Ah, Les tueurs, superbe film noir, d'après une nouvelle d'Hemingway !
Ava Gardner, grande copine de celui qu'elle appelait "Papa Hemingway", avec lequel elle partageait le goût de l'alcool, des nuits sans sommeil, du jazz et des corridas, racontait que l'écrivain aimait ce film, tiré de son oeuvre.
Il en possédait une copie à domicile et aimait la projeter à ses invités. Sauf qu'il s'endormait généralement à la fin de la première bobine, qui seule correspondait à sa courte nouvelle, le reste de l'histoire étant extrapolé par les scénaristes…
Pourtant, voici l'occasion de découvrir dans leur premier grand rôle non seulement l'athlétqiue et charismatique Burt Lancaster, dans un rôle plus fataliste que d'habitude, mais aussi la divine Ava Gardner… "prêtée" pour l'occasion par la MGM à la Columbia.
La belle, en robe fourreau noire (c'était la mode en 1946 : penser que Gilda avec Rita Hayworth date de la même année et que Lauren Bacall avait ouvert le bal l'année précédente dans Le port de l'angoisse), accoudée à un piano, le subjuge en chantant : "The more I know of love, the less I know" (traduction : plus j'en sais sur l'amour et moins j'en sais…), le menant à sa perte.
Quel plaisir d'entendre Ava chanter de sa vraie voix (ainsi que dans Pandora et Mogambo) alors qu'elle sera – horreur ! – doublée dans Show Boat et L'île au complot…
Le réalisateur Robert Siodmak tenait à ce qu'elle soit à la hauteur dans sa dernière scène, malgré son manque de métier. Du coup, il lui mit la pression en lui promettant les pires outrages si elle ne figurait pas une crise de nerf crédible. La légende veut qu'il ait si bien réussi son coup que la belle Ava piqua une réelle crise de nerf à cette occasion.
En tout cas, sa carrière de femme fatale était lancée. Comme l'écrit Ava elle même dans ses "Mémoires", lorsque son personnage, Kitty, avoue vers la fin du film être fatale à tous ceux qui l'approchent, y compris à elle même, il ne reste plus grand monde de vivant autour pour la contredire…
« …un accent sur le poids du destin… »
Siodmak y a sans doute retrouvé une thématique qui lui était proche, mais cet ingrédient vient tout droit de la magnifique nouvelle d'Ernest Hemingway (comme romancier, grand quoique inégal; comme auteur de nouvelles, alors là, un génie).
Burt Lancaster dans son premier rôle est impressionnant de charisme, et Ava Gardner est superbe, même si elle n'est pas aussi vénéneuse qu'une Barbara Stanwyck.
Le scénario est bien écrit. Les flash-backs sont parfaitement utilisés. Peut-être le dénouement manque t-il un peu d'intensité car il se focalise sur le sort d'un truand qui nous indiffère. En tous cas, Les tueurs est le seul film tiré de son oeuvre que Hemingway appréciait.
Mais surtout, le personnage du détective enquêtant pour la compagnie d'assurance m'a paru très creux, alors qu'il est interprété par un très bon comédien, Edmond O'Brian. On regretterait presque qu'il apparaisse autant à l'écran, au détriment du couple principal.
Le remake de Don Siegel , A bout portant corrigera avec talent ce défaut manifeste.
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