Un film de Mario Bava où figure Boris Karloff ! Voilà à n'en pas douter une rencontre qui s'imposait.
Permettez-moi, ami Arca d'un peu doucher votre enthousiasme et de vous prier de mettre une sourdine au péan triomphant que vous avez entonné ! Amateur moi-même de Mario Bava et des histoires épouvantables, je me suis installé hier devant mon écran en pensant retrouver sinon l'effrayante esthétique du Masque du Démon ou la grandiose outrance de La baie sanglante, mais quelque chose de bien propre à me placer dans une heureuse catalepsie horrifique…
Bon. J'ai vu ; ce n'est pas mauvais, et il y a même pas mal de petites choses très bien. Cela étant, c'est loin d'être du grand Bava et ça stagne comme un petit film facile de samedi soir, pour un public bon enfant.Dût la chose vous décevoir, ne comptez pas trop sur la présence de Boris Karloff, qui n'accomplit là qu'une pige honorable – qu'on espère avoir été convenablement rémunérée – en présentant, dans un très bref prologue les trois histoires qui composent le film, en ricanant sardoniquement à l'épilogue et – tout de même ! – en jouant, de façon un peu ostentatoire, le patriarche vampire du deuxième segment.
Car, le titre du film le dit assez, il s'agit là de trois histoires qui n'ont entre elles aucun rapport, et qui n'appartiennent pas, non plus, à la même famille des récits de terreur.
|La première histoire me semble contenir, malgré sa brièveté, tous les ingrédients des futurs giallo, genre que, d'ailleurs, Bava inaugure dans ces mêmes années avec La fille qui en savait trop ou Six femmes pour l'assassin (il faudrait être un très savant érudit pour connaître les dates des tournages des trois films : les listes, selon les sites, ne sont pas très fiables). Toujours est-il que le huis-clos pâtit un peu de la médiocrité de l'interprétation de Michèle Mercier, une année avant l'immense succès d'Angélique, gourde comme pas deux et perruquée (ou teinte) en brune. Le coup du téléphone qui sonne animé par un correspondant malveillant qui semble voir tout ce qui se passe dans la pièce est un peu rebattu et la chute est banale. Mais ce qui est amusant, dans ce premier sketch, c'est l'évidente homosexualité des deux amies, Michèle Mercier, donc et Lidia Alfonsi, audace peu imaginable en 1964, sur quoi Bava insiste par touches assez lourdes, sans jamais, toutefois, montrer la moindre image tendre… L'amie délaissée a voulu faire peur à son amoureuse, lui faire une farce terrifiante… et elles se retrouveront au matin zigouillées par l'amant évadé de prison… Tout cela est d'une absolue moralité. La deuxième histoire est la plus réussie, esthétiquement. La couleur, là, parvient à être aussi inquiétante qu'était le glorieux noir et blanc du Masque du démon, filmé trois ans auparavant, avec qui Bava ne dissimule pas son inspiration. Il y a des paysages de ruines brumeuses superbes, des crépuscules extrêmement angoissants, de violents contrastes de tonalités qui évoquent aussi, déjà, très largement, ce que fera Dario Argento, avec les violets, les verts, les bleus malsains. Malheureusement l'histoire, dans ce conte de terreur inspiré de Tolstoï est finalement assez niaise ou, plus exactement grandiloquente, et assez mal interprétée. La troisième histoire, inspirée, elle de Tchekhov, et un Tchékhov qui aurait lu Edgar Poe, est, d'assez loin, la plus ingénieuse, de cette infirmière qui dérobe la dépouille mortelle d'une vieille aristocrate d'une bague de prix et, de retour chez elle, voit surgir la malédiction impitoyable de la volée. Le palais de la vieille femme est superbe, et fait songer à ces grandes demeures italiennes, de Florence ou de Rome, où rien n'a changé depuis des siècles et où s'accumulent les trésors d'une civilisation. Malheureusement, l'excellente idée (c'est aussi un peu, après le larcin, le vieux coup toujours aussi efficace de L'œil était dans la tombe et regardait Caïn de notre ami Victor Hugo), malheureusement donc la physionomie de la morte, qu'on croirait maquillée avec des déchets de plastique est si ridicule, si peu crédible qu'on ne s'y attache pas une seconde. Dieu sait si je ne suis pas absolument féru d'effets spéciaux et si je suis plutôt bon public et bon zig, voulant bien ignorer les ficelles, mais là, c'est beaucoup trop… Je me suis bien longuement étendu sur un film que je ne note pas très fort ; c'est sans doute, aussi, qu'il est porteur d'images si inquiétantes que son côté à-la-va-vite, que son caractère un peu fauché laisse néanmoins penser combien Mario Bava avait l'admlirable talent de faire peur…Cher Impétueux, j'ai arrêté de lire votre (fort intéressante) exégèse après la description de la première histoire, que j'ai vue il y a à peine quelques heures et qui, en effet, m'a semblé plutôt banale. Je lirai votre commentaire sur les deux suivantes ce soir, quand j'aurai vu les deux autres volets !
Mais je relève ceci : « C'est l'évidente homosexualité des deux amies, Michèle Mercier, donc et Lidia Alfonsi, audace peu imaginable en 1964 »
Voilà qui relève un peu ce sketch assez plat. Cela dit, 1964, tiens donc, c'est justement l'année de La Fugue, une histoire d'amour entre Giovanna Ralli et Anouk Aimée. 1964, année de toutes les audaces ?
1961 annonçait déjà la tendance aux U.S.A. avec La rumeur, et l'année suivante, le personnage de Claire Bloom dans La maison du diable, a confirmé l'intérêt pour ces personnages féminins jusque là bien occultés (ou déguisés).
Je ne me rappelle plus dans quel film de Bava, Christopher Lee interprété un noble défigure revenant dans son château pour se venger de sa famille, ou quelque chose comme ça, qui m'avait plutôt plu étant enfant et que j'aimerai bien revoir.
Eh bien voilà : je ne suis guère impressionné. Du même Bava, j'avais quand même bien aimé Opération peur, sans être exactement pâmé : il y avait de brefs mais vrais moments d'angoisse. Celui-ci ne m'a pas apeuré une seconde (et pourtant je suis le spectateur-pleutre idéal, qui se laisse hypnotiser facilement et sursaute au moindre bruit suspect). Que la photo et les éclairages soient très élaborés ne change pas grand-chose, hélas, aux clichés du genre portes qui grincent et gros plans sur des yeux écarquillés. Heureusement, il y a l'acteur et effet spécial Boris Karloff, que j'aime toujours autant et qui fait un patriarche vampire tout à fait al dente dans le second épisode. Ses collègues sont cependant plusieurs crans en dessous et surtout, le scénariste ne s'est vraiment, vraiment pas foulé.
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