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Forum : Un Prophète

Sujet : J'ai hâte...


De Torgnole, le 17 mai 2009 à 16:32
Note du film : 5/6

… De découvrir ce nouveau film de Jacques Audiard qui semble déjà s'attirer des critiques favorables à Cannes avant même sa sortie publique, même si tout cela est loin d'être un gage de qualité, Jacques Audiard ne m'a jamais déçu jusqu'à maintenant et le sujet du film attise ma curiosité, je sens que ce prophète va faire du bruit…


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De Impétueux, le 2 septembre 2009 à 18:08
Note du film : 6/6

C'est un film glaçant, brutal, haletant malgré sa longueur (2h40), un film qui met mal à l'aise d'emblée et ne permet pas de respirer. Même les deux ou trois drôleries qui, ça et là, surviennent ne suffisent pas à faire diminuer la tension.

C'est un film en tous points excellent et en tous points désagréable parce qu'il donne à voir une réalité odieuse sans faire miroiter le moindre petit coin de bleu dans le ciel de pluie. Des films qui se passent en prison, du Trou de Jacques Becker aux Evadés de Frank Darabont, il y en a une palanquée, et l'enfermement n'y est jamais présenté comme une aimable partie de plaisir… loin de moi de prétendre avoir vu tout ce qui a été réalisé sur l'univers carcéral, mais je doute bien fort qu'on ait souvent atteint une si forte adéquation entre la perfection de la forme et l'intelligence du fond.

Perfection de la forme, par l'image salie, bleuâtre, quelquefois comme hachée de spasmes, par l'efficace brutalité du montage, par une bande-son exceptionnelle, moins pour la musique d'accompagnement que pour le brouhaha sanglant et continu de la prison, hurlement des types sodomisés, halètement des drogués, imprécations des cinglés, cris qui emplissent perpétuellement l'espace.

Perfection aussi du jeu fantastique d'acteurs qu'on n'attendait pas dans un rôle de chef de clan corse (Niels Arestrup) ou qu'on ne connaissait pas du tout (Tahar Rahim), petite gouape illettrée qui va finalement prendre le pouvoir, mais aussi de tous les autres protagonistes, matons tout comme malfrats, qu'ils soient corses ou musulmans…

Perfection de la progression du récit : en ne reculant pas devant une longueur inusitée, et qu'on pourrait juger exagérée, pour un film focalisé pratiquement sur un seul lieu, Jacques Audiard prend le temps de tout montrer et ne rend pas invraisemblable, du fait d'ellipses ou de raccourcis faciles, la transformation du personnage de Malik et sa graduelle accession à la direction des choses.

Dans un univers de délire, de drogues, de sexualité avilie, de violence obsessionnelle, de coups féroces, de brimades immondes, les amitiés, les sympathies ne sont que connivences provisoires, et les trahisons sont la norme absolue.

Regard tragique sur la nature humaine, Un prophète gagne aussi beaucoup à n'être pas un énième plaidoyer sur une malfaisance – réelle ou prétendue – de la prison : celle qui est représentée est une Maison centrale, réservée aux condamnés à de longues peines, et non une Maison d'arrêt (réservée aux prévenus et petits délinquants) ou un Centre de détention (qui accueille les détenus à de courtes peines jugés réinsérables). Dans une Centrale, il n'y a que des malfaiteurs endurcis, récidivistes ou particulièrement dangereux ; et nulle part dans Un prophète n'est introduit un élément artificiel du type erreur judiciaire : ce sont bien des fauves qui sont là, prêts à tout et disponibles pour tout et Malik – avec qui, heureusement, l'empathie du spectateur ne sera jamais complète ou franche – de jeune pittbull violent qu'il était deviendra un chef de bande aussi cruel qu'égocentrique…

Dur regard et superbe film !


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De vincentp, le 19 septembre 2009 à 21:43
Note du film : 6/6

Une très belle réussite cinématographique, pour toutes les bonnes raisons évoquées par Impétueux. Un prophète montre la voie à suivre pour le cinéma français… L'aspect très réaliste du film fait penser à celui de Gomorra, mais ce film de Jacques Audiard est plus réussi par la forme. On passera sous silence quelques invraisemblances…

Ce récit à l'intelligence de montrer outre les différentes facettes de l'univers carcéral, également les racines à l'extérieur de la prison de la délinquance. Ainsi ces banlieux-viviers sans âme traversées par des voies de communication, lesquelles loin de faciliter la communication constituent de véritables barrières cloisonnant classes sociales, engendrant frustrations de tout type poussant à des comportements illicites. Un constat implacable et sinistre émerge de la vision de Un prophète : peu de solutions simples pour remettre dans le droit chemin les individus qui mettent un doigt dans la délinquance. Un engrenage implacable généré par la loi de la jungle carcérale les enferme dans celle-ci… L'apprentissage de la lecture, s'il n'est pas accompagné par celui d'un véritable métier, ne suffit pas à réintégrer les individus de bonne volonté.


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De Lych, le 9 octobre 2009 à 17:49
Note du film : 6/6

Je me joins sans réserve au concert de louanges amorcé par Impétueux et Vincentp. Un prophète est une réussite qui atteint le niveau de la superbe série Oz, avec en plus, cette froideur réaliste typiquement audiardesque, assez subtile pour ne pas sombrer dans l'ambiance exagérément lourde des réalisations d' Olivier Marchal et assez stylisée pour que le spectateur soit complètement captivé voire captif. Jacques Audiard prend son temps pour décrire un portrait carcéral complexe à travers l'évolution de son personnage principal. Son élégance sociologique est telle qu'on pourrait dire sans rougir que l'impudeur devient pudique.

Sans être totalement en désaccord avec Impétueux qui n'y voit pas un plaidoyer contre les malfaisances de la prison, le regard reste critique, on peut considérer la centrale comme un centre de formation drastique et efficace pour criminels ambitieux. Le jeune Malik, illettré au plus bas de l'échelle sociale, apprend à lire, écrire et parler plusieurs langues. Avec le temps, il s'endurcit et gagne un pouvoir considérable en tissant des liens crapuleux afin d'étendre son influence dans l'espace, sa toile ne cesse de s'étendre et pallie à la restriction de tous ses mouvements physiques, limités le plus souvent par les murs de la centrale.

Que dire de plus sans tomber dans la redite ? Le film est techniquement parfait, les acteurs sont brillants, du cinéma français comme on aimerait en voir plus souvent !


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De Torgnole, le 17 novembre 2009 à 20:17
Note du film : 5/6

Et bien, sans avoir la prétention de me prendre pour le Melkor du Silmarillion de Tolkien, je ne chanterais pas sur la même longueur d'onde que les collègues précédents même si ma note reste excellente car Un Prophète est ce qui se fait de mieux actuellement dans la production cinématographique française.

Jacques Audiard a déjà fait ses preuves et monte même d'un cran au-dessus de ses réalisations précédentes avec ce diamant noir dont les qualités ont déjà été mises en valeur par Impétueux, Vincentp et Lych. Mais cette oeuvre n'est pas exempt de défauts et je ne m'enflammerais pas jusqu'à la placer au même niveau que l'inégalable série Oz.

Le risque que prend Audiard à fusionner style documentaire et film d'auteur est louable mais j'avoue ne pas avoir toujours accroché à ces scènes de "fantômes" spirituels, tout comme ce fameux rêve prémonitoire qui justifie le titre du film et vient s'insérer maladroitement dans une trame qui n'avait finalement pas besoin de cet aspect ésotérique.

Heureusement, le film fourmille de détails précieux comme quand Malik ramène une poignée de sable telle une portion de rêve et de liberté (le sable ne représente-t-il pas non plus le temps qui s'écoule dans un sablier ?) et d'instants mémorables comme cette scène fascinante dans laquelle la surdité du héros nous fait pénétrer avec encore plus de profondeur au coeur de l'action.


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De Arca1943, le 6 avril 2010 à 00:45
Note du film : 5/6

Coup de chapeau pour ce film percutant, scénarisé, filmé, monté et interprété de main de maître. Seule réserve : la victime fantôme de Malik et l'irrationnelle prophétie au sujet des animaux sur la route.

Mais surtout, surtout, je ne suis pas du tout d'accord ici avec Impétueux quand il écrit qu'Un Prophète « gagne aussi beaucoup à n'être pas un énième plaidoyer sur une malfaisance – réelle ou prétendue – de la prison. »

Ça m'a semblé au contraire le coeur du film : l'ascension d'un criminel qui ne commence à exister qu'en prison. C'est en prison qu'il apprend à lire et écrire, c'est en prison qu'il prend conscience de ses réelles capacités, c'est en prison qu'il prend graduellement le contrôle de trafics et d'entreprises qui ont lieu à l'air libre sur le territoire français, c'est en étant mis en prison que ce self made man a enfin obtenu la chance de sa vie.

Un Prophète m'a semblé un très intelligent plaidoyer (sans le moindre prêchi-prêcha) contre l'institution carcérale dans son état actuel, présentée comme une base de recrutement et d'entraînement sous la coupe du monde interlope.

P.S. La corruption des gardiens y est présentée comme généralisée. Est-ce réaliste, cela ?


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De Impétueux, le 6 avril 2010 à 19:53
Note du film : 6/6

Ami Arca, j'ai dû n'être pas assez clair ; je me relis, pourtant : j'ai écrit : Dans une Centrale, il n'y a que des malfaiteurs endurcis, récidivistes ou particulièrement dangereux et, un peu plus loin : ce sont bien des fauves qui sont là, prêts à tout et disponibles pour tout.

Je voulais dire par là, sans entrer dans des discussions, certes fort intéressantes, mais sans rapport direct avec le film, du moins à mes yeux, que les crapules de Un prophète sont, au stade où elles sont dans cette prison-là, assez largement impossibles à repêcher.

Que l'on puisse tenir un plaidoyer opposé à l'enfermement carcéral pour les jeunes voyous qui débutent dans la malfaisance et sont alors envoyés en Maisons d'arrêt (destinées aux prévenus et non aux condamnés), je puis l'admettre, tout en me demandant si un suivi spécialisé, attentif à chacun, ouvert sur la réinsertion est une idée praticable vraiment dans nos sociétés. Mais ce n'est pas ce que je voulais écrire sur Un prophète ; il est vrai que j'avais encore en tête ces sympathiques Evadés où sont juxtaposés des détenus de divers états.


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De Arca1943, le 6 avril 2010 à 20:06
Note du film : 5/6

C'est sans doute moi qui ai manqué de clarté. Je ne parlais pas de réhabilitation. Ce qui m'a frappé d'abord et avant tout, c'est que la prison qu'on nous montre est contrôlée par les criminels, et non par l'État ; que les agents de l'État sont complices avec (ou ferment les yeux sur) les entreprises criminelles lancées depuis la prison ; qu'un système "parallèle" s'est instauré, qui permet à des criminels de gérer leurs affaires depuis leur lieu d'incarcération. Et donc, la prison dans son état actuel devient ce lieu où un criminel peut agir pour étendre ses activités et consolider ses réseaux avant d'en sortir plus riche et plus puissant.


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De Nicoco, le 14 juin 2012 à 22:36
Note du film : 5/6

Je rejoins l'avis très positif des précédents contributeurs sur ce film. Je n'ajouterai que deux choses :

  • Comment oser comparer Le Prophète, un film intelligent, profond, avec la série, spectaculaire mais très hollywoodienne et donc toujours dans l'exagération, qu'est Oz ? Voyons, ce n'est pas sérieux.
  • Une image m'a marqué, celle de la scène finale que je relie directement à la première scène d'introduction : une sortie de la prison, avec dans la profondeur de la caméra un défilé de grosses voitures, Malick est devenu un chef de gang en prison alors qu'il y est entré de manière timide et très impressionné (la première scène de l'interrogatoire est sur ce point assez frappante). Alors certes, il était déjà délinquant et pas qu'un peu pour atterir directement à la Centrale comme l'explique l'Impétueux, mais n'y-a-t-il pas dans ces deux scènes qui embrassent le film un message ?

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De Tamatoa, le 19 juin 2013 à 21:02
Note du film : 5/6

C'est signé : Neal H. Moritz, l'heureux producteur de la série à succès Fast and Furious a acheté les droits pour un remake du Prophète de Jacques Audiard ! Le casting n'est pas encore déterminé mais le début du tournage est déjà prévu pour début 2014. Reste à savoir ce qu'il va en faire…


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