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Sujet : Alice or not Alice ?


De DelaNuit, le 5 avril 2010 à 17:49
Note du film : 5/6

J'ai vu Alice au pays des merveilles de Tim Burton, dont j'attendais la sortie avec impatience. En effet, j'aime ce conte délicieusement « déjanté » alliant le merveilleux et l'absurde à l'atmosphère britannique de l'époque victorienne. Voir Tim Burton s'intéresser à ce projet paraissait évident tant son propre univers, où le merveilleux et le gothique se marient dans un équilibre très personnel, pouvait paraître proche de cette histoire.

Apprécier ce type d'atmosphère et de voyage n'est sans doute pas donné à tout le monde et nécessite une sensibilité adéquate. Sans doute aurons-nous sur ce site et sur d'autres bien des commentaires négatifs au sujet de ce film tenant à la réceptivité des uns ou des autres plutôt qu'à l'intérêt intrinsèque de l'œuvre.

Pour ma part, j'ai pris plaisir à la vision de ce film, même si je considère qu'il n'est pas le meilleur de son réalisateur. Les images sont très belles et d'une imagination foisonnante, mais le scénario aurait pu à mon avis être plus riche. La place énorme des effets spéciaux, encore alourdie par la nécessité de tourner en 3D, n'y est sans doute pas pour rien. Le rôle des studios Disney comme producteurs de l'œuvre non plus !

On connait en effet leur politique de financer des projets les plus consensuels possibles destinés au public le plus vaste… Difficile de concilier une telle démarche avec la créativité personnelle d'un Tim Burton pour lequel l'ambigüité, entre lumière merveilleuse et ombre inquiétante, des personnages et des situations demeure le nerf de la guerre. Pour les studios Disney, l'ambigüité doit être la plus limitée possible, et on pourrait discuter longtemps pour savoir si ce parti pris tient à des conceptions d'idéologie autant que de rentabilité. On lui préfère en tout cas un manichéisme de bon aloi.

Mais comment concilier une telle philosophie avec une œuvre telle qu'Alice au pays des merveilles, qui, bien qu'à priori destinée aux enfants, ne cesse de brocarder et de ridiculiser le monde hypocrite et organisé des adultes, les valeurs bien pensantes de la bonne société ? A jouer sur les mots tout en diffusant des messages joliment subversifs de rébellion contre l'autorité et la logique, et d'invitation à des expériences hors des sentiers battus ? Bref, concilier le monde d'Alice, celui de Tim Burton et la politique Disney, c'était un peu la quadrature du cercle !

Compte tenu de ce contexte, le film ne s'en sort pas si mal. Il n'est pas une simple redite du célèbre dessin-animé et apporte un réel « plus ». D'abord, il s'aventure davantage sur le terrain du second roman des aventures d'Alice (« De l'autre côté du miroir », moins connu) et nous propose un personnage plus âgé revenant sur le terrain des rêves de son enfance. Exit donc la petite fille ébahie, place à un personnage plus ouvertement rebelle à son entourage victorien corseté, un personnage en qui Tim Burton voit « une âme ancienne dans un corps de jeune fille. »

On s'attend donc à un récit initiatique. Et c'est sans doute le cas, mais malheureusement bien trop sage dans les situations développées. Exit par exemple la référence aux champignons hallucinogènes… Que ceux qui aiment à voir des allusions sexuelles dans les contes se rassurent, les étiquettes « mangez-moi » et « buvez-moi » sont tout de même au rendez-vous.

J'ai trouvé que les personnages de Wonderland étaient globalement moins inquiétants que dans le dessin animé, où on les sentait capables de tout et surtout du pire, aussi déjantés que ceux de Tex Avery. Malgré sa cruauté obligée, la reine rouge est plus pathétique qu'impressionnante. Le chapelier Toqué (Johnny Depp, toujours excellent) n'est pas complètement fou puisque sa folie a des origines et ses actions un sens… Même le chat au sourire carnassier ne suscite pas le même malaise. C'est un peu comme dans la comparaison entre le King Kong de 1933 et celui de 2005. Tout semble plus politiquement correct. Une atmosphère mélancolique semble avoir pris le pas sur le foisonnement hystérique audacieux d'autrefois. Faut-il y voir la maturité d'Alice, le vieillissement de Tim Burton ou bien la mainmise des studios Disney ? L'un n'empêche pas l'autre…

Le vrai danger de ce nouveau monde des merveilles semble alors de se laisser rattraper davantage par le politiquement correct et le manichéisme que par les monstres dentus et griffus rodant dans l'ombre… Et c'est alors que la subversion que l'on croyait disparue reparait là où on l'attendait le moins. Dans le comportement de top-potiche exagérément éthérée de la gentille reine blanche, qui permet de comprendre la « prise de tête » occasionnée chez sa sœur, devenue monstrueuse au sens propre comme au figuré par réaction. Dans la décision finalement inattendue de voir le personnage féminin d'Alice endosser l'armure du chevalier servant de la reine, bousculant les rôles si souvent figés des contes de fées. Et dans sa décision de poursuivre la prise en main de son destin, et son indépendance durement gagnée dans le monde réel de la surface en y assumant une vie libre et aventureuse après avoir envoyé promener le rôle d'épouse et de femme au foyer que la bonne société lui destinait. Quel étonnement de voir alors ce conte de fées se terminer sur des images évoquant la fin de La reine Christine avec Greta Garbo ! Quant on connait les motivations, les valeurs et les goûts de cette Christine/Garbo/queen, tout cela ne manque pas de piquant.

Enfin, l'apport de Tim Burton aura été par un dernier pied de nez de nous ramener à sa chère ambigüité, en nous susurrant à l'oreille que ce pays des merveilles pourrait bien être autre chose qu'un rêve, et que nos incursions et nos choix dans les mondes merveilleux, légendaires ou mythiques pourraient bien avoir une incidence dans nos vies quotidiennes. L'ambigüité du merveilleux et des mythes en réponse au manichéisme, aux dogmes et à la pensée unique dans laquelle certains aimeraient nous enfermer… Ouf, on est bien dans un film de Tim Burton !


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De Arca1943, le 5 avril 2010 à 20:51

Très beau message sur le film de Tim Burton. Ça donne le goût d'y aller voir. Mais j'ai une condition : j'irai seulement si on trouve sur le marché Alice, adaptation tchécoslovaque de 1989 – avec une vraie petite fille dans un univers animé à la tchèque – qui n'était vraiment, vraiment pas politically correct !


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De jipi, le 6 avril 2010 à 11:23
Note du film : 4/6

« Alice au pays des merveilles » en fondant sous terre se dissout dans les ténèbres cinématographiques à l'image d'une industrie récupérant de plus en plus des concepts à l'origine pourvus de fantaisies, de chansons douces et de couleurs vives pour en faire des produits sombres et déprimants.

Dans cet opus le visage blafard, creusé et terne d'Alice semble rongé par les abus d'une cigarette inexistante. Le monde souterrain n'est plus enchanteur malgré sa détermination négative. Nanti d'arbres calcinés il fait peur dans des teintes obscures et macabres.

Les images défilent en respectant un enchainement se devant de satisfaire un spectateur non sensitif avide de numérique. On décroche devant cette overdose de virtuel uniquement destinée à s'auto satisfaire de ses avancées technologiques ne faisant que répéter des situations éprouvées.

Les enfants à l'origine principaux destinataires de ces climats d'évasions se voient destitués de leurs biens par des opportunistes redistribuant à des adultes des images presque effrayantes que nos têtes blondes ne peuvent plus visionner sous peine de faire les pires cauchemars.

Certes l'opus est thématique de son temps en montrant une virtualité angoissante à l'image d'un métier ne sachant plus illuminer la conscience de notre progéniture préférant se fourvoyer en sacrifiant son libre arbitre à la rentabilité.

Quelques phrases miraculeuses prononcées dans un décor que seuls les enfants peuvent comprendre et apprécier auraient certainement sauvé cette entreprise dont le seul but est d'entretenir un irréel traumatisant à la limite de la possession.

Si cela continue Il ne nous restera plus qu'a consommer une synthèse diabolique traquée par un 3D aux dents acérées.


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De droudrou, le 6 avril 2010 à 11:49

chez moi Tim Burton et Johnny Deep c'est viscéralement NON !


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