Il y a une floppée de films de Fernandel que je n'ai jamais vus, bien que j'adore cet acteur. Le hasard et Marcel Aymé
aidant, je m'interroge sur celui-ci. Ques aquo ? Est-il connu au bataillon ? Et si oui, en bien ou en mal ?
La première collaboration entre Henri Verneuil et Fernandel.
Premier long métrage du réalisateur, alors inconnu, qui, prenant son culot à deux mains va voir Fernandel
dans sa villa des "milles roses " à Carry -le -Rouet, lui propose un scénario qui tient la route. Réponse de Fernandel
: "- Je vous fais confiance ! Si vous loupez votre coup, vous ne ferez plus jamais aucun film, ni avec moi, ni avec personne ". Propos rapportés par Verneuil
dans ses mémoires. On connait la suite…
La table aux crevés, c'est le nom d'un champ de blé… Un immense champ balayé par le vent qui colporte ses légendes… C'est dans cet espace que l'action de ce film se dénouera de façon heureuse. Un film peu connu mais de bonne facture. Fernandel
s'y ballade à l'aise, ayant vite senti qu'il avait à faire à un débutant prometteur. Pas de surprise, il impose sa "famille" de cinéma. Et c'est ainsi qu'Andrex,
trafiquant de cigarettes, Maria Mauban,
sa sœur qui joue avec l'honneur de la famille, Edouard Delmont,
le facteur "Capucet" qui perd la mémoire, Henri Vilbert
l'ami de toujours, et René Genin
le curé qui met de l'ordre, vont se croiser dans une histoire ou l'honneur des uns ne fait pas le bonheur de l'amour des autres.
En bref, notre Urbain de Fernandel veuf du jour au lendemain, et pas mécontent de l'être, va pouvoir faire sa cour à la sœur du plus mauvais garçon du village qui voit ça d'un très mauvais œil ! Sa sœur il l'a déjà promise à plus fripouille que lui, et on ne joue pas avec ça. Ajoutons que la mémoire défaillante d'un brave mais bien vieux facteur va faire accuser à tord notre brave Urbain, de dénonciation à l'encontre du trafiquant. Tout Marseille est en émoi et se régale de ce règlement de comptes à l'accent du midi. (Je signale que Roger Hanin
n'est pas de la distribution..). Il ne manque pas une bigote, pas un ragot, le pastis coule à flot et les "pointus" tiennent la mer et drainent leurs filets…
Un bon film, oui, emporté par des acteurs qui sont "chez eux", dans leur truc ! Ce n'est pas un film drôle. On y sourit bien quelques fois mais ce n'est pas sa vocation première que de nous faire rire. Disons que c'est une comédie grave. Comme la vie. Un film qui nous montre que le mur qui sépare le rire de la tragédie est bien mince. On y parle beaucoup d'amour, et l'on passe souvent très près de l'irréparable entre les hommes. L'exubérance des gens du midi et leur fierté y est palpable. Pour Henri Verneuil, ce fut un coup de maitre et Fernandel
s'en est souvenu plus tard… Un film à voir, assurément.
La première collaboration entre Henri Verneuil et Fernandel.
Tiens (!) je croyais que leur première collaboration était sur Le mouton à cinq pattes, la collaboration Verneuil
-Fernandel
n'a, je crois, jamais été vraiment décevante, j'aime tous les films qu'ils ont fait ensemble.
Aussi bien la Vache et le prisonnier que Le boulanger de Valorgue
ou Le grand chef.
S'il est arrivé à Fernandel
de tomber sur des réalisateurs de piteuse qualité, Verneuil
savait très bien diriger ce grand comique en lui laissant une grande liberté comparable à la relation Oury
-De Funés.
Cette Table aux crevés mérite certainement une urgente réédition, je vote !
A la lecture du texte de Lagardère, je constate que l'action du roman âpre de Marcel Aymé a été transposée du Jura en Provence, pour les nécessités commerciales amplement énoncées ; ce n'est sûrement pas le meilleur service qu'on pouvait lui rendre…
Mais il est vrai que la deuxième collaboration Henri Verneuil/Fernandel,
qui est Le fruit défendu
est une transposition (pas désagréable, en soi, mais vraiment traîtresse) de la remarquable Lettre à mon juge de Georges Simenon
…
Mais le DVD est déja dans les bacs, ami Frétyl ! Et j'ai oublié de préciser que, en 1947, Verneuil avait tourné un court métrage de 25 minutes qui glorifiait Marseille et Fernandel et l'acteur y avait été sensible, d'ou sa confiance immédiate…
Merci à tous, et notamment à Lagardère, pour ces précieux renseignements. Voici donc mon vote ! (Oups, il est déjà dans les bacs… trop tard : a voté).
Je partage globalement le point de vue de l'excellent Lagardère, je mets à La table aux crevés la même note, mais, au contraire de notre ami (et hélas disparu du bataillon), je ne recommande pas la vision du premier film d'Henri Verneuil,
sauf si on nourrit une passion pour la filmographie exhaustive de Fernandel
ou si l'on souhaite se faire une idée sur une des nombreuses adaptations de Marcel Aymé.
Aymé, c'est un des plus remarquables tempéraments de romanciers du dernier siècle, qui vous cueille dès la première phrase et ne vous lâche qu'à la dernière ; un peu comme Simenon
? On pourrait dire ça ; moins d'étendue dans le registre mais beaucoup plus d'humour et de distance avec la nature humaine.
Et il a été beaucoup moins bien servi que le Liégeois au cinéma. Je n'ai pas tout vu, loin de là, ni La rue sans nom de Pierre Chenal,
ni La belle image
de Claude Heymann, ni (ou alors je ne me souviens pas) Le chemin des écoliers
de Michel Boisrond.
Mais Le Passe-muraille
de Jean Boyer,
ce n'est pas terrible, Clérambard,
d'Yves Robert,
c'est insuffisant, Uranus
de Claude Berri,
c'est très médiocre, La Vouivre,
de Georges Wilson
est accablant. Et que dire alors de La jument verte
qui incline vers le graveleux, alors qu'Autant-Lara
avait sans doute le regard, le talent le plus à même de traduire l'esprit sarcastique de Marcel Aymé
… Et La traversée de Paris
du même Autant-Lara
? Ah oui, ça c'est remarquable, mais c'est plus de l'Autant-Lara
que de l'Aymé
…
Si ce n'est… mais la chose est importante que le récit est beaucoup plus noir, beaucoup plus tragique dans le roman, qu'Urbain Coindé (Fernandel, donc) n'est pas un type bien intéressant, paysan âpre au gain plutôt mesquin et que le garde champêtre/facteur Capucet (Edouard Delmont)
à l'esprit faible, bien loin d'être à peine effleuré par les tirs croisés de Coindet et de Frédéric Gari (Andrex)
, agonise vite et meurt en crachant son sang.
Mais naturellement, en 1952, pour un premier film, on ne veut pas trop noircir un tableau, et alors qu'il y avait une sacrée histoire de haines, d'ennuis et de désolation, on fait un peu dans la mollesse, bien que, ainsi que l'a noté Lagardère, il y ait dans le récit des tas d'ombres et de haines… La présence de Fernandel qui a seule rendu possible le film, en a également limité l'ambition…
Et ça, c'est toute l'histoire de l'acteur, qui a pu être ici et là si émouvant, mais qui n'a jamais pu évacuer complètement les grimaces…
On trouve un peu les thèmes de la série des "Don Camillo" : l'opposition entre les républicains et les cléricaux . Si la couleur rouge est évoquée au début du film, les républicains y sont moins rouges que Peppone. Le village est donc partagé en deux clans : les républicains et les calotins, les républicains "ceux qui votent rouge ou blanc", le rouge communiste probablement, et le blanc, sûrement pas le blanc royaliste du drapeau français, peut-être celui de l'abstention, à moins que rouge et blanc sous entendent simplement pour tel ou tel candidat… Mais le blanc pourrait désigner le clergé, la vierge Marie immaculée évoquée lors des prières autour du cadavre d'Aurélie ? Toutefois les républicains n'auraient jamais voté pour un calotin !
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