Joyû Sumako no koi (L'Amour de l'actrice Sumako) est réalisé par Kenji Mizoguchi en 1947, sur un scénario de Yoshikata Yoda d'après une pièce de Hideo Nagata (1885-1949), dramaturge japonais. L'histoire est celle d'une troupe de théâtre dramatique, mettant en scène des œuvres contemporaines, notamment de Ibsen (La maison de poupée). La thématique est proche de celle de Cinq femmes autour d'Umataro (réalisé en 1946) : un artiste doué, à la tête d'un groupe d'artistes dotés de caractères bien trempés, cherche à échapper aux normes pesantes de la société. Il a pour objectif d'imposer sa touche personnelle et moderne à un univers par essence conservateur. L'entreprise est hasardeuse, met en branle un changement de normes qui agissent sur la partie intime (émotions et sentiments). Le résultat à la clé est une création tout azimut, une libération des moeurs, mais aussi des relations conjugales et humaines heurtées, des difficultés avec les institutions.

Joyû Sumako no koi évoque Le ciel est à vous (1944) de Jean Grémillon tourné pendant l'Occupation allemande en France. Ces oeuvres, bien que réalisées sur des continents différents, sont des auto-portraits assez semblables et un peu exaltés d'artistes, soucieux de créer des œuvres libérées de l'oppression, par nature progressistes et humanistes. En 1947, Mizoguchi est un cinéaste confirmé, et logiquement Joyû Sumako no koi repose sur une écriture cinématographique solide. Beaucoup d'idées intéressantes, un récit bien construit, et des images auto-porteuses. Reste que Joyû Sumako no koi (comme cinq femmes autour d'Umataro ) repose sur une base avant-tout intellectuelle et citadine : en 1947 le public japonais de la campagne a eu du mal à adhérer au spectacle. Heureusement pour nous-autres spectateurs contemporains, Mizoguchi a su -sans se renier-, faire évoluer son cinéma pour le rendre au début des années 1950 moins pointu et plus universel.