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Sujet : Un chef-d'oeuvre populaire signé Luigi Zampa


De Arca1943, le 23 avril 2009 à 17:54
Note du film : 6/6

…se mesure par exemple au nombre de livres italiens faciles à trouver de nos jours en traduction française dont on a tiré des films qui semblent, eux, à jamais invisibles. Ainsi, publié chez Fayard (une réédition de 1996), Le Vieux avec les bottes, nouvelle de Vitaliano Brancati dont furent tirées ces Années difficiles. Suivi d'un essai de Leonardo Sciascia en plus ! Je cite aujourd'hui ce seul exemple, mais en poursuivant dans mes temps libres cet espèce d'inventaire des librairies en ligne, c'est frappant comme il y en a beaucoup – et je reviendrai à la charge de temps à autre.

Bonne lecture !


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De Arca1943, le 20 octobre 2011 à 21:49
Note du film : 6/6

« …des films qui semblent, eux, à jamais invisibles. »

À jamais invisibles ? Ah, quel pessimiste, ce Arca1943.

Car il sort ! Oui, ce vieux Zampa de 1949 sort en DVD ! Avec Dernier amour de Risi qui lui aussi nous arrive, voilà déjà un bel automne pour le fan fini de comédies italiennes (et à l'italienne)…


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De Arca1943, le 8 juillet 2012 à 20:32
Note du film : 6/6

« Ah, ça repose les yeux d'apercevoir une chemise blanche de temps en temps. »

Production fort coûteuse mais immense succès à sa sortie en Italie (l'une et l'autre chose lui ont probablement nui avec la critique de l'époque, qui n'avait d'yeux et d'oreille que pour le néoréalisme), cette tragédie populaire en forme de fresque historique est un monument de lucidité grinçante. Ce qui en fait l'ancêtre tout à fait direct du spectaculaire "détour par l'histoire" emprunté par la comédie à l'italienne à l'aube des années soixante (La Grande guerre, La Grande pagaille, Une Vie difficile, Le Fédéral et les autres). Entre ces deux dates (en gros, durant les années 50) il était devenu plus difficile de soutenir ce genre de narration hautement caustique : car l'existence, au fond, miraculeuse de ce film, tourné pendant les derniers mois où c'était encore possible, témoigne aussi de la formidable et éphémère liberté qui régnait dans le cinéma italien de 1945 à 1948 avant que la censure démocrate-chrétienne ne s'abatte sur lui (telle une nuée de noirs corbeaux !). La même chose fut vraie aux États-Unis, et ailleurs…

Dans Le Retour du crétin, troisième et dernier volet de leur célèbre "Trilogie du crétin", (*)Fruttero et Lucentini écrivent que le cinéma comique italien d'après-guerre "a montré le fascisme mieux que beaucoup d'historiens". Eh bien, voici un film qui montre toute la justesse de ces propos. Vous aurez beau lire Milza et Berstein, Dennis Mack Smith, Zeev Sternhell, Renzo de Felice ou Emilio Gentile, vous n'aurez jamais par un livre d'histoire le même contact "intime", la même impression de vivre les choses de l'intérieur, "à hauteur d'homme" (comme disait Luigi Comencini). Il faut lire les historiens, bien évidemment – de tous bords politiques et de chapelles historiographiques différentes, du Sud et du Nord, d'hier et d'aujourd'hui, etc – mais le propos de F & L est juste et rejoint tout à fait celui de Hannah Arendt : « Aucune philosophie, aucune analyse, aucun aphorisme, aussi profonds qu'ils soient ne peuvent se comparer en intensité, en plénitude de sens, avec une histoire bien racontée.  »

Cette histoire est celle d'un Italien ordinaire, humble fonctionnaire municipal, pendant les vingt années du régime fasciste et les quelques mois qui vont suivre sa chute. Il ne croit vraiment pas au fascisme mais finit par revêtir la chemise noire après s'être longtemps fait tirer l'oreille, cédant à la double pression de sa famille et de son patron, le maire de la ville. Mais quand la Libération arrive, le voilà pointé du doigt accusateur : le fascisme, c'est lui !

Histoire très amère, racontée avec verve et efficacité par Luigi Zampa, réalisateur fort inégal, comme plusieurs autres, ainsi que politiquement inclassable – un grave défaut à l'époque – et dont les oeuvres les plus réussies sont scandaleusement méconnues aujourd'hui ; sur un scénario cousu-main par Vitaliano Brancati, écrivain qui fut un vrai fasciste et en eut vraiment honte après la guerre. L'agencement "historique" du récit est vraiment idéal, il court avec une belle fluidité et chaque scène s'enchaîne intelligemment à la précédente et fournit par l'image ou le dialogue de nouveaux détails révélateurs. La musique un peu tonitruante est d'époque, sans doute ; en revanche la splendide photographie en noir et blanc est intemporelle.

Au centre du récit, Umberto Spadaro est un extraordinaire acteur et il est entouré d'une riche galerie de comparses, où se distinguent notamment Massimo Girotti, dans le rôle du fils aîné qui prendra une des dernières balles de la guerre, et la très charmante Delia Scala dans celui de sa fille. Du reste, tout le monde est au diapason, c'est vraiment merveille de voir ça.

Un monument ! Film accessible au plus vaste public (donc pas très "cinéphile", plutôt pour spectateurs). Les bonus du DVD sont eux aussi hautement instructifs et je m'en suis servi pour la chronologie sommaire de la censure. (Excellente version française, pas de sous-titres : comme à l'époque de sa sortie en France, quoi.)

(*) La prédominance du crétin (1988), La sauvegarde du sourire (1989), Le retour du crétin (1992)


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De vincentp, le 15 octobre 2013 à 22:38
Note du film : 4/6

3,6/6. Un sujet intéressant mais la forme ne suit pas. Ce film de Luigi Zampa est franchement ennuyeux, ne possède aucun souffle (mise en scène plus qu'ordinaire). C'est toutefois une approche intéressante du néo-réalisme (abordé sous un angle quasi-documentaire avec un ton ironique). De Sica, Visconti, Rossellini ont réussi des œuvres autrement plus intéressantes à la même époque.

Arca : tu devrais assembler tes deux chroniques en une seule.


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De Arca1943, le 15 octobre 2013 à 23:19
Note du film : 6/6

Ce n'est pas une soi-disant "approche du néoréalisme", mais une chronique ironique et douloureuse sur le ventennio fasciste ! Voilà le "sujet intéressant" en question. Qu'un film pareil ait pu être fait en 1947 tient du miracle, surtout avec son finale particulièrement amer sur les ratés de l'épuration. C'est du cinéma entièrement au service de l'histoire qu'il raconte et de ses personnages et non l'inverse. Une satire qui songe surtout à égratigner des cibles. L'émotion qu'il produit chez les spectateur n'est donc pas du type esthétique-formelle, mais humaine, mais premier degré: ce sont les larmes mixées au petit côté grinçant. Zampa se foutait comme de l'an 40 des partis, des "écoles" et autres "mouvements". Lui et Brancati avaient d'abord et avant tout quelque chose à raconter. Ça n'est pas un prétexte à la forme, à un langage de caste pour gens raffinés, mais un film qui s'adresse au contraire au commun des mortels, à monsieur et madame Tout-le-monde, pour qui les choses passent d'abord par le cœur et non par la tête et qui veulent qu'on leur raconte une bonne histoire. D'où selon moi son grand succès en salle auprès d'un public qui venait tout juste de vivre ces terribles années, à la différence des grands auteurs néoréalistes dont vous parlez – et que j'aime beaucoup, que je vénère même ! – mais qui n'ont jamais conquis le cœur d'une audience populaire dans leur pays (1). Alors ennuyeux… tu m'excuseras. Je ne m'ingénie pas à regarder ce film pour des raisons différentes de celles pour lesquelles il a été fait, et qui constituent sa raison d'être.

(1) Sauf De Santis avec son Riz amer, qui d'ailleurs n'est pas du néoréalisme pur jus.


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De vincentp, le 16 octobre 2013 à 08:20
Note du film : 4/6

On comprend que ce film ait touché le coeur du public, car il relate fort bien les événements liés au fascisme. Son intérêt est avant tout historique aujourd'hui (plus que artistique). Mais nous attendons d'autres avis sur cette oeuvre, pour trancher cette question…


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De Arca1943, le 4 décembre 2014 à 17:14
Note du film : 6/6

Dommage que vous ne puissiez entendre mon rire démoniaque sur fond de tonnerre et d'éclairs et de Carpates transsylvaniennes. Car en éditant généreusement Années difficiles, ce joyau des temps héroïques, le brave et innocent éditeur LCJ ne se doutait pas, le malheureux, qu'il venait de mettre le doigt dans un engrenage implacable. Car deux autres Zampa suivirent, Années faciles (Anni facili, 1954, encore scénarisé par Brancati) et Années rugissantes (Anni ruggenti, 1962, scénarisé cette fois par Maccari-Scola). C'est une trilogie – au moins par les titres – et donc le petit LCJ, ma victime, est coincé, acculé au pied du mur, il n'a plus le choix, il ne peut se sauver nulle part: et doit donc impérativement éditer les deux autres volets !

Hein, avouez que rayon pièges diaboliques, je suis vraiment implacable.


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De vincentp, le 8 décembre 2014 à 23:48
Note du film : 4/6

Era notte a Roma, chef d'oeuvre absolu du cinéma, me parait infiniment supérieur à ce sympathique Les années difficiles, mon bon arca1943. Je vous invite à vous le procurer. Un des meilleurs films que j'ai vu cette année. Une oeuvre très curieusement oubliée.


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De Arca1943, le 11 décembre 2014 à 14:19
Note du film : 6/6

Mon brave (c'est l'étape suivante après "mon bon"), j'ai ici les deux films en question, fort difficiles à comparer car ils ne viennent pas de la même strate du cinéma (cinéma d'auteur, cinéma populaire…) bien qu'ils traitent du même vaste sujet. Je trouve le Rossellini très regardable (et je suis tout content d'y retrouver l'accorte et vivace Giovanna Ralli), mais je ne suis tout de même pas pâmé comme j'ai pu l'être sur Général Della Rovere car tout cela me semble un brin statique, voire longuet. Nous en reparlerons.

Quant à Années difficiles, il semble difficile aujourd'hui de traduire l'importance de cette grinçante chronique sur les malheurs de l'homme normal aux prises avec une tempête d'histoire, mais j'y parviendrai sûrement avec un peu de réflexion et d'huile de coude. À suivre.


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De vincentp, le 11 décembre 2014 à 20:45
Note du film : 4/6

Je mettrais plutôt Les années difficiles au niveau de Justice est faite réalisé à la même époque en France par André Cayatte. Des films regardables, avec un sujet bien exploré. Mais la forme de ces œuvres est limitée.


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