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Sujet : Un Truffaut singulier


De Impétueux, le 29 juin 2008 à 13:08
Note du film : 4/6

Dix-sept ans après Les Quatre cents coups, François Truffaut avait encore plein de souvenirs d'enfance à placer ; ça a donné un film absolument foutraque, construit n'importe comment, sans vraie cohérence, au scénario funambulesque et improbable, mais extrêmement attachant.

Je gage presque absolument que toutes les anecdotes, toutes les tranches de vie qui surgissent ici et là, et qui n'ont, pour la presque totalité, aucun rapport les unes avec les autres sont de petits bouts de vie et de souvenirs collés par le réalisateur, de façon si tendre et si vraie qu'on ne voit pas – ou plutôt qu'on se moque de voir – les coutures.

La petite fille punie par ses parents et qui alerte le quartier en criant J'ai faim ! dans un porte-voix, les deux drôles qui, pour se faire un peu de sous, s'improvisent coiffeurs, saccagent la belle chevelure d'un de leurs camarades, le gamin amoureux qui apporte des roses (rouges, couleur de la passion !), à la séduisante mère d'un copain et qui s'entend répondre Tu remercieras bien ton papa !, les flirts au cinéma aux côtés d'un camarade plus dégourdi, le gamin qui tombe de plusieurs étages et qui, miraculeusement, ne se casse rien, la découverte du calvaire d'un enfant torturé par sa mère et sa grand-mère, la conspiration narquoise de la colonie de vacances pour que les amoureux se déclarent, tout cela est si ressenti, retracé, décrit avec tendresse, que l'on voit bien qu'il n'y a que retranscription de l'adolescence – celle qui sort à peine de l'enfance – de sa fragilité et de ses grandes espérances…

Très peu d'acteurs professionnels dans cet Argent de poche et aucune vedette : seuls Jean-François Stévenin et Virginie Thévenet ont conservé quelque notoriété ; tous les autres protagonistes, adultes et enfants ont ce ton un peu faux (et, je ne sais pourquoi si véridique) que l'on trouve dans nombre de films de Rohmer ; mais il y a aussi du Varda – des Daguerréotypes, des Glaneurs et la Glaneuse dans ce qui est un très joli film dont le charme n'a d'égal que la désuétude….

Désuétude ? Certes ! Car si ça se passe à Thiers, rassise petite sous-préfecture du Puy-de-Dôme, qui, en 1976, ne devait pas particulièrement être en pointe dans le mouvement de contestation post-Mai 68, on est tout de même sidéré de retrouver ces classes non-mixtes (aux grands bonheur et frustration de ceux et celles qui considéreraient toujours et toute leur vie l'autre sexe comme un Trésor précieux, et non comme un genre égalitaire), des instituteurs et institutrices encore tout empreints de l'importance de leur fonction, – et respectés comme tels -, des classes primaires où l'on a une si grande exigence de vraie culture qu'on fait apprendre par cœur des tirades de L'Avare (mais oui, du Molière, pas du NTM !), et des dates fortes de l'Histoire de France : 1572, 1610, 1648, 1763… En primaire ! Il y a trente deux ans…

Comment les crocodiles de mon âge pourraient ne pas haïr les trois dernières décennies ?


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De Arca1943, le 29 juin 2008 à 14:39
Note du film : 4/6

« Ce ton un peu faux (et, je ne sais pourquoi si véridique)… »

Salut, Impétueux. Vous vous souvenez sans doute de notre bref accrochage au sujet de la guerre d'Espagne. Eh bien, c'est sur le même ton, ici, que je vous dis : c'est ici que nos voies se séparent ! Quand ça sonne faux, ça sonne faux. Point. Non que cela s'applique, selon moi, à ce très divertissant film de François Truffaut, un des rares que j'ai vraiment aimés. Je l'ai vu encore enfant, il y a un bon quart de siècle, et je me rappelle plutôt du naturel réjouissant des jeunes interprètes. La seule réplique dont je me souvienne, « Gregory a fait boum !», ne sonnait pas un peu fausse à mes oreilles… Mais c'est vrai, on trouvera dans maints Truffaut, et à plus forte raison dans maints Rohmer, ce ton un peu faux qui me porte tant sur les nerfs et mes les rend rédhibitoires !


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De PM Jarriq, le 29 juin 2008 à 15:10

C'est un peu plus varié que ça… Il y a le "parler faux" des mauvais acteurs (je pense à Chazel dans Les visiteurs, revu récemment, ou à tout le casting des séries télé françaises calquées sur les américaines genre R.I.S.), celui des non-professionnels censé ajouter de l'authenticité (là, je rejoins Arca, c'est rarement probant), et le parler faux étudié comme celui de Trintignant, par exemple ou Jeff Goldblum aux U.S.A., qui devient une sorte de coquetterie. Et puis il y a enfin, le parler faux de Jean-Pierre Léaud ou Dominique Sanda, carrément extra-terrestre.


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De Impétueux, le 29 juin 2008 à 22:59
Note du film : 4/6

Disons que les enfants jouent juste – parce que ce sont des enfants qui ne se laissent pas vraiment impressionner – et que les adultes (le concierge de l'école, le coiffeur, le commissaire) jouent avec ce ton affecté qui est la marque des non-professionnels face à la caméra et qui, à la longue, les ancre dans une certaine véracité : celle de leur métier réel.

Je reconnais volontiers que c'est un peu tiré par les cheveux et que des amateurs aussi distingués que Arca et PMJarriq peuvent n'être pas du tout sensibles à cet aspect des choses…


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De Peludo, le 6 juillet 2008 à 10:35

Thiers, Monsieur le crocodile, n'a rien d'une "rassise petite sous-préfecture du Puy-de-Dôme". C'est une ville étrange, secrète, empreinte de poésie. Tiens, une ville singulière. Ecrire sans savoir, se laisser aller à une formule facile par paresse de l'esprit, c'est être un peu idiot. Un peu rassis, peut-être?


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De Impétueux, le 6 juillet 2008 à 10:55
Note du film : 4/6

Ce qu'il y a, c'est que le Crocodile connaît Thiers ; et, comme Issoire et Ambert, immortalisées dans Les copains de Jules Romains, ce ne sont pas là des villes très pétillantes… Moi-même issu d'une toute petite préfecture ensoleillée et craquelée du bon Midi (Digne-les-Bains), je mets aussi un peu de tendresse, là-dedans, vous savez…

Des villes qui dorment, ça repose, quand on vit dans les métropoles…


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De vincentp, le 30 juillet 2012 à 23:54
Note du film : 3/6

Il y a effectivement un côté "faux" dans ce film. La psychologie de ces enfants est visiblement celle qu'a du connaître Truffaut dans sa jeunesse, et pas celle des jeunes de Thiers. De plus, la pédagogie enseignée ici ressemble plus à celle du début des années cinquante qu'à celle de 1976. Je ne suis pas non plus convaincu par les performances des acteurs adultes (ils jouent tous plus ou moins faux)… C'est un film bizarre qui semble être fait de bric et de broc, avec un côté très artificiel. C'est plus la vision du monde d'un cinéaste un peu rêveur, que la représentation de la réalité d'une époque.

Mais un film néanmoins attachant (ne serait-ce que que pour quelques instants très réussis, tel que celui représenté par l'image insérée ci-dessus), car il évoque -malgré tout et non sans mal- la vie des gens simples d'une petite cité, sous-préfecture rurale, avec un habitat de petites maisonnées accrochées à la pente de la colline… La France souvent chantée par Charles Trenet et regrettée aujourd'hui par Raymond Depardon.

L'argent de poche montre aussi l'esthétique des années -70 : catastrophique. Chignon chez les femmes, cravates criardes chez les hommes… On revient de loin ! Evoque aussi (un peu ? beaucoup ?) l'état d'esprit du milieu des années -70 préoccupé par la mixité à venir des classes du primaire, ou de la sexualité chez les ados. On ne se préoccupe alors pas du devenir professionnel forcément aujourd'hui délicat de ces jeunes éloignés d'un tissu urbain… Pas "d'emplois d'avenir" alors à l'horizon…

Voici au passage mes notes attribuées aux films de Truffaut (une belle oeuvre, mais inégale, à mon avis, ou un ressenti inégal de spectateur) :

Chef d'oeuvre : Les Quatre cents coups, La femme d'à côté, Le Dernier métro, Baisers volés
6/6 : La Peau douce, L'Histoire d'Adèle H.
5/6 : Tirez sur le pianiste, Fahrenheit 451, Vivement dimanche !, La Chambre verte, L'Homme qui aimait les femmes, L'Enfant sauvage, Domicile conjugal, La Sirène du Mississippi
4/6 : Jules et Jim, L'Amour en fuite, La Nuit américaine, Une Belle fille comme moi, Les Deux anglaises et le continent
3/6 : L'Argent de poche
2/6 : La Mariée était en noir

Cela fait une moyenne de 16,65/20. Pas mal ! Elève admis en classe supérieure, avec les félicitations du professeur des écoles.


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De vincentp, le 25 octobre 2012 à 21:56
Note du film : 3/6

A propos de Thiers, un reportage publié dans le quotidien "le monde" d'il y a quelques jours. On y apprend que la cité a perdu 4500 habitants en trente ans, victime de la mondialisation, et délocalisation de certaines de ses activités. Les électeurs du milieu ouvrier semblent céder pour certains aux sirènes de la droite populiste.

Le film de Truffaut fige par l'image une époque révolue : celle de ses petits magasins très ciblés (ex : magasin de photo), que l'on imagine sans mal avoir mis depuis la clé sous la porte…

Le progrès économique comporte certains revers, et il serait intéressant que le cinéma français se penche d'un peu plus près sur ces aspects de terrain (plutôt que de sortir soit des films démagogiques, soit des films intello parisiens).


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