Forum - Monsieur Vincent - Chef-d'oeuvre !
Accueil
Forum : Monsieur Vincent

Sujet : Chef-d'oeuvre !


De Lagardère, le 30 novembre 2008 à 16:33
Note du film : Chef-d'Oeuvre

Je suis vraiment très étonné d'être le seul (ou le premier) à parler de ce film…

Maurice Cloche s'est prêté à un peu tous les genres, avec plus ou moins de brio. Mais là, il a fait fort. Très, très fort. Avec la complicité d'un Pierre Fresnay rarement aussi bien inspiré, il nous offre là un chef-d'œuvre absolu. Un Pierre Fresnay, donc, au bout de son art dans cette chronique de la pauvreté d'un peuple exsangue par les guerres incessantes et de la crasse bourgeoise en cette année 1634. Puisque le film se déroule, dans ses trois quarts, dans cette période ou fut fondée "l'institution des Filles de la charité". Mais Monsieur Vincent nous conte aussi la vie de cet homme de Foi (et quelle Foi !) depuis 1617 ou il est précepteur de la famille des Gondi, jusqu'à sa mort en 1660. Rarement la pauvreté, la déchéance d'un peuple fut aussi bien montrée, décrite, dépouillée. Et la solitude de l'homme d'église qui se heurte à un mur qu'il n'avait osé imaginer dans ses pires cauchemars, est ici transcendée par le talent d'un acteur qui va au bout de ses forces…

Des le début du film, le ton est donné. Fouillé, précis, rigoureux.Les décors de René Renoux sont admirablement ciselés et le XVIIe siècle surgit des brumes de l'histoire de façon éclatante. Jean Anouilh nous gratifie de dialogues très concis et servis par des acteurs conscients de tourner là un film hors du commun.

Deux débutants y sont déjà très à l'aise : Jean Carmet dans le rôle du premier prêtre qui crut en Monsieur Vincent et dans ses ambitions de faire le bien, et un Michel Bouquet tuberculeux à souhait qui renforcera la détermination de Vincent, en lui faisant découvrir une réalité ignorée de lui, jusqu'alors… Et que dire du monologue du cardinal de Richelieu, parfait Aimé Clariond qui nous glace d'effroi devant son feu de cheminée..Germaine Dermoz campe une Anne d'Autriche digne et magistralement lucide, tandis que l'indispensable Marcel Péres plastronne merveilleusement dans le rôle d'un menuisier hâbleur, terrifié quand même par la peste. Pas un rôle, du plus modeste au plus grand n'est à bannir!

A noter la séquence où monsieur Vincent, nommé Aumônier des galères de Sa Majesté, prendra la place d'un galérien épuisé… Moment d'une émotion grandissante et capable de faire devenir croyants les plus anti-cléricaux d'entre nous ! Mais tout, dans ce film est un immense coup de pied au cul… Et nous nous surprenons à oublier que nous regardons "du cinéma" pour nous poser quelques questions que d'aucuns prétendront essentielles…

Ps: C'est la première et dernière fois que l'on me censure….


Répondre

De Arca1943, le 30 novembre 2008 à 17:42

En tout cas, ce Maurice Cloche semble un drôle d'oiseau. Ou peut-être s'agit-il, plus banalement, d'une de ces carrières de cinéma qui s'en vont graduellement à vau-l'eau : même si je n'ai pas vu le très réputé Monsieur Vincent, il est évident que de passer de ce genre de film en 1946 à d'autres comme Le Vicomte règle ses comptes ou Baraka sur X 13 dans les années 60, ça a un petit côté naufrage. Toutefois, je ne suis pas peu fier de me rappeler un film de Maurice Cloche attrapé nuitamment à Radio-Canada il y a très, très longtemps – et même pas répertorié sur IMDB ! – intitulé Mais toi, tu es Pierre. J'ai retrouvé la date de tournage – 1971 – et sa date de première sortie en France – 1973. Comme son titre l'indique, il s'agit d'un film religieux, humble et austère – ne serait-ce que parce qu'il était très fauché : budget monastique oblige ! – qui tentait l'expérience de transposer l'Évangile à l'époque contemporaine. Acteurs complètement inconnus, scénographie minimaliste, cette pauvreté générale collait parfaitement au sujet et même à l'esprit du sujet… D'ailleurs, je l'ai regardé jusqu'au bout même si c't'un film de catho !


Répondre

De Alladin, le 1er décembre 2008 à 02:14

Je ne savais pas que le vicomte règle ses comptes est du même réalisateur que Monsieur Vincent, magnifique film vu il y a très longtemps mais donc j'ai gardé un très émouvant souvenir. On en apprend tous les jours ! Je le croyais réalisé par André Hunebelle… En effet, le contraste est saisissant.


Répondre

De Impétueux, le 2 décembre 2008 à 18:43
Note du film : 5/6

Lorsque Monsieur Vincent est paru, dans l'excellente (et trop vite disparue) collection Canal+classique, à la présentation si racée, j'avais hésité à acheter le film ; d'un côté, la figure admirable de Saint Vincent de Paul, la période passionnante et difficile de la première moitié du Grand siècle, encore dévastée par les guerres de religion, les haines réciproques, le risque de fragmentation de la France ; de ce côté, aussi, le grand Pierre Fresnay, d'autres grands acteurs, Aimé Clariond, Jean Debucourt, Pierre Dux, et l'intervention de Jean Anouilh

De l'autre, du mauvais côté de la balance, si je puis dire, tout seul, mais extrêmement pesant, Maurice Cloche, dont la lecture et relecture de la filmographie sur Imdb est édifiante de nullité (avec, en point d'orgue, ses deux adaptations, en 1950 et 1963, de l'inusable Porteuse de pain de Xavier de Montépin qui est (avec Les deux orphelines) le comble du mélodrame larmoyant).

La méfiance envers Cloche (une des têtes de turc favorite d'Henri Jeanson) l'a emporté et je n'ai pas acheté Monsieur Vincent ; au lu de votre dithyrambe, Lagardère, il semble bien que j'ai eu tort : il y a comme ça des grâces d'état, des sujets si forts qu'ils rendent miraculeusement forte l'œuvre d'un assez médiocre réalisateur, semble-t-il ; je vais donc faire l'emplette du DVD, si on le trouve encore, et je m'en viendrai vous redire mes impressions.

Je n'ai pas censuré votre coup de pied au culte : je suis de ceux qui pensent que si l'Église a survécu deux mille ans à des générations de prêtres médiocres, à l'hypocrisie de beaucoup de fidèles, au fanatisme de beaucoup d'autres, à la médiocrité, à la veulerie, à la cupidité de certains Papes, c'est bien précisément parce qu'elle est d'institution divine !


Répondre

De Lagardère, le 2 décembre 2008 à 22:36
Note du film : Chef-d'Oeuvre

Merci, Impétueux, pour cette précision.(Mais alors qui ?) Car je dois dire que ce "coup de pied au culte" (jeu de mot sur lequel je ne pavoise pas !) fut vraiment et pleinement ressenti par le mécréant que je suis.

J'ajoute que je ne possède pas le DVD. J'ai été même fort surpris de savoir que "Studio canal l'avait édité ! J'ai ressorti ma vieille VHS de la belle et défunte collection L'age d'or du cinéma aux "Editions Montparnasse".


Répondre

De Impétueux, le 7 avril 2012 à 17:15
Note du film : 5/6

La semaine Sainte se prêtant particulièrement bien à la découverte d'un film édifiant (c'est-à-dire, comme il est rappelé par un intervenant du supplément, qui édifie quelque chose), j'ai regardé avec beaucoup de tendresse et d'émotion ce Monsieur Vincent, qui restera sûrement comme la seule œuvre présentable de Maurice Cloche. (Il faut, d'ailleurs, que la sainteté du sujet soit grande pour avoir porté à ce niveau la qualité d'un réalisateur au patronyme malencontreux et au talent médiocre).

Mais que c'est bien ! Que c'est bien un film qui croit en ce qu'il raconte ! L'enthousiasme de l'hélas disparu Lagardère, qui a inauguré ce fil, n'est pas de commande et n'est pas excessif : l'histoire de Saint Vincent de Paul est si belle, si forte, si fervente, elle réchauffe si intensément les cœurs et guérit si fort les lassitudes qu'elle ne tombe jamais dans le convenu et la niaiserie.

C'est l'histoire d'un saint ; un saint, ce n'est pas un rebelle, ce n'est pas un révolté ; ou alors, si l'on veut, d'un révolté contre lui-même, en aucun cas contre l'ordre du monde, qui est ce qu'il est, et qui est fonction du plan de Dieu, insaisissable à l'Homme. Mais ce qui incombe à l'Homme, ce n'est pas de faire la révolution sociale, c'est de faire sa révolution intérieure ; pas de substituer le pauvre au riche et la base au sommet – on ne fait alors qu'intervertir les rôles – mais c'est bien de s'ouvrir à l'Autre et au Don.

Nos yeux modernes, voyant l'action de Vincent de Paul dans la France des premières années d'un 17ème siècle qui émerge à peine des guerres de Religion et qui subit, même indirectement, les affreux conflits qui ravagent l'Europe (la guerre de Trente ans), songent inévitablement à l'Abbé Pierre. Le film de Cloche date de 1947 ; l'hiver 54 n'est pas loin, et pas loin l'effusion de la charité des Chiffonniers d'Emmaüs ; il est même assez frappant de constater la ressemblance des dégaines de Saint Vincent (Pierre Fresnay) et d'Henri Grouès et je ne gage pas que Monsieur Vincent, qui eut un immense succès public (7 millions de spectateurs en France) n'ait pas eu d'influence sur l'action du jeune prêtre lyonnais : chez l'un et chez l'autre, appel à l'opinion, à ceux qui ont la chance d'être nantis : chez l'un et chez l'autre la même conviction que le riche n'est pas plus intrinsèquement mauvais que le pauvre n'est bon (il est simplement plus difficile au riche d'atteindre le royaume des Cieux…)…

L'appel de Saint Vincent à la haute aristocratie, à ces dames du Monde qui, par effet de mode sans doute au début, puis, graduellement, se prenant à leur propre jeu – ou plutôt au jeu de la Grâce – deviendront, mêlées à d'humbles paysannes, ces Filles de la Charité, dont les immenses cornettes emplissaient encore naguère les hôpitaux et les hospices, cet appel ressemble à celui de l'Abbé Pierre, à celui de Coluche, à celui de Mère Térésa ; il leur ressemble – ou, plutôt, il les inspire – parce qu'il rassemble.

C'est l'histoire d'un saint, donc. Assez curieusement, le cinéma, peu avare en représentations bibliques, en Vies de Jésus, en histoires de la chrétienté primitive, a assez rarement mis en scène l'aventure de la sainteté. Me viennent à l'esprit, en plus des récits inspirés par Lourdes (Bernadette), l'indépassable Thérèse de Cavalier… Mais chez les hommes ? Les Onze fioretti de François d'Assise de Rossellini et François et le chemin du soleil de Zeffirelli sur le même extraordinaire bonhomme… Mais rien sur Saint Paul, rien sur Saint François Xavier, aux vies aventureuses, rien sur Charles de Foucauld, dont l'existence est un roman et la mort une énigme…

J'ose l'hypothèse que l'influence majeure de la mentalité étasunienne, c'est-à-dire protestante, c'est-à-dire fermée à la vénération des saints, comme l'est le catholicisme, y est pour quelque chose… Mais pourquoi, même en Italie, en Espagne ou en France l'image du saint a-t-elle été si effacée ?

C'est une raison de plus pour admirer le beau Monsieur Vincent, avec un Fresnay inspiré, empli d'amour et de force calme et toute une kyrielle d'acteurs de grande qualité. Édition excellente, image et son restaurés.

__

Une suggestion à ceux qui aiment le Paris étrange : la chapelle des Lazaristes, 95 rue de Sèvres (6ème), en face des Magasins du Bon Marché, où, depuis 1830, reposent dans une châsse d'argent, les reliques du Saint.


Répondre

De Viator, le 8 avril 2017 à 15:53
Note du film : 5/6

"C'est l'histoire d'un saint, donc. Assez curieusement, le cinéma, peu avare en représentations bibliques, en Vies de Jésus, en histoires de la chrétienté primitive, a assez rarement mis en scène l'aventure de la sainteté. Me viennent à l'esprit, en plus des récits inspirés par Lourdes (Bernadette), l'indépassable Thérèse de Cavalier… Mais chez les hommes ? Les Onze fioretti de François d'Assise de Rossellini et François et le chemin du soleil de Zeffirelli sur le même extraordinaire bonhomme… Mais rien sur Saint Paul, rien sur Saint François Xavier, aux vies aventureuses, rien sur Charles de Foucauld, dont l'existence est un roman et la mort une énigme…"

Ce n'est pas tout à fait vrai, le cinéma français a quand même produit un certain nombre d'oeuvres sur le sujet de la sainteté, entre les années 20 et les années 60 ; celles-ci sont aujourd'hui très occultées et souvent indisponibles en DVD:

  • La légende de Sœur Béatrix (1923) jacques de Baroncelli
  • La merveilleuse vie de Jeanne d’Arc. (1929) Marco de Gastyne (Film reconstitué en 1983) avec Simone Genevoix
  • La Vie miraculeuse de Thérèse Martin (1929) Julien Duvivier
  • La Vierge du rocher. (1934) Georges Pallu.
  • L’Appel du Silence. (1936) Léon Poirier. Charles de Foucault (Incarné par Jean Yonnel)
  • La rose effeuillée. (1937) Georges Pallu. (Sainte Thérèse de Lisieux)
  • Thérèse Martin (1938) Maurice de Canonge
  • Le sorcier du ciel. (1948) René Jolivet, Marcel Blistène. (Film sur la vie du Saint Curé d’Ars) (DVD Z1 aux USA).
  • La Route inconnue. (1948) Léon Poirier. Voyage de Charles de Foucault au Maroc avant la prêtrise (Incarné par Robert Darene).
  • Procès au Vatican (Sainte Thérèse) André Haguet. 1952 (Sainte Thérèse de Lisieux)

(Un film fixe (35mm) fut tiré a partir des négatifs).

  • L’athlète aux mains nues (1952) Marcel Garand (Vie de Saint Michel Garicoïtz)
  • Les mains liées. (1956) Roland Quigno (D'après le roman éponyme lui même tiré du roman magnifique “Mon Petit prêtre » de Pierre Lhande.
  • IL suffit d’aimer. (1961) (Sainte Bernadette) Robert Darène.

Cordialement,


Répondre

Installez Firefox
Accueil - Version bas débit

Page générée en 0.0039 s. - 5 requêtes effectuées

Si vous souhaitez compléter ou corriger cette page, vous pouvez nous contacter