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Forum : Le Grand silence

Sujet : Solitude


De Impétueux, le 17 décembre 2008 à 19:04
Note du film : Chef-d'Oeuvre

D'abord, est-ce un film ? Oui, sans doute, et sûrement, tant l'image y est belle, tant le montage, sans doute volontairement non chronologique, sans cohérence immédiate d'apparence y est important, tant la capacité de fascination peut y être forte.

Est-ce un film documentaire ? Ah là, assurément non, puisque ce long périple de près de trois heures dans l'intimité des moines de la Grande Chartreuse n'apprend rien au spectateur, ni sur l'origine de l'Ordre, ni sur sa règle, une des plus austères qui se puissent, ni sur les raisons qui ont pu pousser ces hommes de tous âges et – manifestement – de toute condition sociale et intellectuelle à venir s'ensevelir dans le silence et la solitude du monastère. Non, ça ne documente pas : ça donne à voir.

Lent, très lent souffle du film, qui fascine d'emblée : longs plans d'un jeune moine abîmé en prière, dans la nudité de sa cellule ; ciel bleu vif des cimes des Alpes ; âtre brasillant dans la nuit ; flocons de neige : on ne va pas facilement se détacher. Immense silence ponctué seulement par les appels de la cloche qui convie aux rituels, par les bruits de la vie et par les pas des moines, par la psalmodie et le chant grégorien : rien d'autre, ou très peu : quelques échanges, quelques brèves conversations, quelques rires lors de la seule récréation hebdomadaire du dimanche après-midi. Ensevelissement dans la prière ininterrompue ainsi que le dit le Père supérieur lors de la prise d'habit de deux novices.

Gestes simples de la vie en communauté pratiqués dans la solitude : un vieux Père tailleur coupe la robe de drap blanc des nouveaux arrivants ; un Père jardinier, à l'orée du printemps, dégage de la neige encore très haute, des carrés de légumes ; un Père cuisinier épluche et coupe des céleris, prépare la pitance des moines à qui la nourriture est donnée, dans leur cellule, par un passe-plat.

Sans scansion régulière, sans césure convenue, des textes bibliques, des portraits silencieux de moines interviennent et ponctuent le déroulement des images ; ni jugement, ni dialogue, ni explication (à la seule exception des propos d'un vieux Père aveugle bénissant Dieu de son infirmité, qui lui permet d'être plus attentif à la présence divine).

J'ai bien conscience qu'ainsi maladroitement décrit, ou rapporté, plutôt, Le grand silence peut apparaître mortel d'ennui et rébarbatif ; sans doute le travail ébouriffant de Philip Gröning qui demanda en 1984 aux Chartreux l'autorisation de les filmer, et ne fut rappelé par eux qu'en 1999 (!) ne peut être que déconseillé à tous ceux que la transcendance indiffère ou qui n'éprouvent pas de curiosité envers le retrait du monde d'hommes que personne ne contraint à cette vie, qui est d'une dureté et d'une apparente inutilité sans égales.

Les Chartreux n'ont, au contraire de la plupart des ordres monastiques, aucune autre activité que la prière – leur subsistance mise à part – : aucune activité pastorale, doctrinale ou sociale ; dans la lenteur hors du monde de leur vie, ils ne se préoccupent que de franchir la barrière du silence de Dieu…

Et c'est bien cela que le film de Gröning représente avec obstination et talent : dire l'indicible, représenter l'imprésentable : dans la lumière rare des offices de nuit, dans le seul plan d'une étincelle au milieu des ténèbres, il y a, sinon la réponse, du moins la question.

Comment donner une note ? Je ne m'en mêlerai pas ; le DVD est remarquablement bien fait, un second disque de suppléments donnant des éclairages très clairs et très pédagogiques à ceux qui veulent aller (un peu) plus loin.


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De Lagardère, le 18 décembre 2008 à 16:47

J'ai pleinement conscience que mes propos, surement imbéciles, n'ont pas à zébrer ce silence là et que le grand, très grand Spoo va encore dire que je raconte des inepties….

Mais ce grand silence , ne devrait il pas s'appeler "le grand sommeil" ? Car la question est posée au fil de ce rapport : Qui d'eux ou de nous , "dort" ? De la vie extrêmement drastique de ces hommes ou de la notre, tellement emplie de suffisance ensuquée, d'ou va sortir une vérité quelconque ? … Du père aveugle qui rend grâce à Dieu de le faire vivre dans les ténèbres, ou du prêtre cédant à toutes (ou presque) les tentations, qui nous dira un jour ?…Ils servent la même cause, veulent atteindre le même et mystérieux horizon, mais pas dans le même bataillon. Vaut il mieux entendre ce grand silence là, ou rester muet devant une prodigieuse chorale angélique ? Le transport reste le même…Et si la croyance était " seulement " la recherche d'un sommeil paisible ?….En ce cas, qui restera assez éveillé et donc tourmenté, entre deux vies extrêmes, pour que l'on sache enfin ? Incommensurable question que des siècles de cloîtres et de cathédrales n'aboliront surement jamais. Et peut être tant mieux…Nous savons seulement que la neige tombe partout, et d'un même ciel…

Si Dieu n'existe pas, la vie est absurde ! Si il existe, elle est un mystère ! Vient un âge ou il est plus décent de vivre dans le mystère que dans l'absurdité… Jean d'Ormesson.


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De Steve Mcqueen, le 19 avril 2010 à 16:13
Note du film : 3/6

En partie d'accord avec Impétueux : un beau film mais loooong et leeent… Des moines se lèvent à 4h… ils prient…ils déjeûnent….ils prient… ils se couchent…ils prient…!

C'est un beau film glaçé et impénétrable, froid et impassible, sans la moindre étincelle d'émotion. Bon, je vais me revoir l'autre "Grand Silence", l'éblouissant spaghetti avec Trintignat/Kinski…


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