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Sujet : Luigi Comencini, maître de l'enfance au cinéma

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De Arca1943, le 17 janvier 2004 à 22:08
Note du film : 6/6

Straight from the reality industry (ça c'est Cinecittà, par opposition à la Dream Industry qui est, évidemment, Hollywood) ce film inoubliable sur l'enfance mal-aimée et délaissée. Pas l'ombre d'une trace de mièvrerie ou de sentimentalisme, encore moins de mélo, dans cette comédie amère signée par Luigi Comencini, qui est peut-être le plus grand spécialiste de l'enfance au cinéma.

Le plus grand risque de ce film – et sa plus grande réussite – c'est que le jeune Eugenio est loin d'être sympathique au premier abord. S'il l'était, le film raterait sa cible. Non qu'il soit détestable, ce n'est pas ce que je veux dire; mais il peut être très chiant par moments, agaçant. C'est un enfant difficile, qui n'est pas "cute" du tout. Il le faut, sinon la force du film diminuerait: il faut que pour le spectateur, ce ne soit pas pas évident qu'Eugenio va bien tourner plus tard, qu'il va forcément s'en sortir.

Mais plus le film progresse, plus la personnalité complexe du jeune protagoniste nous est familière, plus on regarde son entourage d'un sale oeil. Et surtout ses parents (Saverio Marconi et Dalila Di Lazzaro tous deux criants de vérité). Ils sont bien jolis, avec toutes leurs grandes causes. Je n'ai rien contre les militants de gauche; mais ceux-là sont comme la girafe (d'ailleurs c'est ainsi que leur parti était parfois surnommé en Italie): ils voient très bien ce qui est au loin, mais très mal ce qui est à leurs pieds. Il y a là un aperçu très dur – et j'ose le croire, de première main – sur la génération 68…

Un détail en passant : le drame se trouve déjà tout entier dans le nom du personnage: Eu-genio, comme eu-topia: littéralement, le non-né.

Et comme on est encore sur le terrain de la "comédie à l'italienne" alors finissante, le film fourmille d'observations drolatiques et acerbes, de personnages secondaires inimitables, comme ce Moustache, rédacteur en chef d'une feuille anarchiste, qui dans la première scène du film abandonne tout bonnement Eugenio sur une route de campagne… Ou ce voisin du père, qui lui explique comment battre les enfants pour que ça ne laisse pas de traces…

Bref, lecteurs qui passez, vous DEVEZ avoir un bon mouvement et voter pour la réédition en DVD de ce film en or.


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De dumbledore, le 18 janvier 2004 à 09:59
Note du film : 6/6

Au vu de la vie de cet Eugenio, il aurait été incrédible qu'il soit autrement que dur et révolté : délaissé par ses parents, confié à des grands parents qui ne sont plus en âge de s'occuper de lui, etc. Il y a de quoi être un enfant dur.

Toutefois, il est vrai que c'est une des premières fois (?) qu'on voit apparaître cette figure de l'enfance de pré-ado violent.

Même dans ce chef d'oeuvre qu'est Allemagne année zero l'enfant, malgré les attrocités qu'il commettra reste une figure de l'enfance pure.

Très jolie cette remarque sur le nom.


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De dumbledore, le 18 janvier 2004 à 13:26
Note du film : 6/6

La fin est encore plus fine que ça, tous les adultes (parents, amis, grands parents) retrouvent l'enfant et se demandent alors qui va le garder, car si tous voulaient le retrouver, aucun ne veut le garder.

Ils sont dans une bergerie et assistent émus "au miracle de la vie", celui de la naissance d'un veau "Que c'est beau" dit tout le monde. Moustache (celui qui l'avait abandonné en voiture) fait signe discrètement et avec un sourire, à Eugenio de s'éloigner. Ce qu'il fait.


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De dumbledore, le 18 janvier 2004 à 18:34
Note du film : 6/6

Ou Romain Gary : "Il n'y a rien de plus humain que le regard d'un chien" !


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De Arca1943, le 18 janvier 2004 à 19:09
Note du film : 6/6

Ah oui, c'est vrai, je m'en rappelle maintenant! Dieu qu'ils avaient de l'ironie à revendre, ces gens-là! Un mauvais point pour ma mémoire flageolante. Pour me faire pardonner, une citation de Leonardo Sciascia qui rejoint ce finale: «Quand il y a partout tant de pitié pour les animaux, il en reste bien peu pour l'Homme.»


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De jagger, le 3 juin 2005 à 00:31
Note du film : 6/6

Je souhaiterai revoir ce film, car 25 ans après c'est toujours la réalité des choses. Comencini savait très bien interpreter sentiments des enfants face à une réalité des choses quotidiennes et l'égoïsme des adultes. ou en es le cinéma italien . il n'y a plus de Felini, de Comencini etc…


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De Arca1943, le 3 juin 2005 à 13:53
Note du film : 6/6

« Où en est le cinéma italien ? Il n'y a plus de Fellini, de Comencini, etc… »

C'est vrai. Mais il y a, par exemple, Daniele Luchetti, Gabriele Salvatores, Gianni Amelio – qui certes sait filmer l'enfance, comme on le voit dans Les Enfants volés – il y a aussi Calopresti et Marco Tullio Giordana ( La Meglio gioventu)… et Tornatore, évidemment. Et encore plus évidemment, Moretti. Et Marco Risi, et Ricky Tognazzi

Mais pour nombre d'entre eux – Luchetti notamment dont j'ai tellement aimé Domani accadra et Le Porteur de serviette – leurs films ne sont même pas exportés. Je regarde parfois, sur des sites italiens, quels films italiens "performent" au box-office, et ce sont des choses dont souvent personne hors d'Italie n'a entendu parler. Les acheteurs, s'ils voient ces films, n'en veulent pas.

C'est dans les années 80 que l'exportation s'est effondrée. En sorte que toute une nouvelle génération de comiques est presque entièrement passée à la trappe. Carlo Verdone, par exemple. Francesco Nuti. Un ou deux Nichetti ont été exportés : Ladro di saponete et Volere volare. Mais en général, à l'exception de Benigni et bien sûr Moretti, de nombreux films italiens restent lettre morte sur les marcés internationaux.

Dernier exemple que je connais : le film El Alamein, grand succès en Italie, aucune exportation en France…

C'est une cinématographie sinistrée… mais personne, désormais, ne sait plus ce qu'on y trouve.

Arca1943


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De Arca1943, le 4 décembre 2005 à 23:38
Note du film : 6/6

Je vous cite: "Cinecittà n'est pas qu'une reality industry, il suffit pour cela de revoir les films de Fellini".

Certes… Mais comme le fait judicieusement remarquer H. Stuart Hugues, éminent italianiste de la California University de San Diego, disparu en 1999 (il a même connu personnellement mon maître à penser, le comte Sforza!!!):

« In this sense le réalisme, the postwar cultural renaissance had a single major theme; even dream and fantasy – as in Calvino's novels and Fellini's films – were not so much an escape as a way to a clearer understanding of reality. »

(Cité dans The United States and Italy, 3rd enlarged edition, Harvard University Press, 1979.)

Plus encore qu'à la joie, Les Aventures de Pinocchio est un hymne à la liberté (à la différence de la version moralisante et sanctimonious de Walt Disney, qui est surtout un hymne à l'obéissance). C'est aussi, je crois, le seul exemple de comédie à l'italienne à se terminer sur un happy end (enfin aboli de la comédie populaire en 1957 grâce au Pigeon). Bien sûr, puisque c'était la seule à être destinée aux enfants…

Et parlant de fin, je me rappelle tout à coup (comment ais-je pu l'oublier?!?) le finale chaplinesque d'Eugenio: tandis que les adultes se renvoient la patate chaude, personne ne voulant assumer la responsabilité de l'enfant, Eugenio file à l'anglaise… Hymne à la liberté, derechef.

Arca1943


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De Arca1943, le 20 octobre 2012 à 17:49
Note du film : 6/6

Bien sûr, la réédition de Casanova, un adolescent à Venise est à marquer d'une pierre blanche. Quel bon film ! Mais ne nous arrêtons pas en si bon chemin : Eugenio, un des meilleurs films de Luigi Comencini, est toujours absent des bacs ! Existe en VF et il y a entre autres Bernard Blier dedans. On le voit ci-contre en compagnie du réalisateur.


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De Arca1943, le 7 décembre 2012 à 16:28
Note du film : 6/6

Sur le site de la FNAC (ouvert aux particuliers), un petit malin offre le VHS français du film a vendre pour… 100 euros.

La réédition DVD s'impose plus que jamais !


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De Tamatoa, le 7 décembre 2012 à 18:02

Ancora un film che non vedrò ma, in Francia come in Italia, l'unione fa la forza e l'amicizia !..


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De Arca1943, le 18 mars 2015 à 20:34
Note du film : 6/6

À peine onze ans après les premiers votes enthousiastes enregistrés sur DvdToile, voici que Eugenio, tragicomédie de Luigi Comencini sur les drames de l'enfance mal-aimée et ballotée de tous bords, sort enfin sur DVD francophone, en juin prochain, dans la collection Gaumont à la demande.


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De verdun, le 4 novembre 2015 à 21:57
Note du film : 6/6

Effectivement, Eugenio est une réussite impressionnante.

On retrouve le regard sur l'enfance cher à Comencini, mais ici contrairement à L'incompris, film par ailleurs admirable, on s'éloigne du mélodrame.

Tout est implacable, sec, cruel, porté par une mise en scène particulièrement sobre et une construction en flash-backs qui fonctionne bien. Une épure.

La réquisitoire contre le monde des adultes en général est fort, que ces adultes soient comme les deux parents deux ex-soixante-huitards désinvoltes, ou comme les grands-parents, issus d'une société plus ancienne. La scène finale, pessimiste et lumineuse à la fois est une parfaite illustration de ce jeu de massacre fort mais jamais caricatural. L'humour n'est jamais tout à fait absent non plus.

Les acteurs tous parfaits contribuent à la justesse de ton générale.

La seule réserve porte sur la chanson récurrente, qui plagie de manière éhontée le "Porque te vas ?" de Cria cuervos. C'est dire si je trouve peu à redire sur cette oeuvre, franchement admirable.


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De vincentp, le 1er juin 2016 à 23:54
Note du film : 5/6

Eugenio ressemble à Le grand embouteillage réalisé un an auparavant par Comencini : drame implacable, illustration de la difficulté à cohabiter et à communiquer au sein d'une société tendant à fonctionner de façon "inhumaine". Les gauchistes de Eugenio sont décrits comme immatures, sans solution. J'émettrais un petit bémol à propos de ce film : le rythme est lent, on peut s'ennuyer ou ne pas accrocher complément. Un très bon film au final, mais pas une des meilleures réussites de Comencini, à mon avis.


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