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Sujet : "Rien ne va plus en Amérique"


De bastien, le 27 janvier 2004 à 11:03
Note du film : 5/6

En guise de parenthèse dans sa trilogie verte Pèche/Cheval/Golf, Robert Redford s'est intéressé de près à ce premier scandale de jeu télévisé truqué aux Etats-Unis. A sa sortie, le film a subi un échec commercial assez remarquable, rappelant qu'on s'attaque difficilement à la télévision aux Etats-Unis. Le film de Redford va mème largement plus loin que ça puisque dans le thème de la perte d'innocence et de moralité qui obsède son cinéma, c'est sans doute ici qu'il livre son discour le plus dur.

Spoilers

Il n'y a pas de héros dans "Quiz Show", pas de personnages sur lequel le spectateur puisse s'appuyer à 100%. Herbert Stempel (John Turturro) est un personnage lâche, bouffon et antipathique… La mise en scene et le scénario ont une brillante idée quand à son traitement. Le spectateur est dés le départ dans la confidence des magouilles, mais on lui donne l'illusion de personnages non corrompus sur lesquels il peut s'appuyer. On sait que les responsables de la châne sont les enflures. Dans cette optique, lorsque le ventilateur est arrété dans la cabine de Stempel, on l'analyse au départ comme quelque chose supposé l'inciter à répondre faux… Au milieu du film, Redford révèle que Stempel avait lui aussi les réponses d'avances, et que le coup du ventilo fait partie d'une mise en scène, décortiqué devant le grand jury. Une idée intéressante dans le traitement d'un fait divers: on fait croire au spectateur qu'il est omniscient avant de révéler qu'en fait non, il ne savait pas tous depuis une heure de film: quelque chose qui puisse lui aussi lui faire ressentir ce mensonge. Ces révélations permettent de relancer en prime complètement le film à mi-parcours.

Autre personnage, Charles Van Doren (exellent Ralph Fiennes) est le substitut redfordien tourmenté que l'on retrouve dans beaucoups de ses propres films, que ce soit encore sous les traits de Brad Pitt ou Matt Damon. En utilisant ce type d'acteurs ("nous représentons un mème type d'américain" dit Redford par rapport à Pitt), c'est pour régler ses affaires d'images. Redford a eu énormément de mal à trimballer sa beauté blonde, et ses doubles dans son travail de metteur en scène sont là pour subir ses tourments. Le spectateur ne peut s'empécher de s'attacher à Van Doren, enfant gaté d'une grande famille qui voit par cette corruption le moyen de se faire un prénom… Redford fait tout pour rendre ce personnage attachant, qu'on puisse s'appitoier sur lui comme sur un enfant au contraire de Stempel: l'enquéteur Richard Goodwin (Rob Morrow en substitut du spectateur) essayera ainsi de ne pas le trainer devant le tribunal.

L'Amérique aime Van Doren pour ce qu'il représente, son image, et Redford nous convie à réfléchir là dessus. Lors de la scène final au tribunal, Van Doren balance un grand speech d'aveu/pardon/rédemption. C'est là que Redford va se montrer le plus impitoyable: filmé comme un discours à la Capra, Van Doren se voit alors approuvé par trois juges. Le dernier juge lui lancera au contraire: "on a pas à féliciter un adulte parce qu'il a dit la vérité". C'est se juge qui se fera alors applaudir par la salle, réduisant définitivement Van Doren a son statut enfantin, son image est finis. "Quiz Show" est une oeuvre extrèmement moralisatrice. Il ne reste à Van Doren que la confession qu'il a fait à son père pour survivre, pas celle qu'il a faite au public: le film suit en ce sens les vertus taumaturgeet psychanalytiques Wasp des autres films de Redford (suivant "Des gens comme les Autres"), mais de façon très nuançé.



L'enquéteur Richard Goodwin, qui est un peu le représentant du spectateur, est là pour recevoir toute la part de désillusion du film, qui est double: Redford nous montre que cette histoire est non seulement une désillusion par rapport à la télé (c'est le premier "la télé nous ment", dans l'Amérique d'Eisenhower), mais aussi sur la justice. La chaîne et l'annonceur Géritol (dont le président est interprété par Martin Scorsese) ne seront jamais inquiétés. Dernières répliques du film: "Je pensais avoir la télévision, et c'est la télévision qui va nous avoir", avant que s'ouvre un générique de fin, contrechamps sur un public de plateau de télé, qui rie et appalaudis en ralentis.

C'est peut-être parce que "Quiz Show" est le plus urbain des films de Redford qu'il est le plus dur. Pas de nature ou se ressourcer, si ce n'est lors d'une scéquence particulièrement bienvenue à la campagne, chez les Van Doren, ou la frénésie du film s'arrète.C'est la place pour une ballade en bateau un peu bucolique mais aussi une scène ironique, celle ou le père Van Doren se voit offir une télé, qui siège sur la verdure de son jardin. Mark Isham, qui n'a pas composé un thème reconnaissable comme pour "Et au milieu coule une rivière" livre néanmoins quelques très beaux morceaux mélancoliques dans ces moments. Toujours bien épaulé, le travail sur la photo de Michael Balhaus et le montage sont irréprochables dans ce film qui est une merveille de narration… C'est très dense, et ça contraste avec d'autres films du réalisateur qui se laisse plus aller au temps et à la contemplation. Le film est presque une essence de ses obsessions, en mème temps qu'une parenthèse. Il faut voir "Quiz Show", ne serait-ce par son pré-générique sur fond de Chrysler… "Rien ne va plus en Amérique".


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