Un des premiers films de Almodovar, particulièrement bien réalisé. Le parallèle avec Duel au soleil est bien amené. Mais le scénario présente tout de même quelques "trou d'air".

Les films d'Almodovar sont toujours truffés de références au cinéma hollywoodien des années 50.

Outre les références évidentes à Duel au soleil, dont un extrait nous est même montré dans une salle de cinéma, annonçant la fin tragique des amants meurtriers, notons aussi l'hommage à la divine Ava Gardner tout au long du film :

Dès le début, le matador montre une photo de la belle à son élève (il s'agit d'une photo des 55 jours de Pékin). Puis, la femme fatale interprêtée par Assumpta Serna nous la rappelle sans cesse.

Rien d'étonnant puisque tout au long du film, Almodovar la fait coiffer, maquiller, habiller et même prendre des pauses, en prenant comme modèle les scènes et photos d'Ava dans Pandora ou La comtesse aux pieds nus.

Il fallait bien qu'Almodovar rende hommage à Ava, puisque d'une part, elle avait habité Madrid pendant plus de vingt ans, clamant partout son choix de quitter la superficialité de Hollywood pour l'authentique vieille Europe et surtout l'ambiance madrilène de fiestas, alcool, flamenco…

D'autre part, elle a souvent interprêté des personnages d'espagnoles ou de femmes vivant en espagne : une danseuse de flamenco devenant star à Hollywood pour son malheur dans La comtesse aux pieds nus, une chanteuse de jazz scandaleuse à Tossa de Mar (au nord de Barcelone, où depuis une statue de bronze la représentant regarde l'horizon) dans Pandora, la duchesse d'Albe maîtresse de Goya et modèle du tableau La maja nue, une entraîneuse tombant amoureuse d'un prêtre pendant la guerre civile espagnole dans L'ange pourpre, une lady en virée à Pampelune dans Le soleil se lève aussi… et j'en passe.

Enfin, elle adorait la corrida, et on disait d'elle qu'elle était à la fois le torrero, le taureau et le spectateur ! Ses amants torreros, qui avaient du mal à la suivre dans ses extravagantes et interminables nuits de fête, en sortaient épuisés. Parmi eux le fameux Luis Miguel Dominguin, qui se rangea en épousant l'actrice Lucia Bosé, leur fils Miguel Bosé faisant partie des acteurs fétiches d'Almodovar (Talons aiguilles).

On la voyait souvent, pieds nus en pleine nuit au milieu de la plus grande rue de Madrid, faire des passes de matador avec ses mantilles au dessus des capots des voitures en criant : Olé !

Oui vraiment, si Almodovar nous abreuve dans chacun de ses films de références hollywoodiennes, la référence à Ava Gardner plus que toute autre a sa place dans son univers et sa filmographie !

Scénario étonnant. Alors qu'on s'attendait à ceci, on se retrouve embarqué là. L'histoire prend aux tripes. On est sans cesse pris au dépourvu.

Après le brillantissime "Pulsions" de B. de Palma et la formidable kyrielle de policiers qui a suivi, il en faudrait beaucoup pour épater encore la galerie. Et c'est ce que réussit à accomplir ce "Matador", surprenant de bout en bout jusqu'à une fin proprement insolite. Du jamais vu (pour qui comme moi n'a pas vu "Duel au soleil") pour un thriller tout en chaleur. Le sommet de l'oeuvre Almodóvar à mon avis.

Mémorable séquence vertigineuse de la caméra tournoyante quand la femme en rouge dévale l'escalier en colimaçon.