« Le fascisme est le stade suprême du capitalisme ! », martelaient sans réfléchir beaucoup de camarades – mais pas tous* – à l\'époque de Staline, et encore après Staline. « CRS, SS! », répétèrent leurs fils et filles spirituels (qui pouvaient bien, dans certains cas, être leurs enfants tout court). Pour une certaine gauche, notamment celle qui a cru dur comme fer à mai 68, tout ce qui était de droite – et par extension tout ce qui \"jouait objectivement le jeu de la droite\" – était \"fasciste\". Manque d\'instruction flagrant ? Bien sûr, et qui renvoie directement à l\'usage tout aussi slack, loufdingue, partisan, trompeur et malhonnête du mot \"communiste\" par une certaine droite (qui lui était parfois contemporaine, rien d\'étonnant). Eh bien, à voir ce film fort pompeusement intitulé La Question humaine, je constate que rien n\'a changé, nous en sommes toujours au même point, comme dans ces histoires de science-fiction où un personnage est coincé à perpète dans une boucle du temps. Nos amis martèlent toujours aujourd\'hui les mêmes slogans simplets. Le capitalisme est le mal; or la Shoah était le mal; donc le capitalisme c\'est la Shoah.

Définir efficacement et précisément le fascisme, ce n\'est décidément pas la tasse de thé de nos soixante-huitards chéris. Par contre, l\'amalgame niaiseux, le syllogisme pour primaires instruits, la strumentalizzazione hystérique restent tout à fait dans leurs cordes. Le Monde, Libération et les Inrockuptibles ont adoré ça.

Avec Lou Castel (fallait bien que je trouve une raison pour ne pas mettre zéro).

(*) Pour prendre un exemple, le lucide Leonardo Sciascia, longtemps proche du PCI, n\'a jamais cru ce genre d\'âneries.

Mais comment se fait-il que des films de cette farine, tels que vous nous les décrivez, non seulement puissent encore être tournés, mais encore – et c'est ce qui m'épate ! – peuvent traverser l'Atlantique et être projetés aux populations du Québec, qui n'en demandent sûrement pas tant ?

Et mystère plus épais encore, comment se fait-il que je sois allé voir ça ? Eh bien, ce film nous est arrivé tout tressé de couronnes, notamment cannoises. Le Monde ayant adoré ça, Le Devoir ne pouvait qu\'adorer ça aussi. C\'est notre provincialisme d\'élite, qui ne jure que par la France, surtout si elle lit Le Monde; nous avons aussi un provincialisme populaire, qui considère comme parole d\'Évangile tout ce qui nous arrive des USA, surtout si Oprah l\'a dit; et comme il y a beaucoup de monde à mi-chemin entre la brillante élite et le gentil peuple, nous sommes nombreux à souffrir des deux syndromes à la fois !

Notez que dans ma descente en flammes, je n\'ai pas dit à quel point ce film est bien fait, très très soigné au plan formel. La photographie remarquable, la BO songée qui marie Mozart (je crois) et Joy Division, les acteurs… Mais justement, je me dis : \"Tout ça pour ça !?\"