Remarquable étude également, par une succession d'images très synthétiques, par une voix-off qui va à l'essentiel, de tout ce qui est constitutif de l'être humain (pensées, sentiments et émotions, mais aussi ambiguités et contradictions, et formes des rapports humains). Par exemple, les quelques instants savamment orchestrés représentant la succession rapide d'émotions (surprise-doute-peur) de Robinson face à une empreinte de pied qui ne lui appartient pas.
Le travail sur la couleur (étonnant "pathécolor") contribue à donner un aspect onirique à ce Robinson Crusoe, lequel prend la forme d'un rêve hypnotique sondant l'âme humaine au plus profond.
Si, avant de visionner ce film, j'avais pris la peine de lire l'avis de Vincentp, ou si ce dernier avait été placé en avant propos dans le générique, j'aurais été moins surpris que je ne le fus en découvrant ce Robinson Crusoé. J'aurais bien du me douter que si Luis Buñuel s'était attaqué à pareille légende, ce n'était pas pour nous servir une mouture façon Pierre Richard. Laquelle, par ailleurs, est loin d'être des plus mauvaises. La palme du mauvais goût dans les "Robinsonades" déclinées depuis le roman de Daniel Defoe revenant aux Robinsons des mers du Sud de Ken Annakin. La meilleure adaptation de l'oeuvre étant, de loin, le Robinson Crusoé de Alexandre N. Andreievski que j'ai pu revisionner en streaming, une dernière fois, avant la désolante fermeture de Megaupload. Ce film est désormais parti dans les ténèbres de l'oubli et c'est fort dommage. Et je ne parle que des adaptations du roman. Car pour moi, et incontestablement, le meilleur Robinson reste… Tom Hanks dans le merveilleux Seul au monde. Parce que c'était un Robinson même s'il ne fut pas imaginé par Defoe. Comme étaient des Robinson les naufragés de L'île mystérieuse (cinq pour le même prix).
Dans les différentes adaptations au cinéma ou en littérature, depuis le Robinson Crusoe de Georges Méliès tourné aux studios de Montreuil en 1902 après le fameux Voyage dans la Lune, on observe plusieurs déclinaisons du roman de Defoe. Ca va des chroniques de la folie ordinaire au Fantastique, en passant par l'aventure pure et simple. Avec un détour par la resucée quasi-psychanalitique façon Michel Tournier avec son Vendredi ou les Limbes du Pacifique.
Pour en revenir au film de Buñuel, nous sommes beaucoup plus dans le Fantastique que dans une réalité cruelle. J'en veux pour preuve la facilité, pour ne pas dire l'aisance, avec laquelle notre Robinson accepte son sort dès les premières secondes de son naufrage sur l'île. On le croirait arrivé au club Med, s'étonnant peut-être un peu qu'il y ait si peu de monde. La première partie du film est un peu gâchée par cette impression que nous avons comme quoi il se sent très vite chez lui. Et puis bien des étapes sont occultées. Sans aucune peine, nous le retrouvons dans une cabane que lui envieraient bien des sans-abris. Cabane entourés de piquets de bois dont la main-d'oeuvre ferait rougir de honte un magasin Leroy-Merlin. Tout cela a un côté trop lisse mais qui, je le crois, fait partie du "fantastique", de l'irréel, voulu par Buñuel. Lequel, par contre, excelle dans la deuxième partie du film consacrée aux rapports, très recherchés, traduits au plus juste, de Robinson avec Vendredi. Un Vendredi, Jaime Fernández, magnifique, qui sait apporter beaucoup au rêve hypnotique très justement décrit par Vincent. Ce sauvage là a des yeux très éclairés, qui frisent le génie. Or, je m'attendais plus à un film d'aventures sèches et heurtées. Et surtout, je ne voulais pas voir ce qui est occulté dans certaines versions cinématographiques : Robinson Crusoe est avant tout un négrier et, avant qu'il ne comprenne bien des choses, sa nature reprend le dessus. "- J'étais heureux d'avoir à nouveau un serviteur..-". Nous ne plaignons pas assez ce Robinson là.. Mais si on accepte le fait que Buñuel a délaissé le tout venant pour le féerique, c'est un excellent film qui nous est donné à voir. Surprenant. Oû l'on voit un Robinson Crusoe qui ne se départ jamais de sa bourgeoisie bien ancrée même sous 33 degrès de latitude..Je crois qu'un vote s'impose. Car ma vieille VHS ne m'a pas permis d'apprécier les couleurs décrites par Vincentp. Et je suis sûr qu'elles doivent ajouter grandement à l'intérêt ce ce film.
Je vous rejoins dans le vote, l'idée que des DVD importés de Chine puissent jamais être ingérés par mon lecteur me stupéfiant !
Je me souviens avoir vu le film à sa sortie en France, en 54 ou 55. Et quoique je fusse alors bien jeune, le film m'avait marqué. Je n'ai appris qu'ensuite qu'il était réalisé par Luis Bunuel, dont je suis féru. Autant de raisons de voter pour une édition DVD.
Il faudrait bien que je relise le roman de Daniel Defoë pour faire la partition entre la description des ingénieux comportements de survie du naufragé (mais Tamatoa a raison : Seul au monde est remarquable dans le genre, et, en littérature, L'île mystérieuse ou Les Robinsons suisses s'imposent) et les relations ambigües qui s'établissent entre solitaires, dominant et dominé, maître et esclave…
Bref, moi qui suis amateur de Luis Bunuel et qui avais bien aimé, quand j’avais sept ou huit ans, cette histoire qui fait largement partie de notre patrimoine littéraire, je me suis retrouvé très déçu…
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