Ce film, je l'ai reconnu… Un conte de la vie ordinaire. Où tout serait sublimé par la chaleur des regards de "ces gens là". Car "avec la mer du nord pour dernier terrain vague", ils sont capables d'amour comme nulle part ailleurs, nos héros. Elle, c'est Irène, magnifique Yolande Moreau, qui traine un spectacle baroque de salles des fêtes en maisons de retraite. Lui, c'est Driès, émouvant à la limite du pathétique Wim Willaert, porteur de Géants de son état.

Loin des "Zéniths" et autres Parc des Princes, le spectacle et l'amour se fera, plus près des estaminets et dans le grand vent. Les yeux pleins de bonté et de chaleur d'Irène sauront apprivoiser ceux perdus de brume de vie de Driès. Ne pouvant plus se quitter, il s'ensuivra une sorte de road-movie à travers le "Ch'tiland"…

Porteur de géants, ça n'est pas un métier. C'est un peu comme être le porte-drapeau des anciens combattants : un honneur pour les gens simples. Car il s'agit bien là d'un monde ou tout est simple. Et le film en est plein. De simplicité, de tendresse, de gentillesse – ce mot devenu péjoratif de nos jours et quel dommage ! – de fierté enfin bien placée. Comme peut être simple jusqu'au dépouillement, le spectacle d'Irène. Spectacle que Yolande Moreau promena réellement aux quatre coins du pays et d'où naquit l'idée de ce film.

Et l'union de ces deux nuages du nord nous montrera enfin que rencontrer l'autre n'est pas forcément synonyme d'une solitude multipliée par deux. Comme il est bon de savoir que cela existe… Yolande Moreau et Gilles Porte réalisateurs, nous offrent là un bien bel espoir… Et un film aux envolées flamboyantes chez des gens que l'on croit toujours vivre le cœur en dessous du niveau de la mer. Mais la mer monte… Et même si, comme le disait le poète : - Et comme elle est montée, la mer se doit de redescendre, laissant derrière elle les blessures de la marée…. peu importe, le cœur à marée basse , ils se souriront encore…

Il faut voir ce film ! Absolument. Histoire de se faire du bien. Ce film, c'est le petit bistro ouvert à cinq heures du matin. Après 700kms de ruban, fourbu, devant la poêlée de tricandilles et le Beaujolais village. Ce film , c'est bon… Je l'ai reconnu…

Yolande Moreau n'a-t-elle pas obtenu le César de la meilleure actrice pour ce film génial ? Je ne sais plus en quelle année. 2006 peut-être…

Je ne partage peut-être pas tout à fait l'enthousiasme jouissif de Lagardère sur le film, mais j'applaudis des deux mains à la prestation de Yolande Moreau…

Le film, dans son parti-pris humaniste et chaleureux, attendrissant et sympathique pourrait – il me semble – être un téléfilm ; il n'est pas toujours exempt du goût du pittoresque pour des peuplades un peu singulières – bien sympathiques aussi, au demeurant – représentées comme le fait quelquefois l'excellent magazine télévisé Strip-tease (Le magazine qui vous déshabille) de Jean Libon et Marco Lamensch dont certains sujets ont peut-être inspiré les réalisateurs, Yolande Moreau et Gilles Porte… en tout cas, on se sent quelquefois un peu voyeur, un peu ethnographe…

Mais mille bravos, en tout cas, à l'actrice Moreau, vraie star de l'histoire, avec une sacrée palette d'émotions et de bonheurs donnés… Carrière curieuse d'une femme dont le physique n'est pas… disons très classique… mais qui, dès ses premiers rôles, sort littéralement de l'écran : en face de la grande Sandrine Bonnaire, dans Sans toit ni loi d'Agnès Varda, elle parvenait à faire vivre un personnage de petite bonne victime des mecs, de sa gentillesse (et de Mona !) ; dans Les trois frères une patronne de PMU ahurie et bernée… dans Amélie Poulain, concierge obsessionnelle à l'attente d'un mari disparu jadis, elle composait drôlement bien sa silhouette (Madeleine Wallace)… Dès qu'elle apparaît, même pour un instant, elle vit dans l'œil du spectateur…

Bien dommage que le cinéma français ne lui propose pas plus de rôles.