Laura Dern est hilarante et même touchante dans le rôle – vraiment pas évident – d'une junkie enceinte de son troisième ou quatrième marmot qui se retrouve coincée entre les manoeuvres (dignes de la Guerre Froide !) de groupes anti-avortement et pro-avortement. Mais les bonnes causes lui passent bien au-dessus de la tête : ce qu'elle veut, la citoyenne Ruth, c'est le gros paquet d'argent que lui ont promis les uns pour qu'elle mène sa grossesse à terme et les autres pour qu'elle l'interrompe ! Satire au vitriol de ce qu'on pourrait appeler "la classe militante", cette comédie est une étonnante réussite, sur un sujet pas facile. Ce monsieur Payne a du Risi dans le nez. Ne ratez pas Burt Reynolds en preacher gominé, c'est un de ses rares bons rôles des dernières années.

C'est vrai qu'il y a quelque chose d'italien, dans ce film curieux, extrêmement caustique, parfois cruel, qui n'épargne personne, pas même son héroïne, pitoyable junkie, dont la première apparition atteint déjà les tréfonds du sordide. Laura Dern porte le film sur les épaules, avec une belle abnégation : idiote, moche, sale, elle ose tout ! Payne renvoie dos à dos, les pro et anti-avortement, qu'il dépeint comme une meute de bigots belliqueux (le couple formé par Kurtwood Smith et Mary Kay Place est hallucinant), et met Ruth au centre d'une polémique nationale, où finalement nul ne s'intéresse à elle. En cela, la fin est très bien vue. Parmi les seconds rôles : Burt Reynolds, avec une des pires moumoutes de sa carrière, dans un rôle ambigu (les rapports avec le jeune éphèbe qui lui masse les épaules), Diane Ladd la mère de Laura Dern, qui apparaît fugitivement dans le rôle de… la mère de Laura Dern, comme dans Sailor et Lula. Les moments d'émotion font un peu tâche, dans un film qui aurait pu être encore plus abrasif, mais Citizen Ruth vaut vraiment un coup d'oeil curieux.