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Forum : Nous avons gagné ce soir

Sujet : Féroce spectacle


De vincentp, le 31 décembre 2009 à 08:01
Note du film : 6/6

5,8/6. Admirablement mis en scène par Robert Wise : on remarque l'efficacité de la démarche consistant à alterner les plans centrés sur le personnage interprété par Robert Ryan, ceux sur son épouse, et le lien opéré entre ces personnages par le regard répétitif porté par le boxeur sur la chaise vide. Action et émotion sont ainsi intimement liés, par un parfait montage des images. The set-up décrit parfaitement en quelques images fulgurantes les motivations, sentiments de très nombreux protagonistes (arbitre, spectateur, organisateur, manager, boxeur) de ce féroce spectacle. Et peut-être en arrière-plan une représentation du monde capitaliste, reposant sur un jeu de dupes. Mais il y a aussi la photographie admirable de Milton R. Krasner, influencé par le cinéma expressionniste allemand -selon le propos introductif du dvd, par Serge Bromberg-, et qui participe à la création d'une atmosphère noire.

On mesure l'influence de Robert Wise sur Scorsese (Raging Bull) ou d'autres … Bromberg relate que Melville considérât Wise comme un maître.

Nb : La canonnière du Yang-Tsé du même auteur ressort cette semaine sur grand écran, et en copie neuve, au Grand action, à Paris.


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De vincentp, le 31 décembre 2009 à 14:27
Note du film : 6/6

Sur le monde de la boxe, il y a aussi Body and Soul, avec John Garfield (film que je n'ai pas encore vu). Sans oublier le génial Gentleman Jim (que je considérerais à titre personnel et subjectivement comme le meilleur film jamais consacré à ce spectacle).

The set-up possède un côté fulgurant (et peut effectivement être considéré comme un chef d'oeuvre), avec comme particularité d'exprimer un maximum d'idées (modulées) en un minimum de temps (un plan séquence très moderne présente en quelques secondes les différents "acteurs" de la soirée, avant leur entrée dans la salle).

Énorme qualité : s'intéresser, outre aux boxeurs, et à leur entourage, également aux réactions du public présent dans la salle. Le "noble art" est présenté comme un lieu de combat social, pour quelques-uns (le malfrat, même perdant, tient à conserver son standing et à honorer sa dette) et de recherche d'une identité pour d'autres, par procuration (ainsi le soutien apporté en quelques cris et gestes, à Ryan par une modeste américaine, qui semble s'identifier brusquement à lui).

La salle de boxe s'affirme en 70 minutes comme un espace ou la société rencontre une force brute, primitive, instinctive, et ou se développe un processus de recomposition psychologique et social.

Accessoirement, Nous avons gagné ce soir consacre Robert Ryan, lui-même boxeur à ses débuts- dans un des très grands premiers rôles de l'histoire du cinéma.


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De Arca1943, le 31 décembre 2009 à 15:09

Pour ma part j'aurai toujours un faible pour Fat City, un Huston des très grands jours. Mais à la liste de AlHolg, je note qu'il manque La nobile arte ! Inoubliable sketch final des Monstres qu'on devrait montrer à tout aspirant boxeur, histoire de l'édifier…


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De Steve Mcqueen, le 22 mai 2014 à 16:14
Note du film : 6/6

Tout à fait d'accord avec l'excellente analyse de vincentp.

Unité de temps (le film se déroule en temps réel en 72 minutes) de lieu (une salle de boxe et ses environs) et d'action (un vieux boxeur défend le match de sa vie), virtuosité discrète de la mise en scène de Wise, intense sobriété de Robert Ryan (un de mes acteurs fétiches, son meilleur rôle selon moi avec Cote 465 d'Anthony Mann).

La présentation de Stoker (Ryan) est redoutablement efficace, elle se fait avant qu'il apparaisse via les dialogues des différents protagonistes qui le décrivent comme un loser, notamment son propre manager qui combine sa défaite dans son dos. Résultat, quand Stoker apparaît à l'écran, endormi dans une chambre d'hôtel en plein cauchemar, le processus d'empathie et d'identification fonctionne parfaitement, le suspense qui en découle est implacable.

Wise décrit parfaitement le monde impitoyable des petits combats de boxes, ses magouilles minables, ses rêves brisés sur le ring comme un uppercut en plein visage. La galerie de personnages est particulièrement attachante, du jeune boxeur enthousiaste qui va défendre son premier match à celui qui revient du ring en sang, sans oublier l'émouvant Gunboat, qui s'identifie à Manilla et perd son énième et ultime combat.

Wise montre aussi la faune interlope qui gravite autour du ring (l'aveugle qui se fait raconter les match par un ami), les paris et les liasses de dollars qui passent de main en main, les individus qui misent sur un spectacle noble et sauvage, les managers corrompus qui monnayent à l'avance l'issue des match.

C'est dans ce conteste que Stoker va défend ce qui sera son ultime baroud d'honneur, pour retrouver une dignité fanée, prouver à son épouse que ses vingt ans d'échec sur le ring vont trouver un aboutissement, pour l'emmener ailleurs, loin des salles enfumées, de l'odeur de sueur et de sang mêlés.

Son combat est filmé comme une danse macabre, une transe galvanisante à mesure qu'il se fait laminer puis renverse l'issue du combat à son avantage pour finalement envoyer son jeune adversaire (Nelson) au tapis. Victoire sur le ring, victoire sur lui-même, dignité retrouvée. Mais sa victoire a un prix, en refusant de s'allonger il a détourné les rouages de sa combine et va en payer le prix.

La relation avec sa femme est traitée avec une rare délicatesse, de l'espoir (lorsqu'il scrute la fenêtre de l'hôtel où elle réside, voit la lumière qui s'éteint, signe qu'elle va le voir boxer, elle qui s'y refusait) à la déception (les plans répétés sur sa chaise vide dans la salle).

La fin est admirable : la main brisée par le manager de son adversaire, il ne pourra jamais plus combattre, il déclare alors à sa femme "J'ai gagné ce soir", et elle lui répond "Nous avons gagné ce soir", promesse d'une vie heureuse loin de la brutalité.

Baigné dans une photos admirable, encadré par deux travelling majestueux , porté à bout de bras par l'interprétation éblouissante de Robert Ryan et la mise en scène impeccable de Robert Wise, Nous avons gagné ce soir est un chef-d’œuvre absolu.


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