'est fait avoir parce qu'il refusait de truquer un combat, un veuf qui s'encanaille pour donner un meilleur avenir à sa petite fille…

Première collaboration très réussie pour le tandem Gosha / Nakadai, qui tourneront ensemble dix films.


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