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Sujet : La danseuse nue et les motoneigistes


De Arca1943, le 10 janvier 2010 à 19:43
Note du film : 4/6

Échaudé par le coup de vieux pris par Réjeanne Padovani, oeuvre plus ambitieuse du même Denys Arcand, je constate avec plaisir qu'il n'en va pas de même pour Gina, son film suivant, enfin dispo sur DVD Zone 1. Remarquez, c'est un vieux film aussi. Plus seventies que ça, tu meurs ! Et c'est aussi très québécois : c'est un film hivernal, les méchants sont une bande de motoneigistes plutôt qu'une bande de motards, les employés de l'usine de textile parlent seulement le français et leur grand patron seulement l'anglais, le bar-salon-motel a une façon inimitable d'être miteux, les jeunes cinéastes de « l'Office national du cinéma » ont beau être « engagés », ils n'ont pas moins amené leurs patins et leurs hockeys histoire de s'amuser dehors entre deux prises. La stripteaseuse sort du motel pour aller brocher sur l'enseigne un naïf dessin d'elle-même en action. Les vengeurs interlopes de Gina débarquent en ville avec un gros médaillon par-dessus leur col roulé et à bord d'un rugissant Roadrunner mauve (je n'arrive pas à identifier l'autre voiture).

S'il n'y avait toute l'histoire des jeunes cinéastes venus tourner un documentaire sur les travailleurs du textile, histoire entremêlée avec l'autre de façon très adroite, Gina serait simplement un revenge movie typique des seventies : la danseuse nue se fait violer par la bande de motoneigistes ; ayant survécu, elle prévient Montréal ; le lendemain débarquent quatre tueurs qui éliminent les écoeurants.

On ne s'en douterait pas à voir Le Déclin de l'empire américain et Les Invasions barbares, mais il y a un réalisateur de films d'action qui sommeille en Denys Arcand ! Le finale d'une rare violence ne manque pas de gueule, grâce notamment à son montage nerveux, et la poursuite nocturne en motoneige est superbe. Par ailleurs, Monsieur Arcand est également un petit fin-finaud qui contourne la censure : lorsque les comédiens incarnant des travailleurs du textile parlent à la caméra, leur texte est tiré mot pour mot de On est au coton, documentaire d'Arcand sur l'industrie textile dont la sortie fut bloquée par l'ONF pendant des années, avant de sortir en 1976 dans une version tronquée. (En fait la version intégrale n'a pu sortir qu'en 2004).

Gina, ça n'est en rien l'œuvre du siècle, cependant c'est un film attachant et efficace, qui aujourd'hui encore offre une plongée « d'époque » curieusement évocatrice. Les riffs de guitare électrique de Michel Pagliaro, la photo d'Alain Dostie, le sens du détail percutant du metteur en scène Denys Arcand, une équipe de comédiens du tonnerre se conjuguent pour lui faire passer, malgré tout, l'épreuve du temps. Je dis « malgré tout » parce que, quand même, le cinéma québécois de l'époque, sans être à ses premiers balbutiements, balbutiait encore un peu. Techniquement c'est très au point. Les gens de l'ONF, c'étaient des pros. Mais filmer toute une partie de billard, évidemment c'est un peu long, même si on comprend que ça sert à faire monter la tension. Certaines simplifications idéologiques agacent, et c'est d'autant plus dommage que Frédérique Collin en jeune travailleuse du textile usée avant l'âge est saisissante. Pas besoin de tous ces mots avec un tel visage.

Peu importe ces considérations, d'ailleurs, car j'ai gardé le meilleur pour la fin. Disons-le, ce film n'aurait jamais pu se tenir debout, n'aurait même pas pu exister, sans l'essentielle prestation d'une star unique en son genre. D'autres actrices québécoises de l'époque, issues des circuits, disons, plus courants, auraient pu s'en tirer, y compris pour tourner bravement la séquence du striptease. À cette époque de bruyante libération des moeurs, nos comédiennes étaient tout à fait décoincées. Seulement voilà : être décoincée est une chose, être Céline Lomez en est une autre.

« Pis Carole, la cellulite ? », lance Gina goguenarde tout en se déhanchant dans la phase finale de son numéro. Et la motoneigiste nommée Carole, qui avait insulté Gina un moment plus tôt, (« Ouais, c'est le genre de fille à faire de la cellulite »), doit ravaler silencieusement son injure avec une face dépitée et un regard qui en dit long : eh non, elle n'aura jamais ce corps de rêve…

D'abord chanteuse, Céline Lomez débute en 1970 au cinéma dans un registre bien spécifique : la comédie érotique à la québécoise. Voici donc L'Initiation (où la France est également compromise en la personne de Jacques Riberolles), Après-ski (avec l'inénarrable Daniel Pilon), Y'a plus de trou à Percé… Un rôle comme Gina offre donc à Lomez une échappée hors de ce ghetto, tout en demeurant dans la continuité : vu qu'elle y interprète le rôle d'une stripteaseuse. En la revoyant aller aujourd'hui, ému, je me demande vraiment qui d'autre aurait pu jouer ça, et surtout le jouer comme ça, avec ce naturel désarmant. On s'y croirait. Une vraie fille de bar. De la racine des cheveux au bout des orteils, c'est SON casting. Au propre comme au figuré, elle y est splendide. Pour comparer ce qui est comparable, jamais une Edwige Fenech ou une Sylvia Kristel n'auraient été à la hauteur de ce genre de rôle.

En plus, grâce à Denys Arcand, nul besoin de revoir L'Initiation pour savoir de quoi avait l'air Céline Lomez au sommet de sa gloire ! Et ça, croyez-moi, ce n'est pas un mince service à nous rendre…

P.S. Dans la catégorie « C'était le bon temps ». Gina dans sa chambre du motel, avec la télé ouverte qui annonce la programmation pour le lendemain : « 22h30, Les Informations suivies des nouvelles du sport. 23h00 : Appelez-moi Lise. Minuit : Cinéma de minuit présente Fiançailles à l'italienne, comédie avec Nino Manfredi, Pamela Tiffin et Ugo Tognazzi… » Renseignement pris, il s'agit de Straziami, ma di baci saziami, de Dino Risi. À cette époque, la télé québécoise passait des tas de comédies à l'italienne… Aujourd'hui pour revoir les mêmes films il faut s'équiper d'un coûteux appareil DVD multizone et escompter la mansuétude d'un magnanime correspondant français !


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De Arca1943, le 10 janvier 2010 à 20:58
Note du film : 4/6

Brocher ? Eh bien, c'est fixer à l'aide d'une brocheuse. Comment appelez-vous les brocheuses, en France ? Pas tackeuses, quand même ?


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De Arca1943, le 10 janvier 2010 à 21:06
Note du film : 4/6

J'ai trouvé ! Vous appelez nos brocheuses des agrapheuses. Ergo, brocher veut dire agrapher à l'aide de l'instrument idoine.


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De Arca1943, le 11 janvier 2010 à 12:41
Note du film : 4/6

J'ai bien peur hélas qu'étant peu familier avec les agrafeuses, puisque j'utilise toujours une brocheuse, ce soit moi qui ait introduit cette variation fantaisiste… que d'autres qualifieraient de faute !


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