Après son coup de maître Elephant, Gus Van Sant récidive avec Paranoid Park et impose son style singulier pour pénétrer avec sensibilité dans l'esprit complexe de l'adolescence. L'aspect documentaire artistique est accentué par l'insertion de vidéos de Skateboard, symbole d'une adolescence citadine américaine comme dans les films de Larry Clark. Alex, le personnage principal semble avoir été cueilli dans l'une de ces videos MTV, ses émotions et pensées sont directement liées à cet univers.

Alors qu'Elephant se servait de l'instinct du spectateur pour faire monter un malaise, une tension latente qui explose dans les dernières minutes, Paranoid Park engourdit les effets de surprises et l'adrénaline par un montage méticuleusement désordonné comme une conscience en état de choc, cette mécanique répétitive peut dérouter au début mais finit par trouver sa dynamique et captiver totalement.

Gus Van Sant dirige à merveille ses jeunes acteurs et en profite pour réaliser une oeuvre contemplative très stylisée, il s'attarde sur les visages, avec des plans et cadrages esthétiquement soignés, utilise de façon peu commune mais virtuose les ralentis, le son et la musique, puis des mouvements de caméra bluffant, invisibles à l'oeil nu comme l'éclosion d'une fleur malade.

Une très belle réussite artistique de Gus Van Sant (son meilleur film de mon point de vue), grand spécialiste de l'observation des adolescents en souffrance.

Les multiples facettes de la psychologie de cet adolescent angoissé, à la fois rebelle, et intégré au système, sont développées via une mise en scène particulièrement inspirée. Des ralentis, des gros plans sur les regards fuyants pour exprimer en particulier le désaxement du personnage. Mais Gus Van Sant n'en fait jamais trop, et ce personnage, très nuancé dans ses comportements, est crédible de bout en bout. Il y a aussi autour de ce personnage un environnement social extrêmement bien représenté.

Grande qualité des images, des prises de vue, de la mise en scène, de l'écriture, de la direction d'acteurs. Du grand cinéma d'auteur, tout simplement. Et aussi -de mon point de vue- une des plus belles réussites du cinéma d'auteur américain de ces dernières années.